La force du regard

Il arrive parfois que nous ayons l'impression que le regard de l'autre nous effleure physiquement. C'est notamment le cas lorsque nous sommes observés de loin ou que nous avons le dos tourné. C'est un peu comme si nous attribuions une certaine force physique au regard d'autrui.

Autrement dit, selon cette conception, notre cerveau matérialiserait l'attention visuelle que les autres portent sur certains objets ou certaines personnes. Le regard prendrait alors la forme d'un faisceau capable d'agir sur ces objets ou ces individus.


Attribuons-nous réellement des propriétés physiques au regard ?

Dès l'antiquité, des penseurs suggéraient que la perception visuelle résultait d'une force émise par l'œil. Cette théorie dite de l'extramission est en fait une compréhension intuitive de la vision. D'ailleurs, on la retrouve souvent chez les enfants, mais aussi chez de nombreux adultes. Cependant, cette idée s'oppose à la conception scientifique moderne dite d'intromission, selon laquelle la vision résulterait de l'entrée de lumière dans les yeux.

Une expérience très simple permet de mettre en évidence notre tendance à attribuer une force physique au regard d'autrui. Quoiqu'il en soit, il semble que nous ayons effectivement tendance à attribuer des propriétés physiques au regard d'autrui. D'ailleurs, une expérience très simple met nettement en évidence ce phénomène.
Elle consiste à visionner un écran qui met un scène un personnage regardant un tube de la taille d'un rouleau d'essuie-tout placé verticalement sur une table. Cet individu a soit les yeux ouverts, soit les yeux bandés. Les participants doivent alors incliner le tube dans la direction du personnage à l'aide de touches spécifiques sur un clavier, jusqu'à un angle critique à partir duquel, selon eux, le tube devrait tomber.

Les résultats montrent que cet angle critique est plus important lorsque le personnage regarde le tube. Autrement dit, les participants ont l'impression que le tube doit s'incliner davantage pour se renverser lorsque le personnage le fixe du regard. Comme si son regard exerçait une force sur l'objet et le repousserait ainsi vers sa position verticale ! Et cette tendance s'observe aussi bien chez les individus qui adhèrent à la théorie de l'extramission que chez ceux qui penchent davantage pour celle de l'intromission.


Il s'agirait donc d'une tendance universelle ?

Cette tendance à attribuer une force physique au regard semble effectivement bien ancrée dans notre cerveau. En effet, des études IRM montrent que le cerveau traite de façon automatique les regards comme les mouvements.

Néanmoins, cette interprétation erronée de la réalité ne semble pas préjudiciable. Au contraire, cet automatisme cognitif nous aiderait à décoder les regards de façon rapide et efficace. Ainsi, il jouerait un rôle clé dans la communication (notamment dans l'expression des émotions) et l'organisation sociale (par exemple, en affirmant sa domination par un regard direct, ou au contraire sa soumission par un regard fuyant).
D'ailleurs, l'aversion ou l'indifférence au contact visuel est souvent signe d'un trouble émotionnel ou neurologique.


Inspiré des travaux de Robert Martone, d'Arvid Guterstam, de Andrew Wilterson, de Hope Kean, de Taylor Webb, de Faith Kean et de Michael Graziano.

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