La chasse aux sorcières ou le besoin de boucs émissaires

Les chasses aux sorcières qui ont fait rage dans le passé n'ont pas tout à fait disparu, sans doute parce qu'elles représentent une réaction naturelle face à l'infortune et à l'incertitude.Les accusations de sorcellerie ont souvent fait rage dans le passé. Parmi les campagnes accusatoires les plus illustres, on retrouve celle survenue à Salem, en Amérique du Nord, au XVIIe siècle.
Ainsi, en moins d'un an, dans ce village où les habitants se connaissaient tous plus ou moins, deux cents personnes furent emprisonnées pour sorcellerie et vingt exécutées par pendaison.

Par ailleurs, cette croyance en des êtres démoniaques tend à surgir dans des contextes fragiles et incertains, ponctués d'événements tragiques et où le désir de vengeance grandit.


Pourquoi les sorcières en particulier étaient désignées comme boucs émissaires ?

Nous avons une tendance naturelle à recourir à la pensée magique pour expliquer des événements imprévus, graves et incompréhensibles. Et lorsque le contexte social est particulièrement explosif, cette tendance risque de prendre une tournure tragique avec la multiplication de campagnes accusatoires.
En effet, dans un tel contexte, notre besoin de vengeance tend à prendre le pas sur notre raison et nous pousse ainsi à trouver des boucs émissaires. Les sorcières d'antan apparaissaient alors comme les coupables idéales, sans doute en raison de leurs caractéristiques particulières :

  • Leurs pouvoirs surnaturels : Elles sont capables de voler, de se transformer en animal, de devenir invisible, etc.
  • Leurs atrocités : Elles profanent des cadavres, se livrent à des abominations sexuelles, etc.
  • Leur caractère menaçant : Elles conspirent dans des congrégations secrètes, sont dotées du mauvais œil, etc.

Ainsi, ces attributs rendent les sorcières capables de nuire à distance et en secret. Cela les distingue des magiciens, des loups-garous et autres monstres menaçants. Cela explique aussi le fait qu'elles soient blâmées pour des malheurs inexplicables.


Des facteurs psychosociaux seraient-ils également en jeu dans les campagnes accusatoires ?

L'explosion d'accusations de sorcellerie est effectivement souvent le fruit de tendances psychologiques profondes combinées à un contexte social bien particulier. Plus précisément, on peut identifier trois principaux facteurs psychosociaux pour expliquer ce phénomène :

  • Le recours à la pensée magique : Même si nous ne sommes pas superstitieux, nous avons naturellement tendance à recourir spontanément à des intuitions magiques.
  • Le besoin d'expliquer nos infortunes : Nous avons besoin de donner un sens à des événements incompréhensibles, inattendus ou graves (maladies, catastrophe naturelle, ruine, infertilité...).
  • La tendance à la diabolisation : Cette tendance est particulièrement prégnante lorsque nous essayons de justifier des persécutions. En effet, humilier, torturer, incarcérer ou exécuter une personne sans avoir mauvaise conscience nécessite d'exagérer la nature du mal que l'on combat. De fait, déshumaniser l'individu ou le groupe d'individus en question sous la forme de bêtes dangereuses facilite ce processus.

Enfin, même si aujourd'hui les accusations de sorcellerie sont devenues rares, le besoin de trouver des boucs émissaires dans des contextes sociaux incertains et menaçants reste profondément ancré dans notre psychisme. D'ailleurs, l'émergence de campagnes accusatoires au cours de l'histoire n'a pas disparu avec la croyance aux sorcières. L'objet de ces campagnes a simplement changé de forme à travers les époques. Les différents génocides qui ont eu lieu à différentes périodes tourmentées en sont un exemple frappant.


Inspiré des travaux de Sebastian Dieguez, de Manvir Singh, de John Demos, de Peter Leeson et de Jacob Russ.

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