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Savants et philosophes (I) - Partie 2

La revue des revues

En 1895, par Spencer H.

Se basant sur les constatations de divers écrivains anciens, Sir G.-C. Lewis parle ainsi des prêtres égyptiens:

« Ils étaient dispensés de tout travail et avaient aussi du loisir pour les études et les méditations scientifiques. Depuis une période très lointaine, ils observaient habituellement les étoiles, enregistraient leurs observations et cultivaient l'astronomie scientifique et la géométrie. Les prêtres égyptiens, bien plus, passent pour avoir tenu des registres dans lesquels ils consignaient les récits des phénomènes naturels les plus remarquables. » (Strabon, XVII, 1, 5.)

Semblable est la description, donnée par Diodore de Sicile, des actes et des mérites des prêtres égyptiens.

« Ils sont observateurs diligents du cours et des mouvements des astres. Ils ont, à grands frais et à grand'peine, observé les mouvements des planètes, leurs retours périodiques et leurs arrêts marqués. »

L'intime relation entre leur science et leur religion est prouvée par ce fait que « dans chaque temple, il y avait un astronome qui était chargé d'observer le ciel ». Une remarque de Duncker montre que leur science était un produit de leur religion: c'est que leurs écrits, qui contenaient au début les invocations traditionnelles aux dieux et les règles des cérémonies, « se changèrent en un canon liturgique et un code ecclésiastique de loi morale et religieuse, puis en une collection complète de toute la sagesse connue des prêtres. » Mais, comme le dit Bunsen, « les Égyptiens n'arrivaient jamais à une philosophie systématique et dialectiquement conduite », fait qui a beaucoup de signification. Car je puis faire remarquer en passant que chez les peuples de l'Orient en général et chez les autres peuples habitués depuis longtemps à un joug despotique, la pensée et l'enseignement sont entièrement dogmatiques. L'autorité absolue caractérise immédiatement le gouvernement extérieur et le gouvernement intérieur. Ce n'est qu'en arrivant aux sociétés partiellement libres que nous trouvons un appel au jugement individuel, des motifs donnés à l'appui de la croyance.

C'est apparemment parce que la Grèce était un composé d'Etats indépendants, différant souvent entre eux et parce que ces Etats avaient leurs religions respectives parentes entre elles mais non identiques, que jamais ne put s'élever en Grèce une hiérarchie cléricale. Et apparemment aussi, l'absence de cette hiérarchie fit obstacle à quelques-uns des développements professionnels. Un peu, peut-être, pour cette raison, mais surtout parce que le progrès scientifique en Egypte et en Assyrie avait procédé la civilisation grecque, la science fut importée dans un état de développement fut médiocre. Sir G.C. Lewis répète les témoignages de divers auteurs anciens, d'après lesquels les prêtres Égyptiens « regardaient leur science astronomique comme une doctrine ésotérique et mystérieuse, qu'ils ne dévoilaient qu'à contre-cœur aux étrangers. » (Strabon, XVII, 1 § 29). De semblables constatations sont faites relativement à l'astronomie assyrienne. (Platon, Epinsom. § 7.) Cette dérivation ne repose pas seulement sur des déclarations générales; mais elle est corroborée par les récits détaillés des visites faites par les philosophes grecs en Egypte, en Assyrie, et dans les autres pays d'Orient, dans le but de profiter des leçons des prêtres et des sages de ces pays. Ainsi Thalès, Phérécyde de Scyros, Pythagore, Démocrite, OEnopide de Chios, Eudoxe, Solon, Anaxagore, Platon, visitèrent, dit-on, l'Egypte et y reçurent l'instruction des prêtres ».

On peut citer encore ce passage du même ouvrage: « Aristote dit que la science des mathématiques naquit en Egypte, grâce aux loisirs qu'avaient les prêtres pour la contemplation. » A cet égard, nous pouvons intercaler ici la remarque que, soit que le mot géométrie ait été la traduction mot à mot de l'équivalent égyptien, soit qu'il ait été créé indépendamment de cet équivalent, nous voyons de même: en premier lieu, que cette moitié concrète des mathématiques germa du besoin pratique de mesurer la surface de la terre, et, en second lieu, que, puisque les temples (qui étaient aussi les palais des rois) étaient à ces époques primitives les seuls bâtiments permanents (le reste étant construit de bois ou d'argile séchée au soleil), on peut en inférer que cette grande division de la science, d'abord employée à leur orientation et à leur construction, fit ses premiers pas au service de la religion. Si maintenant, de cette parenthèse, nous revenons à la science grecque, nous trouvons que son développement ne peut être, que pour une très faible partie, attribué aux prêtres. Curtius nous apprend que « les localités des oracles devinrent des endroits où l'on réunissait les connaissances de diverses sortes, de façon à ce qu'on ne pût les rencontrer ailleurs »; que « le calendrier Grec était placé sous la surveillance de Delphes », et que « l'art de faire les routes et de construire les ponts eut sa première origine dans les sanctuaires nationaux, particulièrement dans ceux d'Apollon », ce qui impliquait déjà quelque culture scientifique. Mais, dans la pratique, les progrès scientifiques faits par les Grecs étaient d'origine, non pas sacrée, mais profane. Il en fut de même de leur philosophie. Bien que, dans la pensée de Mahaffy, « nous n'ayons pas de raison de douter que les philosophes n'aient été appelés pour exercer professionnellement leur ministère en cas de malheur » et quoiqu'ils assumassent ainsi une fonction caractéristique du prêtre, encore pouvons-nous affirmer que leur action n'avait pas une capacité religieuse. Evidemment, de façon générale, leurs spéculations ne partaient point des dogmes théologiques, mais bien des faits que l'observation scientifique avait établis ailleurs. Auparavant, il y avait eu une époque de développement indigène de la science et de la philosophie en dehors de la culture religieuse, il y avait eu une intrusion de cette science et de cette philosophie que la culture religieuse avait développées dans d'autres pays.

Le cours normal de l'évolution ayant été à Rome, plus encore qu'en Grèce, interrompu par l'invasion d'éléments étrangers, on peut moins encore y trouver une généalogie ininterrompue de la science et de la philosophie. Mais il semble néanmoins que la simplicité des rapports entre la culture religieuse et la connaissance scientifique ait conduit à une genèse nouvelle de cette dernière. Mommsen, après avoir constaté qu'il n'y avait à l'origine que deux collèges sacrés, les Augures et les Pontifes, ajoute:

« Les cinq constructeurs de ponts (pontifices) tiraient leur nom de leur fonction, aussi sacrée que politiquement importante, de diriger la construction et la réparation du pont sur le Tibre. Ils étaient les ingénieurs romains qui comprenaient les mystères des mesures et des nombres. Quand ils assumèrent également la confection du calendrier officiel, le privilège d'annoncer au peuple le temps de la nouvelle et de la pleine lune et les jours de fêtes, et de veiller à ce que tous les actes religieux et même judiciaires prissent place à l'époque régulière, ils acquirent ainsi la direction générale du culte romain et de tout ce qui se reliait à ce culte. — A quoi, en réalité, ne se reliait-il pas? — En fait, les fondements de la jurisprudence spirituelle et temporelle, aussi bien que ceux de la composition historique, sortirent de ce collège. »


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