La culpabilité morbide ou le fantasme de toute puissance

La culpabilité est un sentiment, certes désagréable, mais très utile socialement. En effet, cette émotion pénible agit comme un gendarme intérieur en nous incitant à respecter les obligations sociales, c'est-à-dire en sanctionnant nos mauvaises actions par la culpabilité et en nous encourageant à nous excuser et à réparer nos fautes.

Cependant, il arrive parfois que la culpabilité devienne malsaine. C'est le cas des personnes qui se sentent coupables en permanence alors qu'elles n'ont commis aucune faute. On parle alors de culpabilité morbide. Néanmoins, cette culpabilité néfaste peut offrir un certain bénéfice.


Quel avantage peut-il y avoir à s'autoflageller ?

Pour bien comprendre les mécanismes de la culpabilité morbide, il est important de garder à l'esprit que la notion de culpabilité est intrinsèquement liée à la notion de responsabilité. En effet, culpabiliser autrui ou se culpabiliser soi-même consiste en fait à imputer la responsabilité d'un malheur à autrui ou à soi-même. Par exemple, se culpabiliser après avoir malencontreusement cassé un objet auquel un proche tenait, s'est reconnaître que l'on est responsable de ce préjudice et de le regretter sincèrement.

Cependant, dans le cas d'une culpabilité chronique, ce mécanisme s'active même lorsqu'aucun mal n'a été fait. Ainsi, l'individu souffrant de culpabilité morbide va se sentir responsable du malheur de ses proches. Par exemple, une épouse va se sentir responsable de la jalousie de son mari en pensant que c'est elle qui a provoqué sa colère par son comportement. De même, un enfant va se sentir responsable du divorce de ses parents en pensant que c'est parce qu'il n'a pas été suffisamment sage. Ou encore, un ami va se sentir responsable du suicide de son acolyte en pensant qu'il aurait dû être plus présent.

Dans tous ces exemples d'auto-culpabilisation, on retrouve la conviction qu'en agissant autrement, on aurait pu éviter le drame. Ce raisonnement est rassurant car il donne l'impression que l'on n'est pas impuissant face aux décisions d'autrui et que l'on a le pouvoir de modifier les choses. Autrement dit, se culpabiliser ainsi permet de se sentir tout-puissant en niant le libre arbitre des autres et en pensant que les actes d'autrui ne répondent qu'à notre propre volonté. Mais le prix en vaut-il la chandelle ? Pas si sûr...


Y a-t-il une cause à la culpabilité morbide ?

Certains facteurs peuvent favoriser le développement d'une culpabilité pathologique. C'est le cas des paroles anodines qu'ont tendance à prononcer les parents lorsqu'ils expriment leur ressenti en utilisant la deuxième personne du singulier. Il s'agit, par exemple, de phrases comme : "Arrête, tu me fatigues", "Tu m'énerves", "Tu me fait peur", etc... Car même si ces paroles peuvent sembler inoffensives, elles laissent croire à l'enfant qu'il est la cause du sentiment exprimé. Mieux vaut donc exprimer ses émotions à la première personne ("Je suis fatigué", Je suis agacé", etc.).

Un autre facteur important est l'utilisation de la culpabilité à des fins de manipulation, le but étant de faire naître un sentiment de culpabilité chez l'autre en lui faisant croire qu'il est responsable d'un malheur. Le chantage affectif en est une bonne illustration. C'est le cas, par exemple, d'un partenaire dont la fiancée décide de le quitter et qui tente de renouer leur relation sentimentale en menaçant de se suicider. Ainsi, cette réaction laisse croire à la femme qui veut rompre qu'elle risque d'être la cause d'un décès.

D'ailleurs, là où une personne se culpabilise, il y a souvent un autre individu qui se positionne en victime. Il est donc primordial que chacun assume ses propres responsabilités et ses propres choix, comme il est tout aussi essentiel de respecter le libre arbitre des autres.


Inspiré des travaux d'Yves-Alexandre Thalmann et de Robert Neuburger.

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