L'hypnotisme et le dynamisme nerveu

Annales des sciences psychiques

En 1914, par Alrutz S.

Le problème que je désire traiter est le suivant: Y a-t-il, dans les manœuvres hypnotiques, quelque acteur effectif concret? Par exemple, la fixation, les effleurages, les passes, les entretiens ne sont-ils efficaces que par la suggestion qu'ils comportent ?

J'ai commencé mes recherches en étudiant les passes. J'entends par là des mouvements faits avec la main dans des sens différents, le long de la peau ou des vêtements du sujet mais sans le toucher. Comme il est bien difficile d'éviter les auto-suggestions de la part du sujet quand on l'hypnotise, il vaut mieux commencer par rechercher le rôle des passes pendant l'hypnose.

Il est important d'organiser les expériences de manière que les passes ne puissent stimuler la peau, par exemple par des courants d'air ou par la différence de température entre la peau du sujet et la main de l'hypnotiseur, etc.

Il faut aussi que le sujet ne puisse, à l'aide des autres sens, deviner les conditions de chaque expérience.

Pour cela, je me suis servi de plaques, que je place dans un support au-dessus de la peau du sujet sans qu'il y ait contact. Je fais ensuite les passes au-dessus de la plaque, sans la toucher. Le visage et la poitrine du sujet sont couverts d'une étoffe tout à fait opaque. Alors, si je fais des passes descendantes pendant environ 5 secondes et si j'emploie une plaque de verre qui se trouve par exemple au-dessus de l'avant-bras et de la main, ces régions deviennent, insensibles (analgésiques et thermo-anesthésiques). Le reste de la peau conserve sa sensibilité; mais les régions symétriques deviennent hyper-algésiques; leur sensibilité est donc supérieure à la normale.

On pourrait dire que le sujet, par une sorte d'hyperesthésie, peut sentir la plaque et que cette stimulation thermique a directement déterminé l'analgésie ou que les sensations thermiques ont servi de point de départ à des auto-suggestions. Heureusement, il y a des matières qui ne se laissent pas impressionner par ces variations thermiques. Si je prends une plaque de carton, de laine ou d'ouate il ne se produit aucune diminution de la sensibilité. Ainsi, l'on peut, faire l'expérience suivante. On place une plaque de verre de chaque côté mais on couvre l'une d'elles d'un morceau de laine. Ensuite on fait des passes descendantes de deux côtés simultanément; alors on trouve que le côté où la plaque de verre n'a pas été couverte est insensible, tandis que l'autre est hypersensible. Si ensuite je fais des passes ascendantes sur le côté insensible, le sujet commence, après environ une demi-minute, à se gratter; il dit qu'il sent de la chaleur, et que ça le pique, etc. La sensibilité se réveille et, en effet, si l'on examine la peau du sujet, on voit qu'elle réagit. Si l'on continue les passes, ce même côté devient hypersensible.

Si je plonge le sujet dans un sommeil profond, pendant lequel il est insensible, et si je fais des passes ascendantes par exemple sur la main d'un côté, le sujet regagne sa sensibilité précisément dans cette région.

Actuellement j'emploie, non seulement des plaques de toute espèce, simples ou combinées, mais aussi des gants de laine ou de métal; j'opère quelquefois sur tel ou tel doigt du sujet; parfois j'enferme les bras et les mains du sujet dans de véritables boîtes (dont le couvercle peut être changé), pour exclure complètement la possibilité de stimulation connue.

On peut aussi provoquer des contractions ou contractures des muscles, en usant, avec le doigt les points moteurs correspondants ou les tendons et, cela, également à travers des plaques de verre ou de métal, car les métaux se comportent comme le verre; ils sont pénétrables par cette énergie inconnue. C'est, sans doute, l'hyper-excitabililé neuro et tendino-musculaire de Charcot que j'ai observée ici.

On pourrait objecter que le sujet, d'une façon qui nous échappe, et, peut-être, inconsciemment pour lui-même, devine les projets de l'hypnotiseur. J'ai essayé de répondre à cette objection de deux manières :

1° Je dispose les plaques de manière que je ne sais pas moi-même comment le système de plaques est combiné;

2° Je laisse à une autre personne qui ne sait rien de ces expériences le soin de choisir entre 6 ou 8 arrangements différents; donc, ni la personne qui fait les passes, ni moi-même qui ne suis pas dans la chambre, ne savons le résultat qui sera obtenu. Et l'expérience se réalise aussi bien.

Quant au caractère physique de cette énergie étrange dont nous sommes obligés d'admettre l'existence, je n'en puis pas dire grand chose encore. Il semble qu'elle se comporte comme des rayons, car il m'a semblé qu'elle pouvait être réfléchie; d'autre part il semble qu'elle puisse être dirigée dans des objets, car elle parait suivre une tige de verre coudée à angle droit; de même on peut démontrer sa conductibilité à travers la main humaine dans certaines conditions. Peut-être il y a un facteur qui se comporte comme des rayons, un qui se comporte comme une émanation de corpuscules, c'est-à-dire comme une chose matérielle quelconque.

J'ai obtenu ces résultats très nets sur trois individus différents pendant l'hypnose ; je les ai aussi obtenus, partiellement à l'état de veille; et, — ce qui est confirmatif —- d'autres que moi les ont obtenus. Une dizaine de physiologistes, de physiciens et de psychologues ont pu, eux aussi, provoquer ces phénomènes chez des sujets.

Maintenant, est-ce que les passes descendantes seules peuvent endormir le sujet? Je ne puis pas encore répondre à cette question, mais ce qu'on peut conclure de mes expériences, jusqu'à maintenant, c'est que les passes descendantes diminuent l'irritabilité des organes périphériques et des extrémités nerveuses; par conséquent, ces passes exercent peut-être une influence calmante sur un patient, même si l'hypnotiseur n'arrive pas à l'endormir par ce moyen seul.

Les passes ascendantes peuvent-elles éveiller un sujet? Je n'ai fait sur ce point que les expériences suivantes: chez des sujets que j'avais hypnotisés par la fixation, la suggestion verbale, et les passes descendantes, j'ai provoqué le réveil en faisant des passes ascendantes des pieds à la tête, bien entendu sans plaques; une fois seulement, j'ai laissé un autre que moi hypnotiser un sujet sans recourir aux passes, descendantes et je l'ai fait éveiller par une troisième personne, qui ne savait rien des résultats attendus et qui y arriva uniquement par des passes ascendantes.

Le temps ne me permet pas de relater les phénomènes d'irradiation, d'inhibition et de dynamogénie que j'ai observés, pas plus que mes recherches sur les effets produits sur d'autres régions que les mains, par exemple la bouche ou les yeux, etc. Toutes ces questions seront étudiées dans le travail dont j'ai déjà commencé la publication en suédois, sous le litre : Till be kraftnervsvag. Contribution à l'élude du dynamisme nerveux.)


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