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Un fait de lucidité en la condition dite « psychométrique » - Partie 2

Annales des sciences psychiques

En 1914, par Osty E.

— Décrivez l'endroit où il gît et donnez des repères permettant de reconnaître cet endroit.

« ...dans cet endroit je vois comme des blocs de pierres... de très gros arbres... et de l'eau... le cadavre est apparent... il gît sur un sol mouillé... je le vois chauve, nez très long... au-dessus des oreilles un peu de cheveux blancs et aussi derrière la tête... vêtu d'un vêlement long... chemise molle... mains refermées... je vois un doigt, comme blessé, abîmé... très âgé, figure ridée... lèvres pendantes... front très lisse, très haut, très découvert... il est étendu, sur le côté droit, une jambe repliée... »

— Pourquoi est-il tombé là ?

« ...il y est tombé parce qu'il l'a voulu... idées pas nettes... il a voulu fuir sa maison, en raison d'idées de cerveau malade... l'idée de mourir lui est venue... il veut absolument mourir et c'est volontairement qu'il tombe sur le sol peu mouillé alors, mais beaucoup mouillé depuis, après beaucoup de pluie... »

La pièce d'eau qu'a vu la voyante lors d'un moment de lucidité.Blocs de pierre, dans une région calcaire où l'on ne voit pas de rochers, gros arbres, pièce d'eau... je jugeais que la réunion de ces repères devait permettre à M. Mirault, si les renseignements correspondaient au réel, de situer l'emplacement approximatif du cadavre. La voyante, d'ailleurs, avait épuisé ce qu'elle pouvait donner d'indications dans une première séance, je la fis se reposer et utilisai sa lucidité sur d'autres thèmes.

Ces renseignements, transmis immédiatement par lettre, provoqueront un grand étonnement dans l'entourage du disparu, tant était exacte la description de l'homme. Mais ils ne furent d'aucun secours. On ne connaissait pas de rochers. La propriété possédait plusieurs pièces d'eau qui avaient été sondées et dont les abords avaient été minutieusement explorés. Et les gros arbres étaient innombrables dans ce bois immense. Cependant l'assurance donnée par la voyante, que le corps était peu éloigné de la demeure du vieillard, excita à faire de nouvelles recherches. On fouilla, au hasard, les taillis les plus proches. Puis on s'arrêta, sans résultats.

Ce fut alors seulement que M. Mirault m'exposa les circonstances de la disparition du vieillard et ses suites.

M. Lerasle Etienne, âgé de 82 ans, valide encore, mais de cerveau un peu débilité par l'âge, avait quitté le 2 mars, à midi et demi, la maison de son fils pour faire sa promenade quotidienne. Comme la nuit approchait et qu'il n'était pas de retour, ce qui jamais encore ne s'était produit, les membres de la famille, inquiets, aidés de leurs voisins, le cherchèrent de tous côtés, l'appelèrent longuement, mais en vain. Chacun des jours suivants, les gens du village fouillèrent la région avec d'autant plus d'activité qu'ils pouvaient supposer le vieillard simplement égaré ou malade, mais encore vivant. Jours et recherches se succédèrent. Le dimanche 8 mars, à la demande du maire de Cours-les-Barres, 80 hommes explorèrent méthodiquement, la forêt et les terres environnantes, sans plus de succès. On ne releva pas le moindre indice permettant de supputer même la direction prise par M. Lerasle.

M. Mirault, absent du domaine du Lieu dès avant la disparition du vieillard, fit reprendre les recherches à son arrivée le 13 mars. Pendant plusieurs jours on fouilla étangs et pièces d'eau. Toujours rien.

Ce fut le 18 mars que, découragé et convaincu de l'inanité de tous autres efforts, il me demanda le secours de la lucidité.

Les indications que j'obtins dans une première séance furent, sans doute, intéressantes, mais d'aucun apport pratique. Toutes les parties de la forêt se ressemblent. C'est partout de vastes quadrilatères de taillis épais, découpés par des chemins tous semblables d'aspect et sillonnés par d'identiques sentiers. La visite que je fis alors de cette région, déjà fouillée en tous sens par tant de personnes et depuis tant de jours, me fit désespérer d'obtenir du sujet lucide des indications permettant de différencier un chemin d'un autre, Un sentier d'un autre, un morceau de taillis d'un autre... Et j'avoue qu'en cette circonstance ce ne fut pas ma conviction qui conduisit au succès final, mais bien celle que M. Mirault avait puisée dans la description précise du vieillard. Il pensa que si la voyante avait décrit aisément un homme inconnu d'elle et de l'expérimentateur, il y avait quelque probabilité pour que les repères donnés sur le lieu où le corps gisait fussent également vrais. La difficulté était de déterminer ce lieu. Et cette difficulté me semblait si grande que je désespérais de la voir se résoudre.

A ce moment, mon beau-frère, M. Lucien Galloy, ingénieur-directeur de l'Usine des Produits pyroligneux de la Guerche, se rendait à Paris. Je fus heureux de lui confier la suite de l'expérience. Il est très au courant de la psychologie de la lucidité et le psychisme particulier de Mme Morel depuis longtemps lui est familier. M. Mirault lui remit la carte de la région au 1/50.000 et un plan du parc au 1/5.000, carte et plan devant servir à suivre, à comprendre et à noter les indications du sujet. M. Galloy ne connaissait ni le disparu, ni sa famille, et, de l'endroit, il n'avait vu comme moi que ce qui s'aperçoit de l'allée principale allant de Cours-les-Barres au château : la masse de la forêt d'un coté, le vaste horizon de la vallée de la Loire de l'autre.

La deuxième séance eut lieu le 30 mars. Voici, textuellement ce qu'elle donna :

— Voyez l'homme à qui ce foulard appartient.

— ... Je vois un homme âgé... figure abîmée, très abîmée, défaite, noirâtre... il est couché, étendu sur le côté droit, une jambe repliée... mort... il est étendu dans un taillis, un bois épais... autour de lui je vois une grosse pierre, comme un tout petit rocher.,, et un peu plus loin sont, d'autres pierres...

— Voyez le chemin parcouru par cet homme, depuis qu'il a quitté sa demeure pour la dernière fois.

— ... Je vois de gros bâtiments, plusieurs maisons... il y a une large avenue vers ces maisons... l'homme part, du côté de ces maisons... il prend à droite un petit, sentier qui descend... il marche... arrive près d'une pièce d'eau... suit tout droit... passe devant d'autres bâtiments... tourne légèrement à gauche... tout droit, il aperçoit, beaucoup d'arbres, des taillis... et du chemin où il marche on voit l'immensité, on domine loin... il va près d'une maison plus petite... là il y a une barrière... et une étoile formée par trois chemins distincts... il prend franchement à gauche, suit ce chemin de gauche et s'enfonce dans le bois en suivant un petit sentier qui prend le plus près des petites maisons...

... Sur ce chemin de gauche qu'il a pris, est une sorte de cabane dans laquelle sont des outils... et, à côté d'elle, il y a un tas de bois coupé et empilé... cette cabane est plutôt une maisonnette, une ancienne habitation de garde... entre elle et la maison située à l'étoile, il y a un espace nu... l'homme a pris tout près de là un petit sentier, en quittant le chemin... c'est un homme âgé, figure intelligente, ridée.... touffes de cheveux blancs sur les côtés, lèvres pendantes... il n'a pas fait beaucoup de chemin dans le bois... il se sent malade, se couche, dort... et meurt...

... D'où il est, on ne voit pas la cabane, des arbres la dissimulent... il faut se mettre sur le chemin pour la voir... on retrouvera tout prochainement le cadavre...


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