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Le sens du toucher et le sens du magnétisme - Partie 3

Revue scientifique

En 1884, par Ochorowicz J.

Mes expériences ne me permettent pas de l'espérer. On est sensible ou non, et dans ce dernier cas, la force de l'aimant n'a pas d'importance. Elle est même d'une importance secondaire pour les organismes sensibles.

Il suffit donc que Lord Lindsay et M. Varley recommencent leurs expériences sur une vingtaine de personnes, pour vérifier le fait, sans augmenter la puissance de leur aimant. Je peux leur garantir le résultat.

Voyons maintenant quelles sont les sensations éprouvées par les personnes sensibles?

Je laisse de côté les phénomènes de paralysie, de contracture, d'insensibilité, de somnolence, de vertiges, des modifications dans la circulation, etc., qui accompagnent le plus souvent l'application d'un fort aimant à la tête ou à une partie de l'abdomen, je ne parlerai que des sensations provoquées par un aimant de force médiocre et dans un seul doigt.

Ce sont:

La sensation d'un souffle froid assez semblable à celui qu'on éprouve devant une machine électro-statique. On ne la rencontre que dix-sept fois sur cent.

La sensation de chaleur (quelquefois de sécheresse en même temps). Elle est encore plus rare que la précédente; mais parfois chez la même personne on observe une sensation de chaleur dans le bras droit et une sensation de froid à gauche, ou inversement. C'en est toujours un indice de l'état maladif du système nerveux. Chez quelques paralytiques, un aimant mis sous la plante des pieds peut seul les réchauffer. Dans certaines névralgies, en suivant le parcours du nerf malade avec un petit aimant pointu, on provoque les deux sensations dans des endroits fixes. On peut, de la sorte, déterminer exactement la région malade. On obtient d'autres résultats instructifs en examinant les différentes régions de la moelle épinière dans les cas de paralysie.

Fourmillements et picotements, pour la plupart désagréables, dans le doigt ou dans tout le bras, quelquefois même dans les points correspondants de l'autre main, qui n'est pas exposée à l'action. Sensations assez communes; on les rencontre vingt fois sur cent. Parfois ce sont comme des étincelles ou des aiguilles qui piquent la peau, ou bien comme des vibrations qui parcourent les muscles.

Tremblements des doigts commencés par une trépidation intérieure, puis manifeste. Des frissons suivis de mouvements involontaires. Assez rares; environ huit fois sur cent.

Sensation de gonflement dans la peau, qui parait doublée. Cinq fois sur cent. Deux fois j'ai rencontré un gonflement réel, de sorte qu'il fut difficile au sujet de retirer son doigt d'entre les pôles de l'aimant.

Sensations nerveuses de douleur de différentes nuances (surtout chez les épileptiques). Douleurs dans les articulations; les sujets disent: « comme si l'on me cassait les os ». Sensations de malaise général. des douleurs névralgiques dans le front, etc.; huit fois sur cent.

Affaiblissement graduel de la sensibilité. C'est encore une sensation nerveuse spéciale, on pourrait dire négative. Les sujets disent: « Il me semble que je n'ai plus mon doigt. » Cette sensation est assez commune: elle est due à un resserrement des capillaires et elle est suivie d'ordinaire d'une anesthésie ou du moins d'une analgésie complète. (En appliquant les deux pôles au milieu de la main ou du bras, on peut souvent constater que l'insensibilité se manifeste d'abord sur la ligne qui réunit les milieux de deux pôles et gagne ensuite du terrain en s’élargissant elliptiquement de deux cotés. On sait que dans les cas d'anesthésie hystérique, l'aimant rétablit la sensibilité; c'est d'ailleurs la loi générale: « cause qui fait, défait, » d'après l'expression du docteur Dumontpallier.)

La sensation d'engourdissement, très commune; elle est suivie souvent d'une contracture ou au moins d'une paralysie. C'est une sensation mixte: tactile, musculaire et nerveuse, associée souvent à des sensations particulières de circulation. Elle parait être accompagnée d'un rétrécissement des vaisseaux.

Sensations de lourdeur dans le doigt ou dans le bras entier. Rien n'est changé, mais le membre parait excessivement lourd. Cette sensation ne se rencontre que deux fois sur cent. Elle peut être le précurseur de la paralysie, rarement de la contracture.

Enfin, il est un phénomène que j'ose à peine mentionner, tellement il parait extraordinaire et que je n'ai constaté que sur deux personnes, et seulement dans le sommeil dit « magnétique complet ».

10° C'est une Sensation d'entrainement irrésistible, suivie d'une attraction réelle, et presque toujours de la contracture avec insensibilité complète. J'ai montré cette expérience à la Société médicale de Lemberg en 1881. Le sujet (bien portant du reste) était endormi les yeux fermés, les pupilles portées en haut, la tête recouverte complètement d'un voile opaque. A chaque approche de l'aimant, à une distance de 15 centimètres environ, la main se portait vivement vers lui et suivait tous ses mouvements, jusqu'au moment où elle devenait rigide et insensible. Alors il fallait lui rétablir sa sensibilité ou plutôt son hyperesthésie, pour recommencer l'expérience. Je me hâte d'ajouter que le même phénomène était reproduit, quoique peut-être un peu plus faiblement, par l'approche d'un métal, du verre ou d'un autre corps quelconque. Le sujet questionné dans son sommeil, disait qu'il se sentait entraîné dans une direction donnée, mais sans savoir pourquoi.

Malgré toutes ces particularités étranges, on voit, en examinant les sensations précitées, qu'elles ne présentent, comme sensations, rien de nouveau, que, n'étant pas uniformes, mais au contraire différenciées par plusieurs caractères, elles peuvent parfaitement trouver place dans les cadres connus, et que, par conséquent, il n'y a pas lieu d'en faire un sens, ni même une division des sensations à part.

J'ajouterai que le pôle nord n'a pas une influence autre que le pôle sud — ce qui serait, il me semble, nécessaire, dans le cas d'une action spécifique.

Abordant enfin la question des causes, je prierai le lecteur de me dispenser d'une réponse, si peu que ce soit, décisive. Elle n'est pas à faire dans l'état actuel de nos connaissances. En commençant les essais on est encore porté à croire que telle ou telle hypothèse rend bien compte des observations, mais il suffit de les poursuivre pendant quelques années et sur quelques centaines de personnes, pour reconnaître une foule de précautions à prendre, précautions de nature physique, physiologique et psychologique à la fois, qui nous entraînent tantôt dans une direction, et tantôt dans une autre, et qui ne sont jamais suffisantes pour autoriser une réponse tout à fait nette et décisive. On se heurte à un inconnu par trop compliqué.

Voici cependant quelques résultats partiels, mais certains:

L'action de l'aimant est-elle réelle ou imaginaire, c'est-à-dire physique ou psychique?

Elle est l'une et l'autre.

Dans la plupart des cas, une action psychique (pas toujours la même) s'ajoute à l'action physique, et même la surpasse en efficacité. On peut cependant instituer des expériences dans lesquelles elle reste toute physique.

Pouvant servir d’excitant physique, l'aimant agit-il directement sur les tissus exposés à son influence, ou bien par voie réflexe.

Il parait que les deux cas se présentent, mais que le dernier est plus important. Ce sont les nerfs vaso-moteurs qui semblent être atteints les premiers.

L'action directe sur le tissus ou sur le sang et l'action réflexe sur les nerfs sont-elles de même nature physique?

Il parait que non. En tout cas, le magnétisme tout seul n'explique pas ces effets-là. J'incline même vers l'hypothèse que, dans la plupart des phénomènes, l'aimant n'est que le substratum d'une autre action, tellement faible au point de vue physique qu'elle se dérobe à nos instruments et ne se manifeste que par l'intermédiaire des systèmes nerveux exceptionnellement sensibles.

Je dis que le magnétisme à lui seul n'explique pas les phénomènes, parce que: 1° l'action physiologique n'est pas en raison directe de la puissance de l'aimant; 2° parce qu'elle peut être provoquée, d'une manière plus ou moins analogue, par ce qu'on nomme métal actif en métalloscopie, par le collodion, par la main, par l'électricité statique, par les faibles courants primaires ou induits, par les sinapismes, etc.

Cette autre action physique est-elle due à une force nouvelle et inconnue?

Il est probable que ce n'est pas une force tout à fait nouvelle, mais seulement une manifestation nouvelle et inconnue, une modification particulière des phénomènes électriques.

J'ai essayé moi-même, pendant plusieurs mois à l'aide d'un électroscope Ronnenberger, fortement chargé, et un galvanomètre Thomson et Deprez d'Arsonval, à débrouiller les lois qui régissent ces phénomènes complexes et insaisissables.

J'aurais, pour exposer ces recherches, une foule d'expériences à citer, expériences pour la plupart incertaines, et qui n'apprendraient pas grand chose au lecteur.

Je me réserve donc cette exposition pour une étude spéciale et plus étendue.

Je me contenterai pour le moment d'indiquer un résultat certain, d'une nature purement empirique, il est vrai, mais qui aura pour les physiologistes une importance à ne pas dédaigner.

Ce résultat pratique, le voici:

Il existe une dépendance inséparable entre la faculté d'être influencé par l'aimant et la sensibilité hypnotique. Toutes les personnes qui subissent cette action sont hypnotisables; toutes les autres ne le sont pas.

A l'aide d'un aimant de forme appropriée, entre les pôles duquel on fasse tenir le doigt indicateur de la personne soumise à l'expérience, on peut facilement reconnaître si quelqu'un est hypnotisable ou non.

L'expérience hypnoscopique ne dure que deux minutes, et elle révèle à l'expérimentateur non seulement la présence ou l'absence de la sensibilité hypnotique (ne pas confondre avec l'hystérie), mais aussi son degré et le caractère des phénomènes possibles à provoquer, en même temps que l'état général du système nerveux.

Voici encore un autre résultat non moins sûr:

Toutes les personnes sensibles à l'aimant peuvent être guéries de la plupart des maladies nerveuses par l'influence seule du magnétisme, de l'hypnotisme, de l'imagination, de métallothérapie, des faibles influences électriques et autres stimulants minimes. Et presque la moitié de ces individus peut être réduite à un état de monoidéisme automatique absolu, dans lequel non seulement les fonctions subjectives mais aussi les phénomènes organiques et palpables peuvent être modifiés par suggestion.

Je me borne pour le moment à ces courtes indications, d'ailleurs faciles à vérifier. Il y a la toute une mine de faits nouveaux, pour le philosophe autant que pour le médecin, et je crois que, malgré notre ignorance de la théorie, on ne devrait pas reculer devant les difficultés insignifiantes de la pratique.

La question des causes reste a étudier.

Elle réclame le concours d'un physicien aussi éminent que Sir William Thomson.


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