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Un fait de lucidité en la condition dite « psychométrique » - Partie 4

Annales des sciences psychiques

En 1914, par Osty E.

Le cadavre. — L'aspect de sa physionomie est exactement relui décrit par Mme Morel :

« chauve, nez très long... au-dessus des oreilles un peu de cheveux blancs et aussi derrière la tête... figure ridée, lèvres pendantes, front très lisse, très haut, très découvert... bouche édentée... »

L'état de putréfaction des mains m'a empêché de vérifier s'il avait un doigt blessé ce qui n'existait pas quand il quitta sa maison, m'a dit depuis sa belle-fille.

« ... Vêtu d'un vêtement long... chemise molle, col rabattu... chemise de flanelle à deux teintes... vieille canne de bois... mouchoir à carreaux... » avait dit la voyante.

Le vieillard est vêtu d'un très long veston, d'une chemise molle, col rabattu, à deux teintes : raies noires sur fond blanc. Son mouchoir est à grands carreaux. Sa canne n'a pas été retrouvée, mais il l'avait emportée le jour de sa disparition ; il ne s'en séparait, d'ailleurs, jamais.

Le sujet avait dit encore : « ... le cadavre est apparent... il est étendu sur le côté droit, une jambe repliée... »

Le cadavre est parfaitement apparent, toute une partie de sa chemise attire la vue par son fond blanc. Il est bien en évidence sur un sol plat, et non dissimulé soit par son attitude, soit par l'herbe poussée, soit par un amoncellement de feuilles, soif par un replis de terrain... etc., comme cela aurait pu être.

Mais, et c'est la seule véritable erreur que j'ai relevée dans le contrôle, le corps n'est pas couché sur le côté droit, une jambe repliée, il est presque à plat sur le dos et sa jambe droite accuse une infime flexion du genou.

La mentalité du vieillard. — Mme Morel avait dit : « ... il dépasse une barrière... il hésite... il a une vieille canne de bois, il tape le sol avec... il va à droite dans un chemin qui descend... etc...»

Celle vision a beaucoup étonné les gens de l'entourage du vieillard qui avait cette manie, dès qu'il réfléchissait, de frapper le sol à petits coups de canne.

« ... Son cerveau n'est pas net avait encore dit Mme Morel, la tête est malade... il est tombé là parce qu'il l'a voulu... il a voulu fuir sa maison en raison d'idées de cerveau malade... l'idée de mourir lui est venue... il rentre dans le sentier avec l'intention de se dissimuler... il veut absolument mourir et c'est volontairement qu'il tombe sur le sol... »

Tout indique qu'il a du en être ainsi, bien que jamais cet homme, jusqu'alors, n'eut tenté de mourir volontairement. L'état d'âme indiqué par la voyante semble le plus probable à la famille et seul il peut donner une explication de l'action du vieillard. Cet homme passe devant la maison du carrefour où il sait que travaille son gendre. Il ne va pas vers lui comme il a coutume de le faire : il prend le chemin de gauche qui l'éloigne le plus tôt de cette maison, et s'engage dans la forêt par le plus proche sentier, ce qui le dissimule immédiatement à tous les regards. La marche dans le taillis l'a obligé à de très durs efforts pour son âge. Pour s'enfoncer ainsi, et aussi avant dans un fourré mal accueillant, il lui fallut une volonté bien déterminée et tendue vers un but : celui de mourir loin des siens et de tous secours.

La marche du vieillard de sa maison au taillis. — Les renseignements fournis par le sujet sur la marche du vieillard de sa maison au taillis mortuaire constituent un chef-d’œuvre de lucidité.

On part de la maison qu'habitait le vieillard, maison située dans le parc du château du Lieu et sur le côté de ce château. Deux chemins se présentent, l'un montant et l'autre descendant. Par ce dernier on arrive à une pièce d'eau distante d'une centaine de mètres, puis on passe entre deux bâtiments : des écuries d'un côté, la maison de M. Mirault de l'autre. Aussitôt après, le chemin tourne légèrement à gauche et de là, tout droit devant soi, l'on aperçoit à petite distance la lisière de la forêt, et, sur la droite, la vue s'étend jusqu'en Morvan, par dessus le val de la Loire. Cinquante mètres plus loin on arrive à une barrière, et l'on se trouve devant une maison, genre maison de garde-chasse, et au carrefour de trois chemins. En prenant celui de gauche, on longe une palissade enclosant un espace dans lequel se voient à quelques mètres une cabane ou maisonnette, dans laquelle réellement on a coutume de loger des outils, et un gros tas de bois coupé et empilé. A cet endroit, sur la gauche, immédiatement, s'amorce de plan-pied un sentier. Et, fait digne de remarque, c'est le seul, parmi les nombreux sentiers partant de ce chemin, qui commence de plan-pied, les autres ne débutant qu'au delà du creux d'un fossé. En suivant ce sentier, ou arrive bientôt (200 mètres environ) devant le taillis que pénétra le vieillard. Nul autre trajet ne peut mener là, sauf une voie boueuse parlant également du carrefour aussitôt avant la barrière. Mais, de l'avis de M. Mirault et des gardes, il aurait été impossible à cet homme âgé de marcher dans un pareil cloaque.

Il importe de considérer qu'un grand nombre d'autres chemins s'ouvraient à M. Lerasle, qui l'auraient conduit en toutes autres directions, en tous autres lieux de la forêt et de la campagne environnante, sans parler de la possibilité de fuir au loin par tous autres moyens. Et je rappelle que la direction indiquée par la voyante, fut la seule à laquelle se refusa de croire la famille, jusqu'à la découverte du corps.

De la maison du vieillard à l'endroit où il gisait, il y a 650 mètres à vol d'oiseau et un kilomètre par chemins et sentiers. « Il n'y a pas très loin », disait la voyante.

Enfin, je rappelle que Mme Morel prévint de la découverte toute prochaine du cadavre.


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