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Les états mixtes de l'hypnotisme - Partie 2

Revue scientifique

En 1886, par Magnin P.

Tenant compte de cette remarque, je me demandai si le résultat que j'observais ne tenait pas simplement à l'insuffisance de durée de l'action hypnogénique. Je touchai alors à nouveau le vertex de la malade et, continuant la pression un instant, je la vis passer du somnambulisme en catalepsie et de la catalepsie en léthargie. Pendant des mois, j'avais placé la malade d'emblée en léthargie par pression du vertex et comme, d'une part, ce sujet était très sensible et que, d'autre part, la pression était suffisante et, par habitude, peut-être toujours la même, je n'avais pas vu que, dans chaque expérience, elle devenait somnambule, puis cataleptique, et alors seulement léthargique. J'avais donc, chez cette malade, au moyen d'une même excitation, produit successivement les différents états du sommeil provoqué; même tentative sur d'autres sujets et quelque fût, d'ailleurs, le procédé employé pour les endormir, même résultat.
Ce qui précède est, du reste, en rapport avec les idées émises au sujet du somnambulisme spontané et l'ordre dans lequel se montrent probablement, du moins au plus, d'après MM. Ball et Chambard, les phénomènes qui constituent ce trouble fonctionnel du système nerveux nous confirme dans notre manière de voir.
Dans son remarquable mémoire sur la suggestion dans l'état hypnotique et dans l'état de veille, M. le professeur Bernheim (de Nancy) arrive à une conclusion opposée. Pour cet auteur, le somnambulisme, lorsqu'il se présente dans son plus parfait développement (automatisme somnambulique actif et vie somnambulique de Chambard), implique l'influence la plus profonde, le degré d'hypnose le plus éloigné de l'état de veille. Mais les divisions que M. Bernheim établit, dès le début de son travail, dans la somniation provoquée, tendent à montrer qu'il n'a expérimenté que sur des sujets somnambules ou somnambulo-cataleptiques. Quant à la léthargie, M. Bernheim ne semble pas l'avoir observée.
On comprend d'ailleurs combien, dans l'étude du sommeil expérimental, les divisions peuvent être multipliées à l'infini, et cela suivant le point de vue auquel on se place. Pour n'en citer qu'un exemple, ne voyons-nous pas M. Bernheim admettre six degrés dans le somnambulisme.
Le fait est tout particulièrement évident, précisément lorsqu'on cherche à déterminer les différentes phases de l'hypnose en se servant d'une même excitation prolongée un temps suffisant.
Pour ne reprendre que l'exemple que nous avons cité plus haut, une faible pression sur le vertex suffit à rendre une malade somnambule. Qu'on l'exerce plus énergique ou mieux que, sans en augmenter l'intensité, on continue l'excitation pendant un temps plus long, le sujet deviendra bientôt cataleptique. Mais ce passage du premier état dans le second ne se fera pas brusquement et tout d'un coup. Il s'opérera, au contraire, graduellement, et dès lors ce n'est que progressivement et lentement que les phénomènes du somnambulisme feront place aux caractères de la catalepsie. On observera là tous les intermédiaires, et il est facile de comprendre que, si subitement on vient à supprimer l'action hypnogénique, on pourra laisser le sujet dans un état, arrêter la malade pour ainsi dire à un degré qui ne sera déjà plus le somnambulisme franc, qui ne sera pas encore la catalepsie vraie, mais bien un état mixte qui présentera, mélangés et réunis, les phénomènes que l'on regarde comme principes du somnambulisme et de la catalepsie.
De même, on pourra observer tous les intermédiaires entre la catalepsie et la léthargie. Abaissez subitement les paupières d'un sujet cataleptique, il devient brusquement léthargique. Mais exercez une action lente en même temps que légère et la transition, elle aussi, sera lente et graduelle.
Ce n'est pas à dire qu'on ne puisse, au moyen d'excitations brusques et intenses, produire tous les phénomènes qui ont été observés dans la somniation provoquée, mais nous pensons que les excitations faibles et prolongées doivent être employées de préférence. Elles permettront, bien mieux que tous autres moyens plus violents, de saisir les relations qui unissent entre eux les différents symptômes de la névrose hypnotique et de déterminer leur ordre de succession naturel.
Tamburini et Seppili ont observé le passage graduel de la léthargie à la catalepsie. Ils pensent que l'état mixte qu'ils ont observé ressemble fort à l'état cataleptiforme décrit par MM. Charcot et Richer. Ils se sont servis de stimulants acoustiques (diapason) ou cutanés (excitations faibles et répétées).
Les phénomènes sont d'ailleurs très nets lorsque, comme nous venons de le voir, on provoque, au moyen d'une même excitation, les diverses phases de la somniation. Rien de plus facile à observer que tous les degrés de l'hypnose, depuis l'état de veille jusqu'au sommeil le plus complet et réciproquement.
Nous avons en effet montré, M. Dumontpallier et moi, que les excitations périphériques les plus diverses sont capables de provoquer les différentes phases de l’hypnotisme et, que ces mêmes excitations sont propres aussi à faire cesser les effets produits.
Ce fait nous avait paru évident dès le début de nos recherches. Il a été formulé par M. Dumontpallier: « L'agent qui fait, défait; la cause qui fait, défait. »
Nous avons montré également que, dans certaines conditions et mise en action d'une façon continue, une même excitation pouvait produire successivement des effets inverses (oscillations). Nous n'insisterons pas.
Nous pensons d'ailleurs que les différences qu'on a voulu donner comme absolues entre les diverses phases du sommeil provoqué tendront d'autant plus à disparaître que les phénomènes de l'hypnotisme seront plus étudiés et mieux connus.
Prenons, par exemple, les contractures. On sait les résultats des belles études poursuivies sur ce sujet par MM. Charcot et Richer. Pour ces auteurs, pendant deux des phases de l'hypnotisme (état léthargique et état somnambulique), la contracture musculaire peut être obtenue, mais par deux procédés différents et propres à chacun de ces deux états. Ainsi, pendant la léthargie, la contracture succède aux excitations mécaniques profondes, portées soit sur les tendons, soit sur les masses musculaires, soit sur les nerfs, tandis que, pendant le somnambulisme, il faut, pour amener un résultat analogue, des excitations exclusivement cutanées, légères, superficielles.
Cette distinction des deux formes de contracture hypnotique conduit à un résultat clinique intéressant. Elle permet de distinguer chez les hystériques, en dehors de toute influence hypnotique, deux variétés de diathèse de contracture, répondant chacune à l'une des formes de la contracture de l'hypnotisme (variété léthargique, variété somnambulique).
Dans la catalepsie, au contraire, les excitations mécaniques de la même nature que celles qui, pendant l'état léthargique, produisent la contracture (pression, friction, malaxation des muscles, des tendons ou des nerfs) amènent le relâchement musculaire et la paralysie.
En somme, l'état cataleptique n'est pas favorable au développement de la contracture. Le phénomène neuro-musculaire observé peut, en quelque sorte, être considéré comme le pendant de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire propre à l'état léthargique; mais, à l'encontre de la contracture qui consiste en une exagération de l'activité musculaire, le phénomène consiste en une diminution de la même activité (phénomène d'inhibition).
Telle n'est pas notre manière de voir et nous ne croyons pas que le mécanisme de production des contractures suffise à caractériser telle ou telle période de l'hypnotisme.
Loin de moi la pensée de nier qu'il soit possible d'obtenir expérimentalement, dans l'hypnotisme, des contractures dont le point de départ soit l'excitation des nerfs sensitifs du muscle. Mais je crois avoir démontré que, loin de constituer un caractère pathognomonique du somnambulisme, les contractures à point de départ superficiel peuvent se rencontrer dans les diverses phases de la somniation provoquée. Elles sont communes à ces diverses phases et ne sont spéciales à aucune d'elles.
Dans la deuxième édition de son livre sur l'hystéro-épilepsie, M. Richer fait d'ailleurs remarquer très justement qu'à côté des cas qui lui ont servi de modèles, « il en existe d'autres (et vraisemblablement en bien plus grand nombre) dans lesquels les deux sortes de contracture se confondent et existent à la fois et dans la léthargie et dans le somnambulisme. Mais il n'en est pas moins vrai que les premiers, quoique plus rares, méritent seuls d'être regardés comme types, parce qu'eux seuls, en présentant les deux variétés de contracture avec des caractères nettement tranchés et comme à l'état d'isolement, ont permis d'en faire l'analyse et, par suite, de les retrouver dans les cas plus complexes où elles existaient confondues ».
Laissant de côté les contractures à point de départ profond que je n'ai pas étudiées spécialement et que, je ne saurais trop le répéter, je me garde bien de nier, je me déclare satisfait si, pour ce qui est des contractures à point de départ superficiel, j'ai décrit les cas qui, bien que n'étant pas types, constituent cependant le plus grand nombre.
Quoi qu'il en soit, il nous semble ressortir de tout ce qui précède que, si les résultats observés par M. Janet sont un peu différents des nôtres, de même que les procédés qu'il a employés pour les obtenir, il y a néanmoins une grande analogie entre les phases intermédiaires qu'il a étudiées et les états mixtes dont nous avions parlé antérieurement.


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