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Le martyrologe des enfants et des femmes en Angleterre - Partie 1

La revue des revues

En 1897, par Finot J.


I

Malgré toutes les allures de vertu et de progrès moral dont se pare l'Angleterre, elle ne paraît pas avoir distancé, sous certains rapports, ses voisins moins civilisés. Les femmes ont beau y prétendre aux droits d'être électeurs et élues, on continue dans certaines couches sociales à les traiter comme aux bons XVe ou XVIIe siècles. Le sort des enfants y est encore plus tragique. Dans la lutte pour l'amélioration sociale de toutes les classes de la nation anglaise, on a presque oublié celle des petits êtres désarmés et impuissants destinés à devenir ses maîtres de demain. Nous disons presque, car les tentatives faites pour préserver l'enfance des crimes et des dangers qui la menacent, n'ont servi, jusqu'à présent, qu'à divulguer le mal, mais non point à le conjurer. Quels faits révoltants ne nous a-t-on pas mis sous les yeux en commençant par la vente des enfants et en finissant par le meurtre de ces innocents, meurtres déjà implantés dans les mœurs! Certains faits divers que rapportent à ce sujet les journaux anglais, dénoncent la mise en pratique du fameux pamphlet de Swift sur les moyens d'empêcher les enfants des pauvres Irlandais d'être à « charge à leurs parents ou à leurs pays ». Le tribun violent a été du reste beaucoup plus humain dans la théorie que ses compatriotes ne le sont en réalité. Pour lui, il ne s'agissait que de faire saigner les petits enfants comme des veaux, de les cuire et de les manger. Rôti ou bouilli, un jeune enfant, enseignait Swift, est une nourriture substantielle et saine et propre à toutes les tables. Il fallait seulement les élever avec soin pendant un an, puis un coup de couteau et le but serait atteint!

Tel n'est point le sort des petits martyrs de l'Angleterre moderne. A en croire la Society for the prevention of Cruelty to Children (la Société protectrice des enfants) le nombre des crimes de cruauté commis contre les enfants anglais serait supérieur à celui commis contre les bêtes. En cinq ans, cette société a dénoncé 11 690 cas, dont 1 637 ont été si graves qu'il a fallu les punir, malgré la clémence des juges à l'égard de ce genre des crimes, de 376 ans de prison!

Cet état des choses n'est plus un secret pour personne. En 1870, l'affaire de Mme Ellis-Waters a fait voir le gouffre terrible dans lequel se trouvait une grande partie de la société anglaise. On s'est aperçu alors, d'une façon qui ne laissait place à aucun doute, que les « adoptions des enfants » si répandues en Angleterre n'étaient, en somme, que des meurtres déguisés.
Ellis-Waters condamnée pour avoir supprimé une cinquantaine d'enfants a déclaré en plein tribunal que: « Quand un père ou une mère vous paie une prime pour que vous adoptiez son enfant, il est entendu d'une façon indirecte que l'enfant doit disparaître à jamais. »
Que d'enfants disparus en Angleterre depuis ce mémorable procès! En 1890, la grande revue londonienne, la Contemporary Review publia à ce sujet des détails révoltants, laissant derrière eux tout ce qu'on nous a appris sur la « fabrication des anges » en France.

Si ce trait caractéristique des crimes contre l'enfance en Angleterre consiste surtout dans les massacres des enfants vivants, le crime connu en France sous le nom de « fabrication d'anges » ne lui est non plus étranger. La moralité pudibonde de l'Angleterre recule cependant devant la publicité de ce genre de procès, en concentrant ses efforts surtout sur les crimes contre les vivants. Certains statisticiens calculent que, bon an mal an, l'Angleterre a sur sa conscience 10 000 enfants supprimés de l'âge de 6 mois à 7 ans.

Un journaliste londonien racontait dans le Sun, en 1895, qu'ayant voulu se persuader de l'étendue de ces crimes, il avait publié une annonce ainsi conçue:
« Une dame charitable offre d'adopter un enfant en bas-âge, fille ou garçon, et de le bien élever jusqu'à sa majorité, pour la somme de 2 à 400 francs. Bonnes références ».
En trois jours, il a reçu plus de quatre cents lettres avec des propositions, de lui confier à tout jamais autant d'enfants. Lorsqu'on songe que cette somme minime suffit à peine pour habiller un enfant pendant deux ou trois ans, que rien que la demande de l'argent faisait clairement voir le but « intéressé » ou plutôt criminel de son auteur, on reste stupéfait de l'insouciance morale de ces mères dénaturées.

Les données révélées tout récemment dans les rapports de la Société protectrice des enfants et dans les études publiées dans le West-minster Review et le Journal des Économistes nous démontrent un état de mœurs tellement odieux qu'on se refuserait d'y croire, n'était l'autorité incontestable de nos sources.

Étudions avant tout le système du baby-farming, qui opère sur une vaste échelle le métier des « faiseuses d'anges ». A l'aide des circulaires et des annonces dans les journaux, la rabatteuse attire chez elle toutes les personnes qui désirent se débarrasser de leurs enfants par raison de pauvreté ou dans le but de cacher des naissances illégitimes. L'appel au public de cette affreuse, harpie revêt ordinairement le langage de la sollicitude pour les pauvres petits êtres, la tendresse des sentiments maternels de la part d'une dame privée d'enfants elle-même. A bon entendeur salut. Les mères mauvaises ou infortunées accourent. Pour un prix variant de 125 à 5 000 francs qu'elles doivent verser au préalable, elles se soustraient aux soucis et aux joies de la maternité. L'enfant est conduit de suite à la maison des nourriciers, à laquelle la rabatteuse transmet une partie de la somme encaissée.


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