La psychiatrie au service de la déresponsabilisation des politiques

Plaider l'amnésie ou la phobie administrative peut être considérer comme une tentative des politiques à se disculper en ayant recours à une sorte de neurodéresponsabilisation.Ces derniers temps, des hommes politiques n'ont pas hésité à recourir à la psychiatrie pour expliquer leurs manquements moraux.
Ainsi, Jérôme Cahuzac plaida l'amnésie en 2013 à propos d'une conversation qu'il avait eu avec le président de la République et le ministre des finances. Puis, en 2014, ce fut Thomas Thévenoud qui justifia la non-déclaration de ses revenus au fisc et de la création de son entreprise individuelle, les retards de paiement de ses loyers, etc... par une prétendue phobie administrative.


Ces explications psychiatriques sont-elles plausibles?

Tout d'abord, il est important de rappeler qu'une amnésie est généralement causée, soit par un traumatisme (crânien ou psychologique), soit par un AVC (un accident vasculaire cérébral), soit par une toxicomanie (drogue ou alcool). De même, la phobie est une peur intense, qui déclenche une réaction physiologique, psychologique et comportementale violente, en présence d'un objet précis (un serpent, une araignée, un lieu public, etc...). Ainsi, la phobie se distingue nettement d'une aversion ou d'une difficulté à effectuer certaines tâches en temps et en heure (par exemple, remplir une déclaration d'impôts, payer son loyer, etc...), et qui peut mener vers une tendance à procrastiner.
Ensuite, de tels troubles mentaux sont absolument incompatibles avec un très haut niveau de responsabilité politique, lequel nécessite une capacité cognitive sans faille, ainsi qu'une maîtrise parfaite des démarches et des dossiers administratifs.
Enfin, il est également important de souligner que les responsables politiques, c'est-à-dire les représentants de l'Etat, se doivent d'adopter un comportement exemplaire et honnête.

De fait, tenter de se disculper d'une fraude en s'abritant derrière un dysfonctionnement psychologique est une stratégie qui, non seulement s'est avérée inefficace ; mais qui, de surcroît, a révélé une tendance de certains politiques à se croire au-dessus des lois et à ne jamais reconnaître leurs fautes. Aussi, cette attitude est l'une des principales caractéristiques du narcissisme. D'ailleurs, lorsque ce trait de personnalité se manifeste particulièrement durant l'exercice du pouvoir, il est appelé le syndrome d'hubris.


La neuroderesponsabilisation serait donc un symptôme du syndrome d'hubris?

Tout d'abord, il faut bien reconnaître qu'utiliser le cerveau comme le bouc émissaire d'erreurs graves est très pratique. D'autant que le développement considérable des connaissances en neurosciences rend désormais possible et séduisante l'idée de mettre les transgressions sur le compte d'un dysfonctionnement cérébral. En effet, dans ces conditions, comment juger qu'un criminel est entièrement responsable de ses actes puisque que c'est son cerveau qui l'a poussé à agir?
Pourtant, ces tentatives de neuroderesponsabilisation adoptées dernièrement par certains politiques ne doivent surtout pas minimiser leur responsabilité individuelle. Car cette tendance à déformer les acquis scientifiques risquerait de conduire à des situations critiques. En effet, dans ces conditions, un président pourrait très bien rétablir la loi martiale en invoquant une phobie du désordre...

En somme, on peut effectivement se demander si les tentatives de neurodéresponsabilisation en politique ne serait pas finalement une caractéristique du syndrome d'hubris...


Inspiré des travaux de Christophe André et de Jean Twenge.

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