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Les états mixtes de l'hypnotisme - Partie 1

Revue scientifique

En 1886, par Magnin P.

Dans un très intéressant article paru récemment dans la Revue (8 mai 1886) et ayant pour titre les phases intermédiaires de l'hypnotisme, M. Pierre Janet rappelle les divergences d'opinion existant entre l'école de la Salpêtrière et celle de Nancy, au sujet des divisions à admettre dans cette d'états nerveux si complexes qui se montrent dans la somniation provoquée.
On sait que, pour le professeur Charcot et ses élèves, « l'hypnotisme représente un groupe comprenant plusieurs états nerveux différents les uns des autres, chacun de ces états s'accusant par une symptomatologie qui lui appartient en propre. Ces différents états nerveux, dont l'ensemble comprend toute la symptomatologie de l'hypnotisme, doivent être ramenés à trois types : 1° l'état cataleptique; 2° l'état léthargique; 3° l'état somnambulique. »
Par contre, les expérimentateurs de Nancy ne veulent admettre dans l'hypnose que différents degrés de profondeur et non pas des phases distinctes. Nous ferons remarquer tout d'abord que la division en catalepsie, léthargie, somnambulisme, n'exclut nullement l'idée des liaisons étroites qui peuvent exister entre ces différents états.
« Chacun d'eux, dit en effet le savant professeur de la Salpêtrière, jouit d'une autonomie réelle en ce sens qu'ils peuvent tous, dans certaines conditions, se présenter primitivement et persister isolément; mais comme ils peuvent aussi tous les trois, dans le cours d'une même observation, être produits successivement dans tel ou tel ordre, au gré de l'observateur, on pourrait les considérer comme représentant les phases ou périodes d'une seule affection. »
Quoi qu'il en soit, nous avons nous-même insisté sur les rapports qui existent entre les différents degrés de l'hypnotisme, ces rapports montrant qu'il ne faut pas s'exagérer la valeur de ces coupes, très utiles sans doute pour l'étude, mais encore plus artificielles que naturelles.
Les expériences que M. Janet a faites sur le sujet qu'il a eu l'occasion d'observer sont très intéressantes et très instructives; le soin avec lequel les résultats sont analysés dénote de la part de leur auteur une connaissance parfaite de la question. Cependant nous rappellerons à M. Janet que les phases intermédiaires de l'hypnotisme avaient été signalées et étudiées, il y a quelque temps déjà.
Qu'on nous permette de reproduire ici ce que nous avons publié, mon maître, M. Dumontpallier et moi, sur les états mixtes de l'hypnotisme. De cette façon il sera facile de saisir les analogies ou les différences qui peuvent exister entre les conclusions que M. Janet tire des expériences qu'il a instituées et celles que nous avions déduites des faits par nous observés.
L'hypnotisme peut être évidemment regardé comme une névrose expérimentale à plusieurs degrés; les différentes formes, ou mieux les différents degrés du sommeil provoqué, dépendent du rapport existant entre les fonctions obscurcies ou abolies et les fonctions persistantes ou excitées. D'ailleurs, outre les états qu'on a appelés francs (somnambulisme, catalepsie, léthargie), on en observe d'autres, non moins intéressants à étudier et que, par opposition, on a désignés sous le nom d'états mixtes.
A première vue très complexes, ils se rencontrent souvent au cours des expériences. Tantôt très nette, leur cause de production échappe quelquefois; mais, le plus souvent, il faut la rechercher dans le modus faciendi de l'expérimentateur.
Cette complexité est d'ailleurs plus apparente que réelle. En y regardant de plus près, il est facile de se convaincre qu'il y a simplement mélange des phénomènes qui caractérisent les divers degrés de la somniation. Ces états mixtes ne sont que des phases intermédiaires, des traits d'union entre les périodes franches et, en somme, tous ces états différents décrits dans l'hypnose ne sont que des degrés d'une même affection, degrés entre lesquels il ne saurait y avoir de transition brusque. L'hypnotisme doit être envisagé comme un processus essentiellement progressif et, depuis l'état de veille jusqu'à la léthargie qui nous semble être le degré le plus profond du sommeil provoqué, on observe tous les intermédiaires: soit, du moins au plus et sans parler des périodes mixtes, le somnambulisme et la catalepsie. Cela est si vrai qu'on peut, au moyen d'une même excitation suffisamment prolongée, faire passer le sujet de l'état de veille à l'état somnambulique, puis insensiblement à l'état cataleptique et de là enfin à l'état léthargique.
Dans une série de communications faites à la Société de biologie (1883), M. Brémaud (de Brest) a attiré l'attention sur un état spécial qu'il désigne sous le nom de fascination et qui, pour lui, représentait pour ainsi dire l'hypnotisme à son minimum d'intensité. Or ces expériences, M. Brémaud les a faites sur des sujets hommes, et, en apparence au moins, parfaitement sains. Il n'a jamais pu les reproduire sur les femmes hystéro-épileptiques sur lesquelles il a eu l'occasion d'expérimenter, comme si la susceptibilité trop grande des sujets les avait fait tomber de suite dans un état plus profond du sommeil provoqué. Sur des femmes en excellent état apparent de santé et hypnotisables, l'état de fascination ne peut être établi et chez les sujets masculins, quand les expériences sont multipliées, à mesure que l'impressionnabilité du sujet s’accroît, la période de fascination disparaît graduellement, jusqu'à ce que l'état établi d'emblée soit la catalepsie.
Chez les hystéro-épileptiques même, la sensibilité aux diverses manœuvres hypnogéniques est variable et la répétition des expériences présente sous ce rapport une influence incontestable. Les résultats différents que l'on observe sur les diverses malades soumises à l'hypnotisation dépendent et de l'état du sujet avant l'expérience et des moyens employés pour l'endormir.
Telle excitation périphérique, qui chez l'une ne produira que le somnambulisme ou la catalepsie, plongera l'autre d'emblée dans la léthargie la plus complète. Si, d'ailleurs, le fait que nous énonçons n'est pas évident au premier abord et ne semble pas avoir été vu par les observateurs qui se sont occupés de la question, c'est que l'établissement d'une période donnée de l'hypnotisme s'effectue avec rapidité et est d'une observation souvent fort difficile.
Je n'en veux pour preuve que l'exemple suivant: voulant un jour produire la léthargie d'emblée chez une malade, je lui appuyai sur le vertex (ce moyen, chez elle, réussissait très bien). Quelqu'un étant venu me parler, je cessai la pression et laissai là ma malade. Lorsque je revins auprès d'elle, je constatai qu'elle était endormie, mais en somnambulisme. Or, sur les nombreuses malades que nous avions eu l'occasion d'hypnotiser, nous avions, mon maître et moi, fait à diverses reprises la remarque suivante: lorsque nous voulions les placer d'emblée (par un procédé classique) dans la période léthargique du sommeil provoqué, il nous arrivait souvent de les faire passer par la phase cataleptique, et cela surtout lorsqu'il s'agissait de sujets présentant quelque résistance aux manœuvres hypnogéniques. Même observation avait, du reste, été faite par d'autres expérimentateurs.


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