La grandiloquence morale sur les réseaux sociaux

Nous avons naturellement tendance à nous juger les uns les autres, et cette attitude s'est considérablement accrue avec l'essor des réseaux sociaux. Ainsi, nous aimons et partageons les messages plein de sagesse, tandis que nous déplorons et dénonçons les propos immoraux.
Aussi, ces invectives, qui impliquent le plus souvent des gens qui ne se connaissent même pas, sont beaucoup plus violentes que celles habituellement observées dans la vie réelle. Sans doute parce qu'il y a peu de risques à poster un commentaire indigné sur internet.

Or, cette dénonciation des outrages moraux tend à devenir de plus en plus fréquente et véhémente. Comme si on assistait à une surenchère moralisante. Le risque étant alors que ces moralistes du web finissent par devenir excessivement intolérants.


Comment se manifeste cette intolérance excessive et inadaptée aux comportements immoraux ?

Certaines personnes ne cessent de critiquer les comportements et les propos d'autrui avec une sorte de fureur moralisatrice. Plus précisément, on peut distinguer trois types de moralistes excessifs :

  • Les absolutistes : Ils appliquent les mêmes règles morales quel que soit le contexte. De fait, leur jugement n'est pas nuancé selon les situations.
  • Les perfectionnistes : Leurs critères pour qu'un comportement puisse être jugé comme moral sont de plus en plus exigeants. Si bien qu'au final, personne ne peut répondre à leurs conditions.
  • Les abusifs : Ils voient le mal partout et émettent des jugements moraux là où il n'y a pas lieu de le faire. Ils peuvent même dénoncer des comportements tout à fait inoffensifs, comme écouter de la musique.

Par ailleurs, la tendance à juger les autres est également un moyen de cacher nos propres faiblesses. En effet, nous avons davantage tendance à nous indigner lorsque nous nous sentons coupables d'un comportement immoral. C'est-à-dire que nous avons tendance à chercher délibérément des motifs d'indignation (par exemple, lire davantage de journaux à scandales) pour rehausser notre image de nous-mêmes. Cela nous rassure sur notre supériorité morale.


Mais pourquoi ces pratiques moralisatrices sont-elles de plus en plus fréquentes et virulentes ?

La grandiloquence morale est souvent associée à un certain narcissisme et à une recherche de prestige. En effet, défendre les valeurs morales est un excellent moyen de se distinguer et d'élever son statut social en se forgeant une réputation de personne respectable. Ainsi, le besoin de reconnaissance conduit mécaniquement à une surenchère moralisante dans un groupe social.

Par exemple, si quelqu'un dénonce les propos sexistes d'un homme politique, il manifeste en même temps ses valeurs égalitaristes. Et cette prise de position est aussi l'occasion pour les autres membres du groupe de démontrer leur probité en la soutenant.
Mais pour se distinguer des autres membres et afficher sa dévotion totale aux valeurs morales défendues par le groupe d'appartenance, il est nécessaire d'aller encore plus loin et de dénoncer avec toujours de virulence les attitudes les plus anodines en les jugeant stigmatisantes. Or, si tout le monde cherche à sortir du lot, on assite alors à une véritable course aux armements sans fin et ultraviolente vers une pureté morale.


Inspiré des travaux de Sebastian Dieguez, de Julia Driver, de Justin Tosi, de Brandon Warmke, de Joshua Grubbs, de Zachary Rothschild et de Jeffrey Green.

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