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Les sens avant la naissance - Partie 2

Revue scientifique

En 1887, par Preyer W.


III. Le sens de l'olfaction avant la naissance

Comme, quand des fosses nasales sont remplies d'un liquide à odeur forte, il en résulte non seulement l'absence de sensation olfactive, mais encore un important amoindrissement de l'impressionnabilité aux odeurs, ainsi que E.H. Weber l'a trouvé, il ne peut être douteux qu'avant la naissance, les aérozoaires ne peuvent, par aucune excitation olfactive objective, éprouver une sensation de l'odorat; car, chez le fœtus, les fosses nasales ne contiennent, jusqu'à la naissance, aucune trace d'air. La condition fondamentale pour qu'il se produise chez l'homme une sensation de l'odorat à la suite d'une excitation externe, c'est-à-dire l'inspiration de corps gazeux, fait absolument défaut. Les fosses nasales sont, comme la cavité buccale, avant la naissance, remplies d'eau de l'amnios, en tant qu'elles aient une ouverture.

Par contre, il existe la possibilité, pour le nerf olfactif, d'être impressionné par une excitation interne non adéquate. On pourrait penser ainsi que, chez le fœtus à terme, des changements survenus dans la circulation du sang ou dans la tension des tissus fussent capables de provoquer une olfaction subjective, tantôt par des excitations périphériques, tantôt par des excitations centrales. Mais ces sensations sont au plus haut point improbables, étant donné que, chez les adultes humains en bonne santé, de pareilles excitations internes du nervus olfactorius, à l'état de veille, rentrent dans la catégorie des plus grandes exceptions et que, particulièrement pendant le sommeil, elles ne se présentent pas souvent sans se rapporter directement à une substance odorante du milieu ambiant, d'après de nombreuses recherches que j'ai faites à ce sujet, et qu'enfin, lorsqu'elles ont lieu, elles proviennent de réminiscences personnelles, comme les autres rêves. Or l'embryon ne peut avoir de pareilles réminiscences d'odeurs. De plus, les hallucinations olfactives, dans les maladies mentales et les empoisonnements (par exemple par la santonine), sont rares, comparativement aux hallucinations; enfin il est à considérer que l'embryon, même quand il est dans la possibilité d'éprouver une sensation quelconque du nerf olfactif, n'est pas dans une situation favorable à la production de ces excitations, à cause de la lenteur des changements qui pourraient agir comme excitants.

Donc, avant la naissance, il ne se produit pas, chez l'homme, de sensations olfactives.
Mais, pour le fœtus humain de huit mois (né avant terme), l'excitabilité de la première paire des nerfs cérébraux est avérée; car Kussmaul observa chez lui, pendant le sommeil, comme chez le nouveau-né à terme, quand les exhalaisons d'assa fœtida ou d'huile animale de Dippel pénétraient par inspiration dans le nez, des manifestations non équivoques de répugnance.
D'après cela, la faculté d'éprouver des sensations olfactives existe avant la naissance. Il manque toutefois l'occasion de la mettre en jeu.

Chez les embryons des hydrozoaires, particulièrement chez ceux des poissons, il doit en être autrement. Peut-être que chez eux, comme chez les adultes, les nerfs olfactifs peuvent être impressionnés par des excitations objectives; et le poulet, qui, avant l'éclosion, respire de l'air durant des heures, peut très bien avoir le sens de l'olfaction, immédiatement après. Car souvent il exécute des mouvements de répulsion et de déglutition, quand on lui présente des corps volatils à odeur caractéristique, par exemple de l'acide propionique, de l'ammoniaque liquide, de la teinture d'iode, de l'acide acétique; souvent il secoue la tête avec énergie, quand l'excitation est forte, et frappe sur le verre qui contient la substance volatile. La déglutition à vide parle d'autant plus en faveur d'une excitation des nerfs gustatifs, qu'un poulet normal éclos avant le vingt et unième jour, et auquel j'avais bouché les ouvertures nasales, et qui avait présenté toutes les réactions mentionnées, les répéta, bien qu'avec moins de force, quoiqu'il ne pût plus respirer par les orifices des narines. Mais connue il répondait (par l'occlusion des yeux, la déglutition, le pépiement, les mouvements de la tête) plus lentement au thymol, au camphre et à l'assa fœtida, qu'après l'enlèvement de la graisse qui obstruait ses narines, l'intervention du nerf olfactif (et non pas seulement des filets nasaux du trijumeau) est fort probable. D'ailleurs, ces expériences ne peuvent se faire facilement sur des poulets âgés de deux à trois semaines, à cause de la vivacité de ces petits animaux. Si on les tient solidement liés, il survient aisément des obstacles aux réflexes, si bien qu'ils ne réagissent à aucune excitation olfactive.

Les fœtus de lapins et de cobayes, extraits de l'utérus peu de temps avant la naissance attendue, dont le cordon a été sectionné, et qui sont maintenus dans la couveuse, donnent, d'après mes observations, le plus souvent déjà au bout d'une heure, quand dès le début ils ont bien respiré, des signes non équivoques de leur faculté de sentir; mais ils se comportent individuellement, dans les mêmes circonstances extérieures, d'une façon dissemblable. Les uns rejettent formellement la tête en arrière, lorsque les vapeurs du nitrite d'amyle, de l'acide propionique, du chloroforme sont mêlées en petite quantité à l'air inspiré, et détournent énergiquement la tête, chaque fois qu'on essaye d'approcher du petit animal aveugle l'ouverture du flacon qui contient une de ces vapeurs; les autres, à la suite de l'impression inaccoutumée, font même entendre leur voix et se montrent très agités. Par contre, d'autres lapins également vifs, les frères des précédents, ne répondent aux excitations olfactives, qu'a des intervalles de plusieurs secondes, par de semblables mouvements réflexes, ou même sans aucune netteté. Même les lapins nés artificiellement avant terme, auxquels je fis respirer longtemps de l'air chargé de chloroforme, à tel point qu'ils en devinrent immobiles, réagirent toutefois, souvent immédiatement, par de rapides mouvements de la tête, au nitrite d'amyle dont j'avais fait pénétrer des vapeurs dans leurs narines avec l'air qu'ils respiraient. Mais déjà, dès le premier essai d'olfaction de cette sorte, il se produit d'habitude une diminution de l'excitabilité du nerf olfactif, diminution qui se manifeste par une plus longue durée du temps du réflexe et par l'absence de tout réflexe.
Il a été question ailleurs de la faculté de sentir des nouveau-nés à terme.


IV. Le sens de l'audition avant la naissance

Tandis que les sens de la vision et de l'olfaction de l'embryon, dans l'utérus, ne peuvent être mis en activité par aucune excitation adéquate, on peut désigner plusieurs faits comme étant des excitants objectifs pour le sens de l'ouïe, faits qui peuvent être constatés les uns à l'oreille nue, les autres à l'aide du stéthoscope et du microphone, à savoir le pouls de l'aorte et le bruit continu du cœur de la mère, les bruits de l'utérus et de l'intestin de cette dernière par développement de gaz et mouvements péristaltiques, le bruit musculaire, et aussi le bruit du cordon ombilical, le bruit du cœur fœtal,les bruits intermittents qui surviennent pendant les mouvements du fœtus. Il faut y ajouter la voix de la mère et les productions de sons extérieurs occasionnés par le frottement des habits et les attouchements du corps.

On pouvait donc se demander si le fœtus, déjà avant la naissance, reçoit quelque impression auditive de l'une ou l'autre de ces excitations auditives, et s'il n'est pas sourd (Portal).
Certes on ne peut réfuter absolument une semblable opinion, mais son invraisemblance ressort de la manière dont se comporte le nouveau-né contre les impressions auditives.
En effet, la plupart d'entre eux sont, dans la première heure qui suit leur naissance, indifférents aux plus fortes excitations cutanées, et ne réagissent d'aucune façon aux bruits les plus sonores. En vérité, on aurait pu essayer de faire découler cette insensibilité de la soudaine transformation des milieux: auparavant le son était porté à l'oreille par l'eau de l'amnios, maintenant il l'est par l'air, et c'est ce conducteur plus mauvais du son, qui serait la cause de la surdité temporaire du nouveau-né. Mais il a été établi par plusieurs expérimentateurs que, avant la naissance, la caisse du tympan est remplie d'une masse résistante ou de tissu gélatineux et, plus tard, d'un tissu conjonctif mou, à un point tel qu'il ne peut être question d'une ouverture libre de la caisse ni du passage des ondes sonores à travers le tympan et les osselets.

Donc, pour les sensations auditives contestables dans l'utérus, la tête seule, comme corps conducteur, demeure en considération. Mais comme, d'après mes observations sur des enfants qui entendaient bien, le tic tac d'une montre et la vibration d'un diapason ne peuvent être perçus par la conductibilité de la tête, il est de toute invraisemblance qu'une excitation quelconque du nerf auditif se produisant par cette voie entraîne déjà, avant la naissance, une sensation auditive.
De même, il est difficile qu'une impression pareille ait lieu dans l'utérus à la suite d'une excitation interne.
Le fœtus humain n'éprouve, avant sa naissance, aucune espèce de sensation auditive; l'ensemble complexe de toutes les parties appartenant à l'organe de l'ouïe demeure sans fonction jusqu'après la mise en jeu de la respiration atmosphérique, de même que pour l’œil. Telle est l'affirmation qu'on peut émettre avec une probabilité qui frise la certitude.


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