Le pouvoir insoupçonné des jurons

Il nous arrive à tous (ou presque) de proférer des injures ou des obscénités, notamment lorsque la douleur ou la colère nous envahie. Un peu comme un réflexe ancestral qui offrirait une sorte d'exutoire à notre agressivité.

Car le langage ordurier a le pouvoir de transmettre des émotions fortes et est de nature à offenser, rabaisser, humilier ou exclure. Ainsi, dans des circonstances particulièrement frustrantes, nous avons tendance à puiser instantanément dans un registre le plus souvent anal, sexuel ou religieux pour proférer des jurons.
D'ailleurs, les grossièretés, par leur simplicité et leur expressivité, représentent une forme primitive du langage. Certains chercheurs vont même jusqu'à faire des parallèles entre les jurons et les bruits d'animaux. Ils suggèrent que les injures pourraient être issues de sons primaires, un peu comme une langue primordiale.


Les jurons ont-ils un rôle particulier ?

L'effet des injures repose sur une rupture des convenances, voire des tabous. De fait, leur impact social est considérable car ils déclenchent de l'hostilité et de la peur chez les autres. Par ailleurs, outre leur rôle d'exutoire pour soulager les tensions psychologiques, les gros mots remplissent différentes fonctions dont voici les principales :

  • L'intégration sociale : Le langage vulgaire joue un rôle important dans la dynamique des groupes. Par exemple, dans une entreprise, les étrangers qui adoptent l'argot et qui expriment certains jurons affectionnés par les autres ouvriers s'intègrent plus facilement au sein du groupe.

  • La crédibilité : Etonnamment, un langage grossier et peu académique a tendance à rendre leur auteur plus convainquant. C'est en tout cas le cas des personnes soupçonnées d'un crime, mais aussi des hommes politiques !

  • Le soulagement : Jurer tend à réduire le stress, la douleur, et plus généralement les émotions négatives. En effet, fulminer augmente le niveau d'agressivité et place le corps en état d'alerte. Or, cette réaction a un effet antidouleur. Elle permet également d'améliorer les performances physiques.

  • Rabaisser une personne : Certains jurons, lorsqu'ils sont adressés à un individu en particulier, ont pour but d'humilier ce dernier. C'est notamment le cas des insultes.

Peut-on considérer les grossièretés comme une réaction automatique ?

Le juron témoigne d'une difficulté du lobe préfrontal à réprimer le bouillonnement émotionnel produit par le système limbique du cerveau.De manière générale, nous avons tendance à nous retenir de dire des gros mots. Cette inhibition est automatique et est assurée par notre cortex frontal.
Mais il arrive parfois que l'émotion prenne le dessus sur la raison. Dans ce cas, l'activité de notre système limbique (ou cerveau émotionnel) est si intense que le cortex préfrontal ne parvient plus à contenir ce bouillonnement émotionnel. Les injures produites par la région limbique réussissent alors à remonter les profondeurs du cerveau et à s'imposer dans notre langage.

Cet échec du cortex préfrontal à réprimer un langage ordurier est également observé chez certains patients souffrant de lésions cérébrales au niveau du lobe frontal, ou de pathologies comme la maladie de Gilles de la Tourette ou d'Alzheimer.


Inspiré des travaux d'Anna Lorenzen, de Reinhold Aman, d'Eric Rassin, de Nicoletta Cavazza, de Nicola Daly, de Richard Stephens et de Shlomit. Finkelstein.

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