Penser au pire nous rend heureux !

Pour la plupart des hommes, le bonheur ne devient concret que lorsqu'il est perdu. Frédéric LenoirParadoxalement, apprécier le bonheur s'avère un exercice plutôt difficile pour ceux qui vivent en bonne santé, dans des conditions confortables et qui sont entourés de leurs proches. En effet, nous avons tendance à nous habituer aux choses agréables qui nous permettent de vivre sereinement.

C'est d'ailleurs pour cette raison que de nombreux spécialistes en psychologie positive et en développement personnel recommandent de "penser positif", c'est-à-dire de pratiquer la reconnaissance ou l'esprit de gratitude. Il s'agit, par exemple, de repenser chaque soir aux moments positifs qui sont arrivés dans la journée. En effet, cet exercice permet de reprendre conscience des privilèges que l'on a tendance à oublier.
Mais cette méthode n'est efficace qu'à court terme.


Pourquoi la pensée positive n'est-elle pas si efficace ?

Notre cerveau est capable de s'adapter très rapidement à l'environnement dans lequel il évolue. Plus précisément, les mécanismes attentionnels de notre cerveau permettent d'attirer notre attention sur les stimuli nouveaux, effrayants ou surprenants, au détriment des stimuli routiniers et courants. Or, si cette aptitude a permis à notre espèce de survivre dans des environnements hostiles, elle présente aujourd'hui un certain inconvénient.
En effet, les stimuli propices au bonheur et qui pourraient nous réjouir sont devenus habituels. De fait, comme nous n'y portons plus attention, ils ne nous procurent plus de plaisir. Ce mécanisme est appelé adaptation hédonique. Ainsi, être en bonne santé, bénéficier d'un logement, avoir un salaire... ne contribue plus, au fil du temps, à notre bonheur.

Et la pensée positive préconisée par les spécialistes du bonheur pour se réjouir à nouveau de nos privilèges n'échappe pas aux pièges de l'adaptation hédonique. En effet, nous finissons par nous habituer aux bénéfices apportés par l'esprit de gratitude.


Alors quelle stratégie adopter ?

Pour se soustraire à l'adaptation hédonique, une méthode efficace consiste à imaginer le pire auquel on a échappé. Il s'agit, par exemple, d'imaginer que l'on a perdu son travail, que son logement vient de subir une inondation dévastatrice, que l'on souffre de douleurs atroces qui nous empêchent de pratiquer la moindre activité et où le moindre mouvement devient un supplice, ou encore que l'on vient de perdre un proche.
Ainsi, en s'imaginant de tels scénarios et en ressentant tous les effets ravageurs, nous nous sentons plus heureux lorsqu'on revient à la réalité car nous savourons la chance d'échapper au pire et d'avoir accès au meilleur. Cet exercice est appelé soustraction mentale.

Cette méthode s'avère plus efficace dans la durée que celle qui consiste à exprimer de la gratitude pour un bienfait. Ainsi, pour apprécier son bonheur, il faut commencer par prendre conscience qu'on pourrait ne pas en jouir.


Inspiré des travaux de Yves-Alexandre Thalmann, de Sonja Lyubomirsky, de Daniel Gilbert, de Timothy Wilson et de Minkyung Koo.

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