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Les émotions afflictives - Partie 5

Revue des sciences psychologiques. Psychologie, psychiatrie, psychologie sociale, méthodologie...

En 1913, par Tastevin J.

4° A côté du fait précédent, en voici d'autres qui, comme lui, montrent le retentissement gastrique des émotions douloureuses:
a) En étudiant la sécrétion gastrique sur des chiens munis d'une fistule gastrique, P. Leconte a pu constater d'une manière très évidente que la peur arrête immédiatement toute sécrétion gastrique, par exemple lorsque, opérant sur un animal qui n'y est pas habitué, on le lie sur la table à expérience; il suffit de prendre l'animal sur ses genoux en le rassurant pour que la sécrétion réapparaisse.
b) De son côté, Cannon, en étudiant sur le chat, à l'aide des rayons X, le péristaltisme gastrique, a pu observer l'arrêt immédiat des ondes péristaltiques sous l'influence de la peur et de la colère. Ces ondes réapparaissaient dès que, par des caresses, on rassurait l'animal.
c) Ici, nous allons placer un ensemble de troubles gastriques qui se produisent chez certains sujets sous l'influence des émotions afflictives, soit pendant l'émotion, soit peu après. Notons d'abord les éructations, le rejet de matières venues de l'estomac, les troubles digestifs; ces faits ont souvent été signalés au cours d'émotions douloureuses violentes. Enfin, signalons les phénomènes gastralgiques (spasmes douloureux gastriques) qui, chez certains sujets, se produisent pendant quelque temps, parfois pendant plusieurs jours, à la suite d'une forte émotion (peur, colère contenue).
Les faits que nous venons de signaler dans ce paragraphe n'établissent certes pas que le serrement épigastrique est une sensation spasmodique gastrique, mais ils montrent qu'au cours des émotions afflictives l'estomac est le siège de modifications importantes et à cause de cela nous devions les mentionner.

5° L'introduction dans l'estomac, alors qu'il est à peu près vide, de boissons glacées ou de liquides anesthésiants, tels que l'eau chloroformée, fait disparaître pour quelque temps le serrement épigastrique. Avec une boisson glacée, une sensation de froid remplace la douleur émotionnelle, celle-ci revient ensuite peu à peu, à mesure que disparaît la sensation de froid. Ces faits démontrent bien l'origine gastrique du serrement épigastrique.

6° Voici des faits démontrant non seulement qu'un spasme gastrique se produit au cours des émotions afflictives, mais encore que le serrement épigastrique est dû à ce spasme. Dans certains cas, le serrement épigastrique présente des irradiations; or, précisément dans ces irradiations, il se propage toujours le long du tube digestif, soit au-dessus de l'estomac, en suivant le trajet de l’œsophage et du pharynx, soit au-dessous de l'estomac, en suivant la voie de l'intestin, jusqu'au rectum.
C'est surtout dans l’énervement que s'observe la première irradiation; dans les observations VII, VIII et XII, nous avons vu que le serrement épigastrique s'accompagnait d'un serrement à la gorge; mais, chez certains sujets, lorsque l'émotion acquiert une grande intensité, la sensation constrictive devient continue depuis la gorge jusqu'au creux épigastrique, et se constitue en progressant de bas en haut. Parfois, alors que l'émotion a cessé, le sentiment de constriction persiste, pendant un temps plus ou moins long, sur une partie de son trajet (œsophagisme). Or, dans ces cas, l'introduction d'une sonde œsophagienne montre qu'au niveau de la sensation existe un rétrécissement spasmodique de l’œsophage. Le serrement épigastrique et son irradiation supérieure sont donc déterminés par un spasme gastro-œsophago-pharyngien. D'ailleurs, tous ces sujets qui, dans les colères contenues intenses, éprouvent une constriction violente à la gorge, remarquent qu'ils se trouvent à ces moments-là dans l'impossibilité d'effectuer tout mouvement de déglutition. Le serrement à la gorge résulte donc de la contraction spasmodique des muscles pharyngiens, et, comme il n'est que le prolongement du serrement épigastrique, celui-ci est bien une sensation spasmodique d'origine gastrique.
L'irradiation de la sensation épigastrique vers la partie inférieure du tube digestif a lieu surtout dans l'anxiété et ses variétés: la peur et la frayeur. Certains sujets sont particulièrement disposés à cette irradiation; quoi qu'il en soit, elle est favorisée par tout ce qui peut accroître la spasmodicité intestinale. Cette irradiation part de l'estomac et chemine jusqu'au rectum; arrivée là, elle tend à provoquer la défécation. Le long de son trajet intestinal, elle est sentie plus ou moins vivement, elle a en tout cas la tonalité d'une colique. Ces faits nous amènent à la même conclusion que celle que nous avons tirée de l'irradiation œsophagienne: c'est que le serrement épigastrique est une sensation spasmodique gastrique.

7° Chez les malades atteints d'entérite muco-membraneuse, on a observé depuis longtemps que les émotions douloureuses réveillaient les douleurs intestinales. Celles-ci étant dues à des spasmes, il s'ensuit que les émotions douloureuses déterminent des spasmes le long des voies digestives. Le long de l'intestin, à l'état habituel, ces spasmes trop faibles ne sont pas ressentis, ils ne le sont qu'à l'estomac. Mais si, sur le trajet intestinal, se trouve une région en état spasmodique, ainsi qu'il arrive dans l'entérite membraneuse, la contraction réflexe émotionnelle qui s'y produit suffit pour y provoquer une douleur ou pour accroître celle qui s'y manifestait déjà. Comme on le voit, ces faits corroborent la notion du caractère spasmodique et de l'origine gastrique des éléments affectifs des émotions afflictives, surtout si on les rapproche des suivants qui en sont, en quelque sorte, un commentaire expérimental:

8° Si, chez certains sujets, avec les extrémités des doigts, on déprime brusquement, en un point quelconque, la paroi abdominale, on détermine non seulement une sensation pénible au lieu excité, mais encore une deuxième sensation pénible localisée au creux épigastrique, et succédant immédiatement à la première. Chez d'autres sujets, ce réflexe est plus étendu: la sensation pénible épigastrique est elle-même suivie d'un serrement à la gorge et parfois d'une sensation sur tout le trajet de l’œsophage. Or, dans l'entérite muco-membraneuse, cette même excitation détermine, outre les sensations que nous venons d'indiquer, des douleurs dans la région où sont ressenties les crises entéralgiques. Ce dernier fait a été observé par Matignon, qui l'a utilisé pour apprécier l'état spasmodique de l'intestin chez les membraneux, lorsque leurs crises s'amendent; il l'a décrit parmi des faits qu'il a désignés sous le nom de petits signes de l'entéro-côlisme. D'autre part, dans l'appendicite, Rovsing a décrit un phénomène qui paraît être du même ordre (signe de Rovsing): l'excitation traumatique du gros intestin à travers la paroi abdominale détermine une douleur au niveau de l'appendice enflammé. Enfin, j'ai pu observer moi-même que l'excitation mécanique de l'intestin réveillait la douleur de l'ulcère chez les malades atteints d'ulcère de l'estomac.
Les faits qui s'observent ainsi dans les cas d'entérite membraneuse et d'appendicite, établissent que l'excitation mécanique de l'intestin retentit tout le long du tube digestif en y déterminant des spasmes. A l'état normal, ces spasmes ne sont pas assez intenses, sauf cependant à l'estomac, pour être ressentis. Mais si un point de l'intestin est enflammé (appendicite), ou s'il est déjà en état de spasmodicité (entérite membraneuse), alors il devient le siège d'une douleur.

Ainsi, la sensation que déterminent à l'épigastre les excitations traumatiques de l'intestin est bien un spasme gastrique. Remarquons que, comme le serrement épigastrique des émotions, elle s'accompagne, dans l'ulcère de l'estomac, d'un réveil des douleurs, et que, comme elle encore, elle peut s'irradier le long de l’œsophage jusqu'au pharynx. Si nous ajoutons qu'elle peut aussi, chez certains sujets, donner lieu à des crises d'hystérie, exactement comme les émotions afflictives, nous aurons réuni un faisceau suffisant de preuves pour établir que, comme cette sensation, le serrement épigastrique émotionnel a un siège gastrique et une origine spasmodique. Ainsi, par une nouvelle voie, nous arrivons encore à démontrer cette importante notion.


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