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Le martyrologe des enfants et des femmes en Angleterre - Partie 2

La revue des revues

En 1897, par Finot J.

Les baby-farmers deviennent désormais les seuls tuteurs et uniquement responsables de l'avenir des enfants confiés à leur garde. Spéculateurs éhontés, ils n'ont qu'un désir: se défaire le plus tôt possible de l'enfant qui reste à leur charge afin d'en recevoir d'autres dans les mêmes conditions. Plus le produit varie, plus grand est leur bénéfice. Fidèle à ce principe commercial, ils s'efforcent de ne pas « éterniser » chez eux l'enfant à charge. Et lorsque le système de payement est adopté sous forme de mensualités, au lieu des prix à forfait, le sort des victimes n'en devient point meilleur. « L'offre du produit » atteint de telles proportions qu'il y a tout intérêt pour le baby-farmer à changer de marchandise, et cela d'autant plus qu'il réussit parfois à céder les enfants confiés à sa vigilance (?) pour faire le ménage de ceux qui travaillent dans les usines. Afin de se rendre compte de la valeur morale de ces « fermiers d'enfants », entrons dans un de ces taudis qui leur servent de logement typique. La description en a été faite par un membre de la Société protectrice qui a surpris une rabatteuse y conduisant d'un même coup cinq petits enfants: « l'arrière-chambré d'un cottage de journalier agricole en ruines, à peine bonne pour y loger du charbon, d'environ douze pieds carrés. Rampant et grouillant par terre dans leurs propres excréments, on voyait deux enfants. Deux autres étaient attachés dans des chaises branlantes, un autre gisait dans un bassinet pourri. La puanteur de la chambre était telle qu'un homme vigoureux fut pris de vomissements, dès l'ouverture de la porte. Quoique trois des enfants eussent près de deux ans, aucun ne pouvait marcher, un seul était capable de se tenir debout à l'aide d'une chaise. En plein mois de mars il n'y avait pas de feu. Deux des enfants avaient une bande de flanelle autour des reins, un avait un petit fichu, les autres, rien que de minces et sales vêtements de cotonnade. Tous avaient le teint jaune, fiévreux, la peau sur les os. Aucun ne criait, ils étaient trop faibles pour cela. L'un avait une bronchite; un second, une courbure de l'épine dorsale et les autres étaient rachitiques, suite du traitement qu'ils subissaient. Dans toute la maison on ne trouva pas une miette d'aliments pour enfants. Dans une chambre au-dessus il y avait un matelas imbibé et pourri d'ordures sur lequel on les portait la nuit; deux vieux vêtements faisaient l'office de couvertures. Tout ce que la maison possédait en fait d'habillements consistait dans les guenilles qu'ils avaient sur le corps. Un homme et sa femme passaient leur temps, assis, à les regarder mourir de faim et de saleté. Ainsi ils gagnaient leur vie, c'était leur métier... Un enfant (dont la mère leur était inconnue) était mort chez eux peu de temps auparavant. On leur enleva immédiatement les cinq pauvres créatures, mais deux moururent peu de temps après leur entrée à l'hôpital, et, de l'avis des médecins aucun des autres ne pouvait complètement revenir à la santé.

« Une autre « ferme » tenue aussi par un homme et sa femme consistait en une petite chambre occupée nuit et jour par six personnes. Dans un berceau, sur le lit, et dans un autre, près du lit, se trouvaient deux enfants suçant un biberon. Sur le lit gisait le troisième. Par terre était le quatrième ainsi que les deux nourriciers. Deux des enfants étaient très malades depuis des semaines, l'un semblait à la mort. Aucun n'avait reçu les soins d'un médecin. L'un avait des plaies vives autour des yeux et sur le corps « à cause des escargots qui y avaient passé », expliquèrent ces nourriciers. Malgré les cris de cet enfant (il criait toute la journée, dit une voisine) on ne les lui enlevait jamais. Une voisine avait vu l'homme, en colère à cause de ses cris, empiler des vêtements sur sa tête pour le faire taire. »


II

Le commerce des rabatteuses est si prospère qu'elles peuvent se payer le luxe d'envoyer les circulaires jusqu'aux lieux les plus obscurs des trois royaumes unis. Leurs annonces discrètes s'étalent du reste dans les colonnes des milliers des journaux. La Société protectrice a découvert tout récemment une de ces femmes qui dans un laps de temps insignifiant aurait reçu jusqu'à 80 enfants. Celles qui sont plus expéditives arrivent souvent à la conclusion qu'il vaut encore mieux se débarrasser soi-même des dépôts confiés et s'arrangent pour que les enfants meurent chez elles au bout d'un certain temps de leur maladie naturelle ». On a découvert chez une de ces gardiennes d'orphelines, ni plus ni moins que 300 habillements d'enfants!

La loi hypocrite anglaise ne voulant pas toujours admettre les graves dangers de cet état des choses, continue à confier à un seul fonctionnaire l'inspection de ces nourrices et nourriciers du Royaume-Uni. On devine aisément que le mal dans ces conditions se trouve encore toujours discrètement caché et n'était l'activité de la Société protectrice on ne se douterait point du fléau qui ravage le peuple anglais.
Car les rabatteuses et les nourrices ne sont point les ennemis uniques des enfants anglais. Il nous faut ranger dans la même catégorie les assurances sur les enfants et les associations funéraires.
L'opération se réduit tout simplement à ceci: on assure l'enfant à une somme si minime qu'elle soit, on s'en débarrasse et on touche la prime, en réalisant le gain net, montant de la différence entre les primes versées et l'assurance réalisée.
On assure d'autre part l'enfant pour les frais des funérailles dont on rapproche le terme.

Les gains réalisés de ce chef ne peuvent pas être très grands, les prolétaires anglais n'ayant pas de quoi payer de grandes primes, mais ces meurtres des enfants commis pour gagner quelquefois une somme de 20 à 100 francs nous démontrent toute la sauvagerie et l'immoralité profonde des basses couches sociales de l'Angleterre. Voici quelques faits empruntés aux rapports de la Société protectrice des enfants:
R. W..., âgée de 14 ans, se mourait de la fièvre et était noire de saleté quand le médecin la vit. La chambre dans laquelle elle se trouvait était dégoûtante et empestait. Le sol était couvert d'une épaisse couche d'ordures. Elle mourut le soir même. Appelé le lendemain pour une plus jeune enfant, âgée de 8 ans, le docteur trouva celle-ci souffrant aussi de fièvre maligne, si malpropre qu'elle paraissait n'avoir pas été lavée depuis des mois et couverte seulement de guenilles. Il ordonna un bain de moutarde. Lorsqu'il revint le lendemain, l'enfant n'avait pas eu son bain et était aussi sale qu'auparavant. Elle mourut peu après. Ces deux filles étaient assurées. Leurs parents avaient eu 16 enfants dont tous — sauf trois, aussi assurés, — étaient morts. Après enquête, les parents furent mis en prison.


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