La définition de Espace

L'espace désigne le cadre physique, perceptif, représentatif ou conceptuel à l'intérieur duquel des objets réels ou représentés, mobiles ou immobiles, animés ou non animés, sont situés et déplacés, activement ou passivement, dans un système de relations spatio-temporelles.


L'espace physique

Les échanges que peut avoir un être vivant avec son environnement physique sont limités, aussi bien du point de vue moteur que perceptif, par un certain nombre de contraintes. Les objets parmi lesquels nous vivons sont des îlots de matière qui occupent un certain volume. Ces unités ont une cohésion interne et des frontières qui assurent à chacune sa séparation d'avec les autres. Par conséquent, un objet ne peut occuper simultanément deux places, de même que deux objets ne peuvent occuper en même temps la même place. Un objet ne peut en traverser un autre sans atteindre son intégrité. Les déplacements d'un objet, mais aussi ceux d'un vivant, sont donc limités.
Il est impossible d'aller d'un point à un autre sans suivre un chemin continu dans l'espace et le temps. Les objets sont des obstacles que, animés ou inanimés, les autres objets doivent contourner lors de leurs déplacements, mais ce sont aussi des supports possibles. Enfin les forces de gravité sont une composante essentielle de notre environnement terrestre.


L'espace d'action

Il s'agit de l'espace des perceptions et des actions réelles. L'espace d'action est le lieu des coordinations entre les informations collectées par les système sensoriels sur l'état de l'environnement, les objets qui l'occupent, les événements qui y surviennent et les postures et déplacements du corps propre, dans un environnement orienté et ordonné.


La posture et le déplacement dans l'espace d'action

Tout déplacement du corps ou d'un de ses segments mobiles a un point de départ, défini par un lieu de l'espace et une posture de l'acteur, un but situé en un autre point de l'espace et un itinéraire dont les paramètres sont la direction générale à suivre et la distance à parcourir pour atteindre ce but. C'est à partir d'informations spatiales fournies par les modalités sensorielles que fonctionnent différents programmes d'action dont la commande assure la stabilisation de la posture et l'ajustement correct de la trajectoire.
L'activité de transport du corps ou d'un de ses segments se greffe sur les activités posturales, qui réalisent les positionnements antigravitaire et directionnel. Le premier constitue un référentiel statural de base pour l'orientation spatiale de tous les organismes.


Les informations spatiales d'ordre sensoriel dans l'espace d'action

L'arrivée d'un flux énergétique sur les récepteurs sensoriels d'une modalité entraîne une réponse d'orientation vers l'origine de ce flux, qui se manifeste à la fois par un changement de posture (positionnement directionnel) et par une capture du stimulus au profit d'une zone particulièrement adaptée au traitement fin des informations relatives aux propriétés de l'objet stimulus. L'orientation des yeux et de la tête vers une source sonore a pour fonction d'amener cette dernière à la fois en zone fovéale et dans le plan médian de la tête de l'observateur, donc à égale distance des deux oreilles. Un écart temporel de 0,03 ms, entre l'arrivée aux deux oreilles, droite et gauche, suffit à un individu entraîné pour situer le son dans l'hémichamp droit ou gauche.
Dans des conditions normales, les objets sonores sont aussi des objets visibles et saisissables et les différents messages sensoriels véhiculent des informations concordantes sur la place occupée par l'objet. Le plan médian de la tête, la ligne du regard, la bouche suivent la même direction et le geste d'approche de la main s'oriente aussi vers l'objet fovéalisé. Dans une situation normale, les informations spatiales contenues dans les messages sensoriels des différentes modalités concordent et il apparaît que la ligne du regard et le référentiel oculocentrique jouent un rôle déterminant dans le repérage directionnel d'un objet.


Les relations entre les informations spatiales et sensorielles

Dans des conditions naturelles, les stimulations sensorielles, véhiculées par différentes modalités mais issues d'un même point de l'espace, apportent des informations spatiales cohérentes sur la position de ce point par rapport à un observateur. Des corrélations stables entre messages sensoriels structurent l'espace perceptif.
Aussi, en créant artificiellement des discordances entre des informations spatiales relatives à un même objet, on introduit un conflit entre stimulations, visuelles et auditives, visuelles et tactiles, qui se résout le plus souvent en faveur de la vision. Par exemple, la localisation d'une source sonore invisible, présentée en même temps, mais en une autre place, qu'une cible visuelle insonore, est entachée de grosses erreurs. Dans la même situation, la localisation de la cible visuelle est peu ou pas perturbée. Les erreurs d'ajustement à la verticale du corps propre ou d'un bâton dans une cabine inclinée (à 30° ou 45°), la visuo-proprioception sont des exemples de conflit entre informations visuelles et proprioceptives.


Les relations entre les informations spatiales sensorielles et motrices

Dans l'exécution d'une tâche de pointage manuel d'une cible visuelle, l'individu reçoit deux types d'information:

  • Des informations relatives à l'amplitude et à la direction du geste de pointage.
  • Des informations venant des modifications des images rétiniennes résultant de ce geste.

Dans des conditions naturelles, ces informations sont fortement corrélées. Mais une distorsion artificielle du message sensoriel, sous la forme d'une déviation du flux lumineux entraînée par le port de lunettes prismatiques, supprime la validité du système normal de corrélation entre les deux types d'information. Ainsi, le geste n'aboutit pas à l'endroit où la cible est vue.
Les expériences ont montré que, chez l'homme et le grand enfant, l'adaptation du geste à la nouvelle situation est rapide. En effet, en une semaine, une nouvelle corrélation s'établit entre les informations selon une nouvelle règle. Au moment où l'individu, adapté, retire ses lunettes, le nouveau système de corrélation ne convient plus et des erreurs de pointage réapparaissent avant que l'individu ne retrouve son système antérieur de relations. Ces systèmes de relation, entre informations sur l'action et sur ses conséquences visibles, sont plastiques chez l'homme. Il n'en est pas de même pour d'autres espèces, comme la grenouille ou le poussin, qui ne manifestent aucune adaptation. Chez l'homme, l'adaptation ne se fait que lorsque certaines conditions sont réalisées:

  • La distorsion doit obéir à une règle précise et stable (l'angle de déviation prismatique ne doit pas varier).
  • L'individu doit se livrer à une activité volontaire pendant la période de distorsion.
  • L'individu doit avoir la possibilité de voir ses membres et le résultat de ses mouvements. Seul le mouvement actif est efficace.

Les comportements spatiaux de l'enfant

L'évolution des comportements spatiaux de l'enfant se caractérise par l'usage de géométries de plus en plus contraignantes. Aussi, Jean Piaget fait deux hypothèses:

  • La géométrie topologique serait le meilleur descripteur des premières activités spatiales de l'enfant. Ce serait ensuite la géométrie projective et, en dernier, la géométrie euclidienne.

  • Cet ordre serait suivi d'abord au niveau de l'action puis à celui de la représentation. Dans cette perspective, un enfant de 3 ans peut être au niveau euclidien dans ses rapports actifs avec l'espace et cependant ne tenir compte que des relations topologiques au niveau représentatif.

Ces hypothèses ont été développées et défendues dans plusieurs volumes.
Le très jeune nourrisson vit et agit non point dans un espace unique, mais dans des espaces cloisonnés, limités à une modalité sensorielle, à une région du corps, à une zone de l'environnement. Ce sont les espaces visuel, auditif, buccal, postural, proche, etc... Aussi, l'assimilation réciproque des schèmes sensori-moteurs va entraîner, vers 4 à 5 mois, la coordination entre préhension et vision et l'apparition des constances perceptives. À 18 mois, le bébé est capable de se situer comme un objet parmi d'autres. Il dispose d'un espace pratique, coordonnant les espaces primitifs, dans lequel il vit et se déplace. Cet espace d'action est régi par le groupe pratique des déplacements. C'est alors qu'apparaît la fonction sémiotique et qu'une représentation de l'espace commence à se développer. Elle ne s'achèvera qu'à la période formelle. Conformément aux prévisions de Piaget, ce sont bien les relations spatiales topologiques que les enfants de 3 à 4 ans utilisent dans les épreuves stéréognostiques et dans leurs productions graphiques. À partir de 5 ans, les relations projectives commencent à être prises en compte. A 6 ans, l'enfant est capable de construire une droite projective entre 2 points. La différenciation et coordination entre points de vue apparaissent vers 7 à 8 ans mais ce n'est qu'à 9-10 ans qu'il y a véritablement une coordination d'ensemble. L'application des lois de la perspective se manifeste dans le dessin avec le réalisme visuel vers 8 à 9 ans.
Par ailleurs, Piaget, Bärbel Inhelder et Alina Szeminska distinguent trois grandes étapes dans la construction de l'espace représentatif euclidien à partir de 7 ans:

  • La conservation des distances et des longueurs, des surfaces des volumes intérieurs, la conservation des congruences au cours de comparaisons transitives.
  • La métrique simple dans la mesure des longueurs selon une, deux ou trois dimensions, la construction des systèmes de coordonnées métriques, le début de la mesure des angles et surfaces.
  • Le calcul des surfaces et des volumes, maîtrisé seulement au niveau des opérations formelles.

Autres termes psychologiques :

Vitesse
Droite projective
Espace-problème
Multidimensionnel
Référentiel

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