QAnon ou la vision d'un monde conspirationniste

Le mouvement QAnon découle d'une théorie du complot développée sur le web en 2017, et qui a connu un succès fulgurant.QAnon est une théorie conspirationniste lancée sur un forum américain en octobre 2017 par un internaute dont le pseudonyme Q Clearance Patriot est devenu par la suite simplement Q.
Selon cette théorie, des pouvoirs occultes très puissants manipuleraient les masses populaires pour satisfaire des intérêts sordides comme le pédosatanisme, la consommation d'adrénochrome (une substance  antivieillissement produite à partir du sang d'enfants), ou plus récemment l'injection massive de vaccins anticovid-19 contenant des nanotechnologies 5G.

Le mouvement QAnon s'est rapidement développé, comptant déjà plusieurs millions d'adeptes en 2019, pour finalement culminer le 6 Janvier 2021 avec l'assaut du Capitole suite à la défaite de Donald Trump à l'élection présidentielle. En effet, ce dernier était devenu le héros des adeptes de QAnon, certainement en raison de son profil peu institutionnel, étranger à la logique des partis et se posant en défenseur de l'esprit américain.


Comment une théorie du complot peut-elle avoir autant de succès ?

Les mouvances conspirationnistes exploitent des schémas et des mécanismes bien particuliers que QAnon a parfaitement mis en pratique. En voici les principaux :

  • Une vision du monde dystopique : Le monde est perçu comme une masse manipulable par des puissances occultes et réactionnaires.
  • Une communication omniprésente et démocratique : Les adeptes des théories conspirationnistes communiquent par tous les moyens et dans toutes les directions. En outre, leurs messages sont généralement ouverts à l'interprétation, ce qui permet de garder le récit vivant. Comme s'il s'agissait d'un grand jeu participatif.
  • La diffusion de slogans : Les slogans, les devises ou les concepts inspirés d'œuvres littéraires représentent une signature qui contribue à unir le groupe et à renforcer son identité. En outre, ils attirent l'attention de ceux qui ne font pas partie du mouvement.
  • Une théorie souple : Un scénario qui évolue et aborde plusieurs sujets en incorporant des éléments clés d'autres théories du complot favorise sa popularité.
  • Une trame simple : Il s'agit le plus souvent de pouvoirs puissants engagés dans le conditionnement malveillant des populations, pour servir leurs propres intérêts sordides. Cela permet à la théorie de s'adapter à des lieux et des contextes sociaux très différents.
  • Des conspirateurs diaboliques : Les prétendus conspirateurs sont présentés comme l'incarnation du mal absolu. Ce point donne une ouverture au récit où l'on peut y glisser tout et n'importe quoi (le pédosatanisme, l'injection de nanotechnologies, etc.).

Enfin, la promesse d'une victoire du bien contre le mal vise à rassembler les adeptes et à les impliquer dans la mouvance.


Le contexte sociétal contribue-t-il également au développement de ces théories complotistes ?

Le complotisme semble effectivement un trait inévitable de notre époque où la désinformation est nettement amplifiée par le web. En effet, nous sommes désormais capables de communiquer avec des personnes à distance et d'accéder à l'information n'importe où et n'importe quand. De fait, il est indéniable que ces nouveaux outils numériques aient des répercussions tant au niveau individuel qu'au niveau de la psychologie de masse (intrusion dans la vie privée, post-vérité, fake news...).

De plus, la complexité croissante de tous les aspects de notre monde (géopolitique, environnement, santé, économie, technologie...) distille une impression de perte de contrôle, où l'on est de moins en moins capable de prévoir les dangers de cette évolution. Comme si le changement était devenu la seule chose permanente et que l'incertitude était devenue la seule certitude.
Cela à pour effet de nous rendre plus individualistes et plus inquiets d'être socialement exclus d'un monde frénétique. Or, les théories du complot tendent à rassurer car elles donnent l'impression de comprendre un monde devenu trop complexe et ainsi de restaurer un certain contrôle sur son environnement.


Inspiré des travaux de Francesco Cardinali, de Zygmunt Bauman, Ulrich Beck, de Gérald Bronner et d'Umberto Minopoli.

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