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Sommeil et somnambulisme - Partie 1

Causeries scientifiques : découvertes et inventions, progrès de la science et de l'industrie

En 1866, par Parville H.

S'il est un fait certain, c'est assurément que nous dormons toutes les nuits par routine. Nous dormons, mais comment dormons-nous? Le pourquoi préoccupe peu le dormeur. Il est bon de dire que les savants qui ont mission spéciale de précisément rechercher les parce-que et les pourquoi, sont bien loin d'être d'accord sur ce fait qui parait si simple en apparence. M. le docteur Legrand du Saulle, à la fois bon avocat et bon médecin, ce qui, sans médisance, est assez rare, nous donne dans son récent ouvrage, La folie devant les tribunaux, quelques détails intéressants sur ce point, sur l'état de veille et sur le somnambulisme.

Nous passerons sur la théorie du sommeil pour y revenir spécialement et plus à loisir. Qu'il nous suffise de dire que c'est une simple modification dans le travail général de l'organisme. Le corps a besoin de se réparer journellement, il faut qu'il se construise. Il perd plus qu'il ne gagne dans l'état de veille; dans l'état de repos, le travail d'assimilation augmente notablement. « Qui dort, dîne » et le travail extérieur accusé par les mouvements respiratoires diminue dans la même proportion. Le corps vit, presque indépendamment de l'âme. Il est momentanément soustrait à sa volonté. C'est un outil, un véhicule que le maître laisse en repos et qu'il peut reprendre à tout instant pour exécuter ses travaux.

Il est donc faux de dire que le sommeil est l'image de la mort; pour nous, on aurait tort également de repousser entièrement cette expression comme le font les psychologistes. Il y a en effet indépendance considérable de l'âme pendant le sommeil, c'est presque la liberté de l'âme comme après la mort. L'analogie subsiste donc.

Ce n'est pas la mort cependant, car une fois la vie organique du corps entièrement éteinte; le lien est brisé; l'âme a quitté à tout jamais sa maison de molécules matérielles dont le groupement va peu à peu se modifier pour obéir aux lois immuables qui gouvernent la matière et aller reconstituer ailleurs de nouveaux corps et de nouvelles substances.

Il ne faut donc pas s'étonner si la pensée, loin de s'affaiblir, prend au contraire de la force pendant le sommeil. Le somnambulisme naturel démontre la vivacité des conceptions de l'esprit pendant la nuit; mais ici l’activité mentale ne s'exerce plus sur les réalités du présent. — L'âme ne se sert plus qu'a peine des organes de relation qui la mettent en rapport avec le monde extérieur. — La force mentale paraît se replier sur elle-même, à l'exclusion des objets extérieurs, et combiner en grande partie ses impressions ressenties pendant l'état de veille. La mémoire et l'imagination retracent au somnambule avec netteté ses préoccupations, ses affections, ses idées; mais là où la mémoire, l'imagination seraient insuffisantes, le somnambule devient incapable de conception ou de tout acte extérieur.

Un sujet endormi parcourait les appartements, l’œil fixe, sans apercevoir ceux qui l'entouraient, sans se heurter aux meubles. C'était si bien la mémoire qui le guidait que si l'on changeait la place d'une chaise et si l'on mettait cet obstacle sur son passage, il donnait contre et s'éveillait.

Un soir, Castelli, en traduisant de l'italien en français, s'endormit; il continua à chercher les mots dans le dictionnaire. On éteignit sa lampe; il n'y vit plus, bien que des bougies éclairassent l'appartement. Il lui fallut rallumer sa lampe pour continuer son travail.

Le passage de l'état de veille à l'état de sommeil est lui-même très curieux; il n'est pas généralement immédiat, mais graduel. Quelquefois il fait naître des phénomènes qui présentent de l'analogie avec ceux du somnambulisme.

Au réveil, il semble qu'il faille littéralement remettre la machine humaine en vitesse; c'est un moteur qui hésite à reprendre son mouvement. Au moment où nous nous endormons, au contraire, les perceptions sont encore sensibles. Nous profitons de la vitesse acquise. Dans tous les cas, l'homme n'a pas le sentiment exact de ce qui l'environne. Cet état intermédiaire n'est pas sans dangers pour l'homme; les actes qu'il commet sont souvent automatiques et il peut même avoir à en répondre devant les tribunaux. M. Legrand du Saulle cite quelques-uns de ces cas singuliers.

Un jeune homme était souvent tourmenté par des rêves terribles. Une nuit que son père s'était levé, il entendit le grincement d'une porte. Il saisit son fusil et attendit en guettant celui dont les pas s'approchaient. Aussitôt que son père fut à portée, il le frappa en pleine poitrine.

Bernard Schidmaizig, couché avec sa femme sous un hangar, s'éveille en sursaut à minuit. A côté de lui, il voit debout un fantôme. — Qui va là? crie-t-il à deux reprises. — Le fantôme au lieu de répondre marche droit sur lui. Égaré par la terreur, Schidmaizig saisit la hache qui lui servait dans le jour et frappa le spectre. Un profond soupir et le bruit que fit le corps en tombant rappela le meurtrier à la raison. Bernard Schidmaizig avait mortellement blessé sa femme.


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