Biais cognitifs et faux souvenirs : le cas de l'effet d'ancrage

Lorsque nous sommes amenés à prendre une décision, notre cerveau tient compte d'une multitude d'informations dont certaines sont parfois totalement impertinentes. Nous n'avons évidement pas conscience de ce processus décisionnel qui nous met, d'une certaine façon, sous influence. Cet effet dit d'ancrage est un biais de raisonnement courant et qui nous concerne tous.

En outre, non seulement il semble modifier la perception que nous avons d'une situation présente, mais également nos souvenirs de faits passés. Autrement dit, le biais d'ancrage agirait rétrospectivement en modifiant la façon dont nous nous remémorons nos souvenirs. De fait, il favoriserait les faux souvenirs.


Mais d'abord, qu'est-ce que l'effet d'ancrage ?

L'effet d'ancrage est un biais cognitif qui tend à influencer nos décisions et modifier nos souvenirs.L'effet d'ancrage est un biais cognitif bien connu des psychologues qui se caractérise par la polarisation d'un jugement vers une ancre (le plus souvent un nombre) à laquelle nous avons préalablement été exposés. Ainsi, le simple fait de porter notre attention sur un chiffre risque d'inciter notre cerveau à analyser une situation selon un point de vue complètement différent.

Par exemple, dans le cadre de procès d'assise, un nombre présent à l'esprit des juges et jurés (par exemple, la réquisition du procureur, l'avis de l'opinion public sur la peine encourue ou même un chiffre aléatoire) a tendance à influencer leur choix en ce qui concerne le nombre d'années de prison, et ce même pour les juges experts ! Ainsi, plus l'ancre est grande, plus la peine infligée est lourde. Finalement, même l'expérience ou l'expertise ne résisterait pas à l'effet d'ancrage.


Ce biais d'ancrage agirait également de façon rétrospective ?

En plus d'influencer nos décisions, l'effet d'ancrage semble également capable de modifier nos souvenirs de faits passés, et ainsi provoquer de faux souvenirs. Par exemple, une étude a montré qu'après avoir visionné un petit film mettant en scène un accident de la route, d'une part, les participants auxquels on avait montré le chiffre 10 donnaient une estimation de la vitesse de la voiture accidentée plus faible (en moyenne 67 km/h) que les volontaires auxquels on avait montré le chiffre 150 (en moyenne 92km/h) ; d'autre part, une semaine après, ces derniers étaient plus nombreux à se rappeler avoir vu du verre brisé après l'accident (58% des volontaires exposé à l'ancre 150 contre 35% des participants exposés à l'ancre 10). Or, en réalité, aucun verre brisé n'apparaissait dans la vidéo.

Ainsi, le biais d'ancrage est vecteur de faux souvenirs. Plus précisément, il semble activer en mémoire un certain nombre de représentations qui viendraient contaminer le souvenir réel de la situation, et ce sans même nous en rendre compte. Aussi, plus la trace mnésique de l'événement est fragile et incertaine, plus les représentations associées à l'ancre influenceraient le souvenir.


Inspiré des travaux d'Aglaé Navarre, de Cyril Thomas, d'André Didierjean, d'Amos Tversky, de Daniel Kahneman, de Birte Englich et de Thomas Mussweiler.

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