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Des phénomènes consécutifs à l'ablation du cerveau et des mouvements de rotation - Partie 3

Revue scientifique de la France et de l'étranger

En 1872, par Onimus E.


Mouvements de rotation

Les mouvements de rotation se font à la suite de blessures d'une moitié de l'encéphale. Ils ont lieu surtout après la lésion unilatérale des hémisphères cérébraux, des couches striées, des couches optiques, des pédoncules cérébraux, des tubercules quadrijumeaux ou bijumeaux.

Les mouvements de rotation offrent deux types distincts, l'un est un mouvement de manège, l'autre un mouvement de roulement; dans le premier cas, l'animal reste dans son attitude normale, mais il tend toujours à aller d'un côté, et décrit ainsi une circonférence plus ou moins étendue. Dans le second cas, l'animal ne peut guère progresser et se mouvoir; dès qu'il entre en mouvement, il est entraîné par un mouvement de roulement, il tourne sur lui même comme une boule.

Mouvements de manège. — Les mouvements de manège existent surtout dans les lésions de l'encéphale. Nous avons été assez heureux pour les obtenir d'une manière très nette, mais sans exagération, chez une grenouille à laquelle nous avions enlevé les lobes cérébraux du côté droit. Le mouvement de manège se faisait du côté gauche, c'est-à-dire du côté lésé au côté sain.

Grenouille qui a perdu la moitié droite du cerveau.Ce qui nous a tout d'abord frappé dans l'attitude de cette grenouille, c'est que toute la partie gauche du corps avait le maintien et l'aspect extérieur de la grenouille sans cerveau. La patte de derrière de ce côté est plus rapprochée du corps, elle est ramassée comme chez la grenouille sans cerveau; la patte de devant est également moins écartée du corps et elle a la position que nous avons vue être constante chez la grenouille sans cerveau.

En même temps, l'animal tout entier penche un peu du côté gauche. Cette inclinaison du corps d'un côté n'est pas constante ni forcée chez les animaux qui n'ont que les mouvements de manège; elle est, au contraire constante et forcée chez ceux qui ont les mouvements de roulement.

L'attitude de cette grenouille change et même devient inverse lorsqu'on la chloroformise; le côté gauche qui était le plus ramassé, où les muscles éprouvaient une contraction tonique prédominante sur ceux du côté droit, devient alors plus faible. Cet effet se prononce de plus en plus, à mesure que l'influence du chloroforme devient plus manifeste, jusqu'au moment où les deux côtés sont complètement pris; alors la grenouille ne peut plus s'appuyer sur ses pattes de devant, et les pattes de derrière restent étendues immobiles.

A mesure que l'anesthésie disparaît, la patte du côté sain se replie et se rapproche du corps, celle du côté opposé restant encore étendue. Puis cette dernière se replie également l'attitude des deux côtés est alors identique, mais, lorsque l'état normal est revenu, les membres du côté en relation avec la lésion cérébrale sont de nouveau plus ramassés et font pencher le corps dans leur sens. Il y a donc une influence directe des centres nerveux sur ces contractions toniques.

Chez celle grenouille, nous avons encore d'un côté l'influence des lobes cérébraux, mais, de l'autre côté, les centres locomoteurs ont une indépendance complète, et ils agissent seuls sur les mouvements qui ont lieu de ce côté du corps. Qu'arrive-t-il alors lorsque l'animal se meut? Du côté sain, les mouvements se font selon le désir de la volonté, ils sont limités au but voulu par l'animal; mais, de l'autre côté, ils se font en masse, d'une manière automatique, invariable; ils entraînent, par conséquent, l'animal de leur côté, en même temps que la régularité mathématique de leurs contractions devient, pour ainsi dire, un centre dynamique pour les mouvements du côté opposé, qui sont moins réguliers. On s'explique ainsi le mouvement de manège, le côté en relation avec la lésion cérébrale étant à l'intérieur du cercle parcouru par l'animal. C'est pour cela aussi que, surtout pour les mouvements de manège et principalement lorsque la circonférence est un peu grande, la rotation n'a lieu que lorsque l'animal veut se déplacer, et très souvent même ne commence qu'après les premiers instants de locomotion.

Maintenant plusieurs cas peuvent se présenter, mais tous reviennent aux deux conséquences suivantes: l'influence cérébrale est abolie, ce qui détermine l'indépendance absolue des centres locomoteurs des autres parties encéphaliques, indépendance qui se traduit par un ensemble de mouvements forcés et automatiques; ou bien, les centres locomoteurs sont excités par une tumeur, une piqûre, etc., et alors leur dépendance vis-à-vis de lobes cérébraux cesse momentanément, malgré les communications anatomiques qui existent encore. C'est surtout dans ces cas que l'entraînement au moment de la lésion devient invincible et force l'animal à se mouvoir. Les centres locomoteurs entrent en activité, et aussi longtemps que l'excitation dure, l'animal est soumis d'une manière irrésistible à l'influence de ces centres. Ni la volonté, ni les émotions les plus grandes, ni même des obstacles physiques, n'empêchent les membres de se contracter et de se mouvoir.

Un chasseur nous a raconté le fait suivant qui, sous ce rapport, nous parait très intéressant. De très loin il avait tiré sur des canards sauvages qui étaient sur l'eau; l'un de ces canards ne put s'envoler et resta sur l'eau tournant en cercle d'une manière vertigineuse. Ce canard était parfaitement vivant, il n'avait reçu qu'un très petit grain de plomb et peu profondément du côté de la tête; il n'avait absolument aucune blessure en aucun autre endroit du corps. Or, ce qu'il y a de curieux dans ce fait, et ce qui a beaucoup étonné le chasseur, c'est que ce canard ne pouvait pas s'envoler, et cependant ni la volonté, ni les moyens ne lui manquaient, et même il ne pouvait pas plonger, ce que font d'ordinaire les canards sauvages lorsqu'ils sont blessés et qu'ils ne peuvent s'envoler; malgré l'approche du chien et l'action évidemment très énergique que son cerveau cherchait à exercer à ce moment sur ses mouvements extérieurs, il ne pouvait que nager à la surface de l'eau et avec un mouvement forcé de rotation.

Lorsque la lésion porte sur les deux côtés de l'encéphale, quelques-uns de ces phénomènes s'observent également seulement, comme la mise en activité des deux côtés est la même, l'animal se meut en ligne droite. Chez un jeune chat, nous avons, avec notre ami Ch. Legros, injecté du mercure par une ouverture faite au moyen du trépan dans la partie supérieure du crâne. Au premier moment, l'animal fut comme étourdi; il resta calme et affaissé sur lui-même. Au bout de quelque temps, le mercure étant arrivé par son propre poids jusqu'à la base du crâne; l'animal se lève, s'élance droit devant lui jusqu'à la muraille, fait de vains efforts pour aller plus avant, dévie d'un côté et recontinue aussitôt sa course jusqu'à ce qu'il rencontre un nouvel obstacle, et ainsi de suite. Il ne s'arrête qu'épuisé et tombe de lassitude, et alors encore, jusqu'à sa mort par compression du bulbe, ses membres se mouvaient sans interruption et d'une manière irrésistible.

Chez un homme chez lequel l'autopsie n'a pas été faite, mais chez lequel il y avait incontestablement tous les symptômes d'une tumeur crânienne, nous avons observé des phénomènes presque identiques avec ceux que présentait ce jeune chat. Quand il avait une crise (vers la fin de sa vie, ces crises se rapprochaient de plus en plus), il se levait l’œil hagard et marchait droit dans sa chambre, n'étant pour ainsi dire guidé que par des actions réflexes de locomotion d'habitude. Après sa crise, il ne se souvenait nullement d'avoir marché.

Il est de toute évidence que dans ces différents cas, il ne peut être question de paralysies, et que les phénomènes sont le résultat de l'excitation des centres locomoteurs. Ces centres, si l'influence du cerveau est abolie, et s'ils n'éprouvent pas d'irritation directe, n'agissent que lorsqu'ils sont sollicités à l'activité par les mouvements imprimés au côté opposé, et alors l'ensemble des mouvements est forcé et automatique, mais régulier et sans exagération. Le résultat est un mouvement de manège à circonférence étendue, mouvement qui n'a lieu que lorsque l'animal se déplace.

Si les centres, au contraire, sont directement excités, l'entraînement est forcé, irrésistible, et l'animal est obligé de se mouvoir dans le sens imprimé par ces centres.

Mouvements de roulement. — Pour bien comprendre le mouvement de roulement, il faut d'abord que nous exposions quelques faits sur lesquels on n'a guère insisté jusqu'à présent et que l'on observe chez les animaux en repos.

Dans les lésions des centres crâniens, dès qu'on lèse une partie quelconque de l'isthme encéphalique, l'animal n'a plus le même maintien extérieur, il penche d'un côté ou de l'autre, selon le côté où la lésion a été faite. Tous les muscles de ce côté sont alors dans un état de contraction tonique permanente.


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