La définition de Sensation

Une sensation désigne un événement psychique élémentaire résultant du traitement de l'information dans le système nerveux central, à la suite d'une stimulation d'un organe des sens. Dans son usage actuel, le terme présente des ambiguïtés, en particulier en ce qui concerne la distinction entre sensation et perception. Ces ambiguïtés résultent des débats théoriques dans lesquels ces deux termes ont été impliqués.


La distinction entre sensation et perception

Cette distinction a été l'objet d'un débat qui a en partie perdu de son acuité. Pour Thomas Ried, au XVIIIe siècle, les sensations engendrent des expériences purement mentales de douleur, de couleur, etc..., tandis que la perception permet une prise de conscience directe des objets physiques qui existent indépendamment de celui qui les perçoit.
Pour les associationnistes, c'est par l'addition de sensations et d'images ou de souvenirs de sensations qu'une signification d'objet peut être donnée à une sensation. Toutefois, l'école associationniste fut critiquée principalement pour son hypothèse d'une perception composée de l'addition d'images mentales aux sensations. Les attaques les plus vives contre cette distinction vinrent d'abord des gestaltistes puis de James Gibson. Ce dernier, tout en reconnaissant l'existence de sensations en tant qu'expériences pures, proposait de reléguer le concept de sensation au statut de curiosité psychologique.
Aujourd'hui, bien qu'elle soit généralement maintenue, la distinction des deux concepts, sensation et perception, a perdu de sa rigidité. Dans une approche du type traitement de l'information, la sensation désigne un événement psychique élémentaire dont il est possible de faire l'expérience ou dont il est possible d'inférer l'existence. Dans les deux cas, la sensation correspond à des manifestations de traitements d'information déterminés par l'activation de modalités sensorielles spécialisées. Comme expérience, elle fait référence à une des qualités de l'information sensorielle (une couleur, une douleur, une saveur) et conforte l'hypothèse que ces informations sont appréhendables isolément par l'organisme. Les sensations font donc référence à la classe des informations extraites des stimulations et codées à des niveaux de traitement précoces. Dans cette perspective, leur caractère conscient ou non n'est pas décisif car elles peuvent être appréhendées soit par des méthodes psychophysiques directes impliquant un jugement, soit inférées par des manifestations indirectes.


La classification des sensations

Il n'existe pas de taxonomie universellement acceptée des sensations. Depuis l'Antiquité, on distingue cinq sens:

  • l'audition
  • le goût
  • l'olfaction
  • le toucher
  • la vision

Chacun de ces sens est excité par des stimulations physiques déterminées et donne naissance à une famille restreinte de sensations:

  • les sons pour l'audition,
  • les saveurs pour le goût,
  • les odeurs pour l'olfaction,
  • les sensations tactiles, thermiques et algiques pour le toucher,
  • la lumière et la couleur pour la vision.

Chaque famille de sensations relève d'une classe de récepteurs spécialisés. Cette classification est cependant fort incomplète. Par exemple, les sensations thermiques cutanées relèvent de deux systèmes neurosensoriels qui impliquent un traitement séparé de ce qui correspond grossièrement aux sensations de chaud et aux sensations de froid. Prendre en compte les attributs phénoménaux des sensations est donc indispensable pour parvenir à une classification plus exhaustive.
Néanmoins, cette approche présente encore des insuffisances. D'un côté, toute sensation n'est pas nécessairement consciente et, par exemple, cette classification ne fait pas apparaître toute une classe de sensations spatiales qui nous fournissent des informations sur la position et les déplacements tant de nos membres que de notre corps entier dans l'espace. D'un autre côté, la part consciente des sensations reflète plus la structure de nos représentations cognitives que la manière dont l'organisme traite les informations sensorielles En effet, le chaud et le froid nous paraissent appartenir à un continuum thermique, des sensations salées et sucrées nous paraissent antagonistes.
On peut aussi diviser les systèmes sensoriels en deux grandes classes sur la base de l'origine externe ou interne des informations qui les activent normalement:

  • Les systèmes sensoriels avec une fonction extéroceptive: leurs informations proviennent de l'environnement de l'organisme. Ce sont les systèmes auditif, gustatif, olfactif, tactile, vestibulaire et visuel.
  • Les systèmes sensoriels avec une fonction intéroceptive: leurs informations proviennent de l'activité même du corps. On y mentionnera en particulier la kinesthésie et diverses somesthésies liées aux récepteurs musculaires abdominaux, respiratoires et cardiovasculaires.

Cette classification est imparfaite puisque les systèmes kinesthésique, vestibulaire et visuel participent aussi à la fonction proprioceptive en nous informant sur les mouvements de notre corps.
L'étude des sensations, profitant de leur relative autonomie, devra prendre en compte, d'une part, la spécificité des événements physiques qui sont à leur origine, et d'autre part, la sélectivité des récepteurs à ces événements ainsi que la spécificité des sous-systèmes neuronaux qui traitent les informations subséquentes. En effet, il existe un fait remarquable, encore mal expliqué, mais qui fonde cette approche: la nature de la sensation dépend non seulement des récepteurs excités, mais encore des structures nerveuses activées. Ainsi, une stimulation électrique du nerf optique engendrera une sensation visuelle, celle du nerf auditif une sensation auditive. Cette propriété avait été désignée sous le nom de doctrine de l'énergie spécifique des nerfs par Johannes Müller.


Les caractéristiques de l'audition

Les vibrations acoustiques constituent un son pénétrant dans le canal auditif et vont faire vibrer la membrane du tympan. Les vibrations sont alors transmises à la chaîne des osselets (marteau, enclume et étrier) et, au travers de la fenêtre ovale, vont se propager dans le liquide du canal vestibulaire à l'intérieur de la cochlée. L'onde ayant atteint l'hélicotréma poursuit sa propagation dans le canal tympanique et se transmet à la membrane basilaire qui soutient l'organe de Corti situé dans le canal cochléaire. C'est ce mouvement qui va permettre la transduction de l'énergie mécanique en une énergie électrochimique qui générera des potentiels d'action dans les neurones auxquels les cellules ciliées sont connectées.
Les fibres du nerf auditif se projettent d'abord dans les noyaux cochléaires ventraux. De là, une partie des projections se fait ipsilatéralement et controlatéralement sur l'olive supérieure et une autre partie sur les noyaux cochléaires dorsaux. De l'olive inférieure, les axones se projettent ipsilatéralement sur la collicule inférieur. Des noyaux cochléaires dorsaux, les axones se projettent controlatéralement sur le collicule inférieur. Des collicules qui possèdent des projections controlatérales, les axones se projettent sur les corps genouillés médians et de là sur le cortex auditif situé pour l'essentiel au fond de la scissure de Sylvius.
La majorité des neurones du système auditif sont sélectifs à la fréquence des sons purs. Dans chacune des structures mentionnées ci-dessus, ils sont disposés tonotopiquement. Ainsi, les neurones sélectifs à des fréquences voisines occupent des positions spatiales voisines. Hors de la sélectivité à la fréquence, base de la sensation de hauteur tonale, d'autres sélectivités neuronales sont observées. En effet, on a décrit, dans le cortex, des détecteurs de glissement qui répondent sélectivement au sens (ascendant ou descendant) des changements de fréquence. D'autres neurones semblent présenter des sélectivités aux vocalisations de l'espèce.
Le seuil absolu de détection d'un son correspond à une vibration dont l'amplitude est de l'ordre de grandeur de la taille d'une molécule d'hydrogène. Les phénomènes d'adaptation neurosensorielle semblent différents pour le système auditif de ce qu'ils sont pour les autres systèmes sensoriels. Seuls les sons de faible intensité manifestent une réduction progressive de leur sonie en fonction de l'augmentation de la durée de leur présentation. D'autres phénomènes apparentés à une adaptation ont été décrits, mais qui impliquent des présentations d'un son continu à une oreille et d'un son discontinu à l'autre.
La localisation spatiale des sources sonores repose sur un double mécanisme. L'un traite les différences temporelles des messages interauraux et l'autre les différences d'intensité. Certains de ces neurones semblent présenter des propriétés de sélectivité à la localisation spatiale et l'on peut décrire leur champ récepteur: ils sont inhibés lorsqu'un son est présenté dans une autre localisation que celle à laquelle ils sont sélectifs.


Les caractéristiques de l'odorat

Les stimulus de l'odorat sont les molécules des substances volatiles. La muqueuse olfactive qui contient les récepteurs de l'odorat est située au fond des fosses nasales. Les récepteurs olfactifs sont des neurones spécialisés à courte durée de vie (4 à 8 semaines). Le chien possède environ 200 millions de récepteurs olfactifs tandis que l'homme en a environ 10 millions.
Chacun de ces récepteurs est terminé par des cils qui sont les éléments des récepteurs entrant en contact avec les molécules. On compte 100 à 150 cils par récepteur chez le chien, et 6 à 8 chez l'homme. Il existe sans doute deux types différents de mécanismes de transduction différant par leur degré de sélectivité aux molécules odorantes. Les fibres nerveuses issues des cellules réceptrices se réunissent pour former le nerf olfactif qui se dirige vers le bulbe olfactif. À ce niveau, les cellules sont groupées selon le type de récepteur dont elles sont issues et donc selon le type de molécule impliquée. Certaines cellules du bulbe olfactif envoient des projections directement au cortex olfactif situé dans le lobe temporal. D'autres neurones envoient leurs axones dans d'autre structures sous-corticales et principalement dans le système limbique. Chaque récepteur et chaque neurone du système olfactif répond à des stimulus de composition moléculaire variée. Le codage des odeurs se fait sans doute, comme pour le goût, au moyen du pattern des réponses nerveuses entre neurones. Certains neurones sont plus fortement activés par certaines molécules que par d'autres.
Les seuils absolus d'odorat sont potentiellement identiques chez le chien et chez l'homme: une molécule atteignant un récepteur. Cependant, les seuils mesurés dépendent à la fois de la densité des récepteurs et de la concentration des molécules. Les phénomènes d'adaptation se manifestent fortement pour l'odorat. L'intensité apparente d'une odeur, (par exemple, l'arôme ou le bouquet d'un vin), s'atténuent fortement en quelques secondes si la stimulation est maintenue. Contrairement à ce que l'on observe dans d'autres modalités sensorielles, l'adaptation à une odeur est très peu sélective. En effet, elle diminue aussi l'intensité apparente d'une odeur très différente.
L'intensité apparente d'une odeur, mesurée par des méthodes d'estimation, suit des fonctions de puissance dont l'exposant varie considérablement d'une substance à l'autre. La valeur de l'exposant semble liée au degré de solubilité de la substance dans l'eau et, surtout, à la manière dont les molécules interagissent avec les membranes des cellules réceptrices. Aussi, la discrimination est très supérieure dans le système olfactif à ce qu'elle est pour le système gustatif puisque la fraction de Weber peut atteindre 5%.
En 1915, Hans Henning a décrit un prisme des odeurs comprenant 6 primaires:

  • fruité
  • rance
  • fleuri
  • épicé
  • brûlé
  • résineux

Cependant, des études psychophysiques, fondées sur des jugements de similarité entre couples de substances, n'ont pas permis, au moyen d'analyses multidimensionnelles des résultats, de conforter la distinction de ces 6 primaires. Plus tard, en 1975, John Amoore, en étudiant les anosmies, conclut à l'existence de 31 primaires. Le système olfactif semble donc présenter des particularités par rapport aux autres systèmes sensoriels. Si nos expériences olfactives peuvent être variées et, au moins dans le cas d'experts, d'une acuité qui permet d'identifier les composants d'un parfum, elles ne semblent pas fondées sur une sélectivité neurosensorielle importante du système.


Les caractéristiques du goût

Les stimulus du goût sont des substances chimiques qui peuvent être dissoutes dans l'eau et dans des lipides. Les molécules des substances chimiques en solution dans la cavité buccale sont absorbées par des cellules spécialisées, les cellules gustatives, regroupées en bourgeons gustatifs dont l'agglomération forme les papilles gustatives, principalement à la surface de la langue. Différentes cellules paraissent avoir une excitabilité chimique différenciée pour diverses modalités sapides. Ce qui n'implique pas nécessairement une spécificité des récepteurs. Plus probablement, la qualité gustative serait explicable par le pattern de réponses de quatre types de fibres. Chez le jeune humain, on dénombre environ 10 000 bourgeons gustatifs. Leur nombre diminue avec l'âge. Dans chaque bourgeon, les cellules gustatives se développent continuellement. Leur durée de vie n'est que de quelques jours.
En 1916, Hans Henning a distingué 4 qualités de goût:

  • Le salé: la saveur salée est générée par des molécules qui, dissoutes dans l'eau, se brisent en deux ions. Le sel de table comprend ainsi un atome de sodium et un atome de chlore qui se brisent lors de la dissolution dans l'eau, le premier donnant un ion positif et le second un ion négatif. La saveur salée est générée par des molécules qui, dissoutes dans l'eau, se brisent en deux ions. Le sel de table comprend ainsi un atome de sodium et un atome de chlore qui se brisent lors de la dissolution dans l'eau, le premier donnant un ion positif et le second un ion négatif.

  • Le sucré: la saveur sucrée est généralement associée à des molécules organiques principalement composées de carbone, d'hydrogène et d'oxygène.

  • L'amer: la saveur amère est souvent évoquée par les mêmes substances qui, à faible concentration, semblent sucrées. Les substances contenant du nitrogène, comme la strychnine, la caféine, la quinine, la nicotine, ont une saveur amère.

  • L'acide

Sur la base de jugements de similarité entre substances, on a pu confirmer la relative validité de la distinction des quatre qualités primaires de Henning. Cependant, leur interprétation reste l'objet de débats, en particulier sur le point de savoir si l'on peut les considérer comme des modalités sensorielles séparées. La saveur d'un aliment est plus causée par son odeur que par son goût. Aussi, beaucoup de substances, comme du café, du chocolat, de l'ail, ne peuvent pas être identifiées sans odorat.
Les mécanismes de transduction au niveau des récepteurs sont encore mal élucidés. Ils pourraient être différents pour chaque classe de stimulus. Trois nerfs (le pneumogastrique, le glosso-pharyngien et la corde du tympan) réunissent les fibres en provenance des bourgeons. D'autre part, des informations gustatives sont véhiculées par le sens chimique commun, empruntant le nerf trigéminal. Après avoir fait relais dans les noyaux du faisceau solitaire, les informations gustatives suivent une voie appelée lemnisque médian pour se projeter dans les noyaux ventraux postérieurs du thalamus et de là vers trois régions du cortex: deux sont situées dans le cortex somato-sensoriel, la troisième étant l'insula antérieure. Aussi, on distingue quatre types de nerfs selon leur réponse maximale à l'une des quatre qualités gustatives. Dans le cortex, les neurones sélectifs aux quatre qualités ont des localisations différentes.
L'intensité de la stimulation est représentée par l'augmentation de la concentration. La fréquence des potentiels d'action croît comme le logarithme de cette concentration. Les seuils absolus varient, pour chacune des qualités, selon le lieu de la stimulation. Pour certaines substances, comme la vanille ou la caféine, il existe de très larges dispersions interindividuelles des seuils. Les seuils mesurés sont très dépendants des stimulus présentés antérieurement. En effet, le système gustatif présente des phénomènes d'adaptation très marqués et des temps de récupération de plusieurs dizaines de secondes. Le fait que l'adaptation à une substance puisse modifier le seuil d'une autre substance reflète les nombreuses interactions qui existent dans le codage et le traitement des différentes qualités. Les discriminations d'intensité estimées par la fraction de Weber sont pauvres chez les humains et probablement parmi les plus mauvaises des modalités sensorielles. Cependant, les estimations d'intensité conduisent à des fonctions de puissance dont les exposants sont proches de l'unité.


Les caractéristiques des sens cutanés

La peau est l'interface entre l'organisme et son environnement. Elle contient une grande variété de récepteurs cutanés correspondant à une variété de sensations comme le toucher, le chaud, le froid et la douleur. Les uns ont des terminaisons en forme de corpuscules comme les corpuscules de Pacini, de Meissner, les disques de Merkel et les terminaisons de Ruffini. Les autres ont des terminaisons libres et sont probablement associés aux fibres de la douleur. Aussi, trois facteurs permettent de classer les différentes fibres nerveuses qui vont conduire les informations cutanées aux structures nerveuses centrales:

  • Un facteur relatif au type de stimulation qui les excite (mécanique, thermique, et nociceptif ou algique).
  • Un facteur constitué par la rapidité avec laquelle les fibres répondent et s'adaptent.
  • Un facteur concernant le champ récepteur des fibres. Il est soit large et mal défini spatialement, soit petit et bien défini.

L'information cutanée emprunte la moelle épinière par 31 paires de nerfs en formant les racines dorsales de la moelle. À cela s'ajoutent 4 nerfs crâniens qui collectent les informations en provenance de la tête. Tous ces nerfs vont former deux voies principales:

  • La première voie (ou lemnisque médian) comprend des fibres larges à conduction rapide. Elle croise en arrivant au cerveau où elle se projette controlatéralement d'abord dans le thalamus, puis dans le cortex somato-sensoriel. Ses fibres répondent principalement au toucher et au mouvement.

  • La seconde voie est spino-thalamique et comprend des fibres courtes à conduction lente. Elle se divise en deux voies au niveau du tronc cérébral. L'une des voies, dite paléo-spino-thalamique, semble spécialisée dans la signalisation des modalités crousalgiques, c'est-à-dire des douleurs à la compression. L'autre, dite néo-spino-thalamique, sera spécialisée dans la signalisation des modalités centralgiques (ou douleur de piqûres). Ces deux voies croisent au niveau de la moelle épinière et se projettent d'abord dans le thalamus, puis dans le système limbique et de là vers le cortex somato-sensoriel. Au niveau de ce dernier, on trouve une répartition topographique des projections. En effet, différentes parties du corps se projettent en différentes parties du cortex. Aussi, la surface de chaque projection correspond à la densité des récepteurs pour chaque partie.

Les caractéristiques du toucher

On mesure des seuils de sensibilité tactile par des pointes d'un poids donné ou bien par une vibration appliquée localement (de 20 à 20 000 Hz). La peau paraît plus sensible à une vibration qu'à un stimulus stable. Les seuils varient d'une région à l'autre du corps et tendent à être plus bas chez les femmes que chez les hommes. Le seuil de pression le plus faible est de l'ordre de 4 mg. Le seuil absolu de vibration correspond à un mouvement d'une amplitude de 10 mm. Il varie curvilinéairement avec la fréquence et présente un optimum à environ 250 Hz. La discrimination tactile correspond à l'écart permettant de juste ressentir deux contacts séparés. Elle est mesurée avec la méthode du compas de Weber et correspond à l'écartement de deux pointes qui permet de juste discriminer deux stimulations d'une seule stimulation. Ce seuil, exprimé en mm, varie d'une région à l'autre et est de l'ordre de 2 mm au bout des doigts, mais de 45 mm au niveau du mollet.
Les sensations tactiles s'adaptent en quelques secondes. L'adaptation est plus lente pour une vibration. L'intensité apparente d'une stimulation vibratoire varie en fonction de sa fréquence, d'une manière analogue aux courbes d'isosonie en audition. La sensibilité tactile permet la perception de patterns de stimulation.


Les caractéristiques des sensations thermiques

Les sensations cutanées de chaud et de froid sont traitées par deux systèmes séparés:

  • Les fibres nerveuses véhiculant des sensations de froid augmentent leur fréquence de réponse avec la diminution de la température.
  • Les fibres répondant au chaud augmentent leur fréquence de réponse avec l'augmentation de la température.

La réponse de ces fibres comporte deux composantes: l'une, initiale, qui se traduit par un changement du taux de décharge dans le sens décrit, et l'autre, qui représente l'état de repos et correspond à la température absolue de la peau. Chez le chat, la fréquence maximale des réponses de repos varie avec la température et présente, pour les fibres du froid, un maximum vers 25°C. Ces fibres ne sont pas excitées par des températures comprises entre 35 et 45°C, mais répondent plus fortement que les fibres du chaud pour des températures excédant 45°C. Les fibres du chaud sont activées par une marge limitée de températures et présentent un optimum aux environs de 38°C.
Les sensations cutanées de chaud et de froid sont définies par rapport à une température de référence appelée zéro physiologique. Sa valeur est d'environ 33°C à la température normale d'une pièce avec un écart de plus ou moins un degré. Avec l'adaptation, les seuils du chaud et du froid s'écartent du zéro physiologique de sorte que la zone neutre s'élargit à plus ou moins 3 à 4 degrés. L'intensité apparente du chaud et du froid varie comme des fonctions de puissance de la température stimulatrice. Mais, si l'exposant est égal à l'unité pour la sensation de froid, il est de 1,6 pour la sensation de chaud.


Les caractéristiques des sensations algiques

Il existe sur la peau des points de douleur dont la stimulation produit une sensation douloureuse qui n'est pas obtenue pour une stimulation identique d'un point voisin. Ces points correspondent aux champs récepteurs de petite taille des fibres à conduction lente. Des seuils de douleur peuvent être mesurés. Ils varient selon les régions du corps où ils sont mesurés selon la densité des points de douleur (de 44 par cm² à la pointe du nez à 232 par cm² à l'arrière du genou). La sensibilité différentielle à la douleur fait apparaître une bonne constance du rapport de Weber (4%). L'intensité subjective de la douleur croît comme une fonction de puissance de l'intensité du stimulus avec un exposant élevé (3,5 pour un choc électrique).
Par ailleurs, on a démontré une adaptation à la douleur. La régulation de la douleur est due à des opiacés endogènes (les enképhalines et les endorphines). Leur production peut rendre compte des modulations de la douleur par des facteurs psychologiques ou par des pratiques comme l'acupuncture.


Les caractéristiques de la kinesthésie

À l'intérieur du corps, il existe des informations mécaniques générées principalement par nos mouvements. Ces informations qui nous renseignent sur la position et le mouvement de notre corps et de ses différents membres constituent la kinesthésie. Le mouvement et les réponses posturales entraînent des tensions, des compressions, des torsions des muscles, des tendons et des articulations qui sont les stimulus kinesthésiques. Aussi, il existe deux principaux types de récepteurs dans les muscles:

  • Les récepteurs d'étirement: ils sont formés par les fuseaux neuro-musculaires et renseignent sur l'état d'allongement des muscles et sur ses variations.
  • Les organes tendineux de Golgi: ils sont situés au niveau des tendons, renseignent essentiellement sur l'effort fourni.

Les informations de ces récepteurs sont transmises au cortex somesthésique en empruntant la voie du lemnisque médian et la voie spinothalamique déjà mentionnées pour le toucher.
En dehors des informations de position et de mouvement, le système kinesthésique est à l'origine des sensations de poids et de force. Sauf aux extrêmes, l'intensité apparente d'un poids soupesé varie selon une fonction de puissance d'exposant égale à l'unité du poids physique. La force d'une étreinte, mesurée, par exemple, avec un dynamomètre, conduit à un exposant plus élevé.


Les informations vestibulaires

Le système vestibulaire a pour fonction d'informer notre organisme des mouvements de notre corps dans l'espace, de participer au contrôle de la station verticale et de la position des yeux lors de mouvements de la tête. Pour l'essentiel, ses informations ne sont pas ressenties consciemment comme telles, mais par leurs effets.
La posture est régulée de manière réflexe. Les stimulations vestibulaires kinesthésiques et somesthésiques modulent l'activité des noyaux vestibulaires. Les afférences labyrinthiques sensibles à la verticale gravitaire permettent le maintien d'une orientation verticale de la tête même lorsque le reste du corps prend des orientations différentes. Des manœuvres de retournement d'un animal lors d'une chute lui permettent de retomber sur ses pieds. L'information otolithique est primordiale dans le contrôle de ce comportement. Dans des conditions de micro-pesanteur, ce comportement est perturbé. La stabilité posturale en l'absence de vision requiert aussi des informations vestibulaires. Elle est gravement affectée lors d'affections comme la maladie de Ménière, qui affecte le système vestibulaire. Ce sont encore des informations otolithiques qui sont responsables de cette stabilité.
Les informations vestibulaires interviennent aussi de manière réflexe dans le contrôle des mouvements oculaires. Un nystagmus post-rotatoire est engendré chez des individus qui ont subi un rotation prolongée à vitesse constante. La mesure des seuils d'accélération linéaire est obtenue en déplaçant selon un mouvement de va-et-vient un individu sur une trajectoire linéaire. Dans ces conditions, la vitesse du déplacement est continuellement variée. Le mouvement peut être sagittal, vertical ou latéral. La latence de détection est remarquablement longue. En effet, elle est de l'ordre de 3 secondes pour une accélération faible de 0,01 g, elle atteint une durée asymptotique d'environ 370 ms pour des accélérations de l'ordre de 1 g. Cette sensation de déplacement est due à la stimulation des récepteurs des sacs vestibulaires.
Les accélérations circulaires activent les récepteurs des canaux semi-circulaires. Les effets sensoriels de ces accélérations peuvent être étudiés indirectement par la mesure d'activités comme les mouvements nystagmiques de l’œil, ou directement par des méthodes psychophysiques de jugement. Les accélérations les plus faibles permettant de détecter un mouvement circulaire sont de l'ordre de 0,2°/s² (degré par seconde carrée). Lors de la mesure de seuil, des latences longues de réponse sont observées. Elles sont de l'ordre de 10 s pour les accélérations les plus faibles, elle diminue jusqu'à une valeur asymptotique lorsque l'accélération devient importante. La vitesse apparente d'une accélération circulaire augmente selon une fonction de puissance de l'accélération physique. Son exposant est entre 1,3 et 1,5. Une adaptation des sensations est obtenue en utilisant des mouvements circulaires oscillants. L'exposant de la fonction de puissance doit alors diminuer.
L'expérience sensorielle d'un mouvement visuel ne dépend pas que de l'activité du système visuel. On a montré l'existence d'afférences visuelles sur les noyaux vestibulaires. En conséquence, plusieurs phénomènes qui sont normalement engendrés par une stimulation vestibulaire peuvent l'être de manière complémentaire par une stimulation visuelle. Le phénomène le plus remarquable dû à ces interactions est la vection. Il existe aussi des effets d'une stimulation vestibulaire sur des sensations visuelles. Après une rotation prolongée, la tête étant maintenue immobile, le monde visuel n'est plus perçu stationnaire par rapport à la tête de l'observateur, mais animé d'un mouvement de rotation paradoxale. Apparemment, le mouvement est continu, mais la position des objets par rapport à l'observateur se maintient.


Les caractéristiques des sensations visuelles

La première caractéristique du système visuel est la distinction de deux systèmes liés à l'existence de deux catégories de récepteurs. Les bâtonnets, plus sensibles, ne répondent qu'aux faibles niveaux d'éclairement. Les cônes répondent aux niveaux plus élevés, dits photopiques. Seuls ces derniers contiennent des récepteurs répondant indifférentiellement à la longueur de la lumière. En conséquence, la couleur n'est visible que pour des éclairements photopiques.
La sensibilité à la lumière, mesurée par la luminance d'un spot nécessaire à sa détection, dépend d'abord du niveau d'adaptation de la rétine à l'éclairement. Le seuil de luminance dépend aussi de la durée de la stimulation. En dessous d'une durée critique de quelques dizaines de millisecondes, le produit de l'intensité par la durée correspondant au seuil est constant. Le seuil dépend de la surface du stimulus. Pour des diamètres d'une lumière stimulatrice inférieure à 10 minutes d'arc, le produit de l'intensité par la surface est constant au seuil. Entre 10 minutes et 24 minutes d'arc, c'est le produit de l'intensité par la racine carrée de la surface qui est constant. Ces deux dernières lois, qui décrivent une sommation spatiale, résultent du taux de convergence des récepteurs sur les cellules ganglionnaires. Leurs limites spatiales vont donc changer avec l'excentricité rétinienne de la stimulation.
Le seuil absolu, définissant la sensibilité maximale à la lumière, est obtenu en optimisant tous les facteurs qui ont un rôle sur les seuils de luminance. En premier lieu, pour le mesurer, il faut une adaptation à l'obscurité de près de 45 minutes afin que les bâtonnets soient au maximum de leur sensibilité. Il faut ensuite présenter une stimulation de petite taille et de durée brève à 20° d'excentricité rétinienne, soit la région où la densité des bâtonnets est maximale. Enfin, il faut choisir une longueur d'onde de la lumière qui soit optimale pour les bâtonnets. Le seuil absolu est une intensité lumineuse, ou plus précisément une énergie, qui correspond à l'absorption de quelques photons (moins de 10). Pour des niveaux d'adaptation supraliminaires, on mesure des seuils d'incrément. Au niveau supraliminaire, l'intensité apparente (ou luminosité), d'une source ou d'une surface réfléchissante augmente comme une fonction de puissance de la luminance du stimulus. L'exposant est d'environ 0,33. Autrement dit, la luminosité croît approximativement comme la racine cubique de la luminance.
L'exposition prolongée à un champ visuel constant entraîne, en raison de l'adaptation neurosensorielle, une diminution des contrastes apparents et de la saturation des couleurs. De nombreux phénomènes visuels s'expliquent sur la base des seules informations traitées aux niveaux sensoriels. C'est le cas, par exemple, des effets de contraste simultané.


Le développement des sensations

À la naissance, les capacités fonctionnelles des différents systèmes sensoriels du nouveau-né sont inégalement développées. Les développements qui seront observés au cours de la période postnatale résultent de la maturation du système nerveux qui n'est pas achevée à la naissance.
Les sensibilités au toucher et à la chaleur sont sans doute les premières à apparaître au cours du développement fœtal. Bien qu'il y ait quelques controverses à ce sujet, les nouveau-nés semblent être aussi susceptibles à la douleur que les adultes.
La sensibilité gustative au sucré est pleinement développée à la naissance, la sensibilité à l'acide et à l'amer sont moindres et la sensibilité au salé presque absente. Le système olfactif paraît lui aussi déjà bien développé à la naissance et, dès la première semaine, se manifeste la reconnaissance de l'odeur maternelle.
La maturation du système auditif sous-cortical semble achevée. Il existe d'ailleurs une audition fœtale dont les effets postnataux sont démontrables. Le cortex auditif continue à se développer pendant la première année. La sensibilité des nouveau-nés aux sons graves est de moitié inférieure à celle des adultes, mais leur sensibilité aux sons aigus est équivalente. La localisation des sons est démontrable dès la naissance. Elle semble basée essentiellement sur les différences d'intensité des sons arrivant aux deux oreilles. La localisation sur la base de différences temporelles entre les messages binauraux n'apparaît qu'à 5 mois.
Bien que le système visuel, y compris la rétine, soit immature à la naissance, le nouveau-né est capable de performances visuelles remarquables. Sa sensibilité à la lumière est moindre que celle de l'adulte (environ 40 quanta contre 6), mais néanmoins notable. De même, sa sensibilité au contraste conduit à des seuils plus élevés. Son acuité est cependant réduite. Exprimée en fréquence spatiale, elle est inférieure à 1 cpd. Elle n'atteindra 30 cpd que vers le 36e mois. Par contre, sa sensibilité différentielle à la couleur est équivalente à celle de l'adulte si l'on prend en compte leur moindre sensibilité absolue. La sensibilité au mouvement visuel est déjà présente et la poursuite visuelle tout comme le nystagmus opto-cinétique, assez développés pour être utilisés comme témoins d'autres sensibilités.


La recherche de sensations

La recherche de sensation correspond au fait, pour certains individus, de rechercher plus que d'autres des expériences intenses ou nouvelles, l'aventure, voire le danger.
Depuis les années 1960, le psychiatre nord-américain Marvin Zuckerman a développé la notion de recherche de sensations, et tend à en faire un trait de caractère, lié à des différences biologiques entre les individus. L'échelle de recherche de sensations, adaptée en France par Daniel Widlocher, est un questionnaire qui se décompose en quatre dimensions:

  • Recherche de danger et d'aventure.
  • Recherche de nouveauté.
  • Désinhibition.
  • Susceptibilité à l'ennui.

Si cette échelle peut permettre de différencier des types de chercheurs de sensations fortes, elle vise surtout à mettre en évidence l'opposition entre de grands chercheurs de sensations et, au contraire, des individus qui évitent ces sensations. En cela, la notion de recherche de sensations peut être rapprochée des travaux de Hans Eysenk, dont le questionnaire de personnalité (EPI) oppose introversion et extraversion.
L'intérêt pour la recherche de sensations peut être mis en parallèle avec l'évolution du regard psychiatrique au cours du XXe siècle. En effet, aux pathologies de l'excès de retenue, de maintien, caractéristiques d'une société victorienne, et marquées par le refoulement et la névrose, succèdent des pathologies de l'agir, de la prise de risque, de la démesure dans la quête de plaisir, comme les diverses addictions, les tentatives de suicide, la psychopathie (ou les troubles antisociaux), les phénomènes de bandes d'adolescents, etc... Il n'est donc guère étonnant que les forts chercheurs de sensations soient surreprésentés parmi les individus impulsifs, les alcooliques, les toxicomanes, les joueurs ou autres addicts, les délinquants, certains suicidants, etc... Ce trait de caractère, plus répandu chez l'homme que chez la femme, est aussi plus marqué chez l'adolescent et le jeune adulte, tout comme les pathologies dont il augmente la fréquence.
En matière d'addictions, on peut remarquer que la recherche de sensations est un élément important de l'usage de drogues illicites chez les jeunes, des toxicomanies, ou du jeu pathologique, mais qu'au contraire certaines addictions comme des toxicomanies d'automédication ou les troubles des conduites alimentaires, pourraient être interprétées comme un évitement de la nouveauté ou de l'aventure.
Selon Marvin Zuckerman, la recherche de sensations serait liée au besoin de maintenir ou d'atteindre un certain niveau d'activité cérébrale (et, pour cela, d'atteindre un niveau optimal de stimulations). Les différences entre individus proviendraient de différences dans le seuil d'activation. Ainsi, pour obtenir une sensation équivalente, certains doivent recourir à plus de stimulations que les autres (il convient donc de parler de recherche de stimulation, autant que de sensation). Les bases de ces différences devraient être recherchées au niveau neurophysiologique. En effet, les recherches en matière de conduites de risque ou d'addictions montrent qu'aux variations hormonales, entraînant une réactivité variable aux stress, s'ajoutent des variations des taux d'endorphines, de monoamines, particulièrement du système dopaminergique. Les variantes individuelles dans la recherche de stimulations diverses tiendrait en ressort ultime, selon Zuckerman, à la génétique.
Proche de cette notion de recherche de sensation, la recherche de nouveauté est l'une des dimensions proposées par Claude Cloninger dans le cadre de son modèle psychobiologique de personnalité. Le tempérament, défini génétiquement, doit, selon cet auteur, être exploré selon quatre axes:

  • Recherche de nouveauté.
  • Évitement du danger.
  • Dépendance à la récompense.
  • Persévérance ou persistance.

En matière d'alcoolisme, Cloninger en vient à distinguer deux types principaux:

  • Le type 1: d'installation lente, avec peu de recherche de nouveauté, sur des personnalité passives-dépendantes.
  • Le type 2: précoce, avec importance de la recherche de nouveauté, et profil général de type psychopathique.

Ces différentes approches tentent donc à investiguer au niveau biologique les mécanismes de la recherche de sensation ou de la vulnérabilité de certains individus à l'engagement dans des conduites de risque. Mais la tentation d'une vision linéaire et causaliste, de la génétique aux conduites humaines les plus complexes, risque de conduire à des simplifications excessives. Ainsi, il convient de ne pas faire l'impasse sur les abords phénoménologiques psychodynamiques et sociologiques des conduites de risque.

Autres termes psychologiques :

Persistance
Vection
Phosphène
Image consécutive
Thermorécepteur

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