La définition de Activités intellectuelles

Les activités intellectuelles sont des activités de traitement de l'information symbolique peu automatisées, et qui utilisent des connaissances explicites. elles interviennent dans la compréhension, le raisonnement, l'acquisition de connaissances et la résolution de problèmes.


Le domaine de l'intelligence abstraite

Les activités intellectuelles constituent le domaine de l'intelligence abstraite qu'on oppose souvent à l'intelligence pratique. Cette opposition se base notamment sur la psychométrie qui, dans la mesure de l'intelligence, distingue des tests d'intelligence théorique et des tests d'intelligence pratique. Cette distinction a une certaine validité pour les tâches élémentaires telles que celles qui sont proposées dans les tests. Néanmoins, en ce qui concerne les tâches complexes qui exigent une décomposition de la tâche en sous-objectifs qu'on puisse atteindre, un ordonnancement de ces objectifs, la mise en oeuvre d'heuristiques de recherche en l'absence de procédures connues, l'évaluation des résultats de l'action et éventuellement une remise en cause de l'interprétation de la situation, la validité de cette distinction est remise en cause. En effet, ces tâches font intervenir un nombre considérable d'inférences, que ce soit pour comprendre la situation ou pour élaborer des décisions d'action. Par conséquent, les corrélations obtenues sont faibles, quand on met en relation les performances aux tâches complexes et les résultats aux tests d'intelligence.
Deux principales raisons expliquent ce phénomène:

  • Les situations utilisées dans les tests ne sont pas finalisées et donc ne mettent pas en oeuvre les activités d'évaluation, de contrôle et de réorientation de l'action, qui sont essentielles dans les tâches complexes.

  • Les tâches abstraites utilisées dans les tests sont en grande partie de nature logico-mathématique (découverte de règles) ou de nature métalinguistique (définition de termes), et que celles utilisées pour mesurer l'intelligence pratique ont souvent des composantes perceptives importantes.

Dans la perspective actuelle, où les activités cognitives sont conçues comme des activités de traitement de l'information, cette distinction perd son sens. Les tâches de démonstration de type démonstration géométrique ou transformation algébrique sont analysées dans le même cadre conceptuel que les problèmes de transformation d'états tels que le problème des missionnaires et des cannibales ou celui de la tour de Hanoï. Dans cette perspective, on a des états qui sont les états physiques de la situation et un ensemble d'informations disponibles, celles qui étaient données au départ et celles qui ont été déduites à partir d'elles. On a des manipulations qui consistent à passer d'un état à un autre: ce sont les actions physiques ou les déductions. En enfin, on a des règles de passage d'un état à un autre. Dans un cas, ce sont les théorèmes utilisables et les règles générales de la logique qui garantissent la validité du raisonnement, et, dans l'autre, ce sont les règles qui définissent les actions licites dans la situation, par exemple, ne jamais avoir plus de cannibales que de missionnaires sur une rive.
L'ensemble des états accessibles par les règles de transition entre états définit un espace de recherche. La situation initiale, que constituent les données du problème, est un état. Le but est également un état dans cet espace. Ainsi, élaborer une solution consiste à trouver dans cet espace un chemin qui permette de rejoindre l'état constituant le but à partir de l'état initial. Une démonstration est également un cheminement qui consiste à relier les propositions admises au départ comme vraies à la proposition à démontrer. L'espace dans lequel se situe ce cheminement est l'espace de toutes les déductions que l'on peut faire à partir des théorèmes connus et des propositions de départ. Dans la perspective du traitement de l'information, on oppose plutôt les activités de traitement de l'information symbolique qui utilisent des connaissances explicites, d'une part aux activités perceptives, d'autre part aux activités fortement automatisées qui utilisent principalement des connaissances implicites.
Les activités perceptives mettent en oeuvre des traitements qui consistent principalement à extraire de l'information des stimulus et qu'on appelle pour cette raison des traitements ascendants. Tandis que les traitements symboliques utilisent, pour l'essentiel, des connaissances, d'où la dénomination de traitements descendants. Aussi, une partie de ces traitements sont extrêmement automatisés. C'est le cas, par exemple, de ceux qui interviennent dans la mise en oeuvre des savoir-faire ou dans l'activation des significations associées aux termes du lexique. Ils constituent les savoirs spécialisés caractéristiques de l'expertise. Ces savoirs sont marqués par l'extrême rapidité de leur mise en oeuvre, par leur spécificité et leur faible transférabilité, par leur caractère implicite, qui rend leur étude très difficile. Leur étude relève de la mémoire dans la mesure où ils sont constitués par des connaissances implicites, dont la mise en oeuvre dépend essentiellement de mécanismes d'activation.
Sous l'appellation d'activités intellectuelles, on considère les activités qui mettent en jeu des inférences reposant sur des connaissances explicitables, ce que l'on appelle des raisonnements, lesquels constituent également une part importante de l'expertise, celle à laquelle on a le plus facilement accès et qui est formalisée dans les systèmes experts. Ainsi, on peut distinguer quatre types d'activités relative au traitement de l'information symbolique:

  • Les activités de compréhension: elles incluent à la fois la compréhension du langage et la compréhension de situations physiques, dans la mesure où celle-ci met en jeu des connaissances.
  • Les activités de raisonnement: elles consistent à produire des inférences, les unes de nature inductive, les autres de nature déductive et visant la compréhension, la communication, l'acquisition de connaissances ou l'élaboration de décisions.
  • L'acquisition de connaissances: elle se produit soit par l'enseignement ou les textes, soit par une expérience de découverte dans la résolution des problèmes.
  • L'élaboration de décisions d'action: il s'agit principalement de la planification de tâches complexes, notamment celles qui sont réalisées quotidiennement dans l'activité professionnelle.

La compréhension

La compréhension vise à traiter des significations véhiculées par des textes ou par des situations physiques. Comprendre un texte répond à différentes finalités:

  • Communiquer, c'est-à-dire interpréter un message.
  • Acquérir des informations événementielles, qu'elles soient réelles ou romanesques.
  • Acquérir des connaissances générales dans une perspective didactique.
  • Réaliser des actions spécifiques (par exemple, une consigne, un mode d'emploi, une recette, etc...).

L'information qui sera stockée en mémoire ou utilisée pour l'action immédiate au terme de l'activité de compréhension est le résultat d'une élaboration qui dépend de la finalité de la compréhension.
La compréhension de textes qui ont pour finalité la production d'actions consiste principalement à spécifier l'énoncé pour l'appliquer au contexte particulier de la situation, ce qui implique d'ajouter de l'information à celle qui est fournie par l'énoncé. Un texte de consignes ou une recette décrivent une façon de faire pour obtenir un résultat précis, ce que l'on appelle une procédure. Ce qu'il convient de faire est décrit de façon assez générale et exige en fait beaucoup de connaissances de la part du lecteur. En effet, le texte est loin d'énoncer la suite de toutes les actions à réaliser: il y a beaucoup d'implicite et il faut faire de nombreuses inférences pour passer du texte aux actions.
Au contraire, dans un texte à visée narrative, la compréhension consiste généralement à remonter des actions qui sont décrites aux buts des acteurs, qui, le plus souvent, n'ont pas été explicités par le texte au moment où l'action est décrite. Elle consiste également à remonter des buts aux contraintes de la situation et aux intérêts des individus qui ont pu motiver ces buts. Ainsi, comprendre, c'est retrouver la chaîne causale qui a produit les événements décrits. Beaucoup d'informations fournies dans le texte sont alors négligées: ce qui est compris est plus général que ce qui est dit.
L'interprétation consiste surtout à généraliser, alors que dans le cas précédent, elle consiste principalement à particulariser. Les relations qu'il est nécessaire d'établir entre les éléments d'information explicitement décrits et ceux qu'il est nécessaire d'ajouter pour construire une interprétation du texte qui soit adaptée à sa finalité peuvent être produites par des inférences ou peuvent être récupérées directement en mémoire, si l'on a déjà traité précédemment des situations similaires et si les résultats de ces traitements ont été mémorisés. La part des informations récupérées en mémoire est plus ou moins importante dans la construction d'une interprétation.


La particularisation d'un schéma

Un schéma est un ensemble organisé d'informations relatives à des événements ou des actions. Il s'agit, par exemple, d'un repas au restaurant, d'ne cérémonie de mariage, d'une visite chez le médecin, etc... C'est une unité de connaissances qui est autonome, insécable et récupérée en bloc. Les schémas sont des structures générales qui s'appliquent à un grand nombre de situations concrètes différentes. De ce fait, ils contiennent un certain nombre de variables qui sont destinées à être remplies par des éléments spécifiques de la situation. Ainsi, comprendre en utilisant un schéma, c'est d'abord sélectionner ce schéma et remplacer ses variables par les éléments de la situation: le résultat de l'interprétation est le schéma particularisé. Un schéma est sélectionné généralement à partir d'un nom qui lui sert d'étiquette ou d'éléments qui lui sont spécifiques.
Le schéma rempli les deux fonctions suivantes:

  • L'interprétation des éléments: la première fonction est de permettre d'interpréter les éléments d'information du texte. Par exemple, si on lit dans un texte : « Il alla voir le médecin. Une jeune personne le fit entrer dans une sorte de petit salon où il y avait trois adultes qui lisaient des illustrés », le schéma « visite chez le médecin » permet d'identifier la jeune personne comme la secrétaire ou l'assistante médicale, et les trois autres, comme des clients qui attendent.
  • L'inférence des informations manquantes: la deuxième fonction du schéma est de permettre d'inférer des informations manquantes. Dans l'exemple précédent, on peut inférer que la pièce est la salle d'attente et que les illustrés sont probablement ceux qui sont mis à la disposition des clients.

L'utilisation d'analogies

La construction de la représentation se fait par analogie avec une situation connue. Il s'agit du transfert à un autre domaine des significations d'un domaine: on utilise les relations et les propriétés connues d'un domaine pour comprendre ce qui se passe dans un autre domaine.
Le recours à l'analogie peut être utilisé dans l'enseignement. En effet, pour faire acquérir le sens de la retenue dans la soustraction, on peut assimiler la retenue à un échange, avec ses deux faces, l'emprunt et la restitution, en faisant réaliser l'opération avec des cubes, des réglettes de dix cubes et des blocs de dix réglettes.
Mais l'analogie présente également des limites. En effet, dans la mesure où l'analogie est en général incomplète, son utilisation peut conduire à l'erreur, ce qui suscite une certaine méfiance à son égard. Elle reste cependant un mécanisme très puissant pour aborder de nouvelles situations. Son intérêt principal est de permettre d'engendrer des hypothèses dont le test délimite son domaine de validité. Par ailleurs, un moyen de correction très intéressant est l'utilisation d'analogies multiples: une seconde analogie est utilisée pour corriger les insuffisances de la première. Ainsi, on peut faire comprendre le concept de variable relativement à l'opération d'affectation dans un langage de programmation comme le basic, à partir de trois analogies :

  • L'analogie de la boîte comme contenant.
  • L'analogie de l'égalité en algèbre.
  • L'analogie de la mémoire pour conserver une information.

La construction d'un réseau de relations

Lorsque la situation décrite n'est assimilable à aucune des situations que l'on connaît, comprendre consiste à construire un réseau de relations au fur et à mesure de la lecture du texte. Les informations de base sont considérées comme étant les propositions. Certaines sont éliminées purement et simplement parce qu'elles ne sont pas connectées à d'autres informations du texte, d'autres sont remplacées par une proposition plus générale qui résume un ensemble de propositions. D'autres enfin sont construites pour exprimer les relations de haut niveau entre les informations du texte.
Dans le cas d'un récit, ce sont les relations de causalité entre les événements, les relations de buts à sous-buts entre les actions des personnages, qui constituent la superstructure qui donne son sens au récit et qui permet de dire qu'on l'a compris. Dans certains cas, plusieurs superstructures peuvent être construites, qui sont compatibles avec les informations fournies. C'est la caractéristique des romans policiers où l'interprétation que l'on est incité à construire tout d'abord n'est pas l'interprétation définitive et devra être remise en cause.


La construction d'un modèle de situation

On peut être amené dans certains cas à construire une interprétation de la situation. Cela consiste à se représenter très concrètement les lieux, les personnages ou les actions.
Concernant la compréhension de consignes, si on lit dans une recette « écraser dans un bol quatre cuillerées à soupe de beurre ramolli », il faut comprendre qu'on doit d'abord faire ramollir le beurre en le laissant un moment à la température de la pièce après l'avoir sorti du réfrigérateur, puis prendre un bol, ensuite prélever quatre cuillerées de beurre et enfin écraser le beurre dans le bol. Il faut donc ajouter beaucoup d'informations, qui doivent être inférées à partir des connaissances que l'on a sur la cuisine, pour déterminer la suite des actions à réaliser. Cette activité de production des inférences n'est faite automatiquement que si l'on a des connaissances spécialisées. On a montré que si l'on demande à des personnes n'ayant pas de pratique de la cuisine de mémoriser une recette dans laquelle certaines informations sont données de façon explicite (comme « faites ramollir quatre cuillerées de beurre en le mettant à la température de la pièce et écrasez-le ») ou implicite (« écrasez quatre cuillerées de beurre ramolli »), ils mentionnent nettement moins souvent dans une épreuve de rappel les actions formulées de manière implicite que celles qui sont explicitement décrites. En revanche, les individus expérimentés rappellent aussi fréquemment les actions implicites que les actions explicites. Cela signifie qu'à la différence des personnes expérimentées, les individus novices ne se représentent pas, au moment de la lecture, la façon de réaliser les actions exprimées seulement par leur résultat. Les personnes expérimentées ajoutent donc ce type d'information au moment de la lecture en inférant les modes de réalisation, mais cette programmation des actions est très automatisée, car le temps global de lecture est le même pour les deux catégories de sujets.
En ce qui concerne maintenant la lecture d'un récit, la représentation du détail des actions et de la topographie des lieux ne semble pas faite en général spontanément au moment de la lecture, sauf dans les cas où la compréhension de la suite du texte le requiert, comme c'est souvent le cas dans les énigmes policières. On a montré que, après l'écoute d'un passage d'une nouvelle de Conan Doyle, racontant comment Sherlock Holmes et le docteur Watson s'introduisaient la nuit dans la maison d'un maître chanteur pour récupérer des lettres compromettantes, les individus étaient pour la plupart incapables de dessiner le plan de la villa et le trajet effectué par les héros dans la villa pour se rendre dans la pièce où se trouvaient les documents. Pourtant à une seconde lecture, informés de la tâche qui les attendait, ils se sont révélés capables de fournir un plan relativement précis. Ces résultats montrent que la construction d'un modèle de situation est une tâche coûteuse du point de vue cognitif, qui n'est réalisée automatiquement que par des personnes très familières du domaine, et qui n'est mise en oeuvre que si elle est nécessaire à la réalisation de la tâche dans laquelle est intégrée la compréhension du texte.


Le raisonnement

Raisonner, c'est produire des inférences. Si l'on considère la nature des inférences qui sont faites, on peut distinguer deux classes de raisonnements:

  • Les raisonnements à visée épistémique: ils ont pour objectif de comprendre, d'apprendre, d'argumenter, d'établir la filiation d'événements. C'est le cas des raisonnements qui interviennent dans le diagnostic, la recherche de causes, l'identification de responsabilités. Ils consistent à générer des hypothèses, à tester la cohérence des interprétations, à déterminer les implications d'énoncés, à faire des généralisations.

  • Les raisonnements à visée pragmatique: ils ont pour objectif l'élaboration de décisions d'action. Plus précisément, ils consistent à définir les objectifs, à imaginer des plans d'action en vue de les réaliser et à programmer la suite des actions nécessaires à cette réalisation.

Si l'on compare le degré de généralité des conclusions par rapport à celui des prémisses, on peut distinguer deux formes de raisonnements:

  • Les raisonnements dont les conclusions sont plus générales que les prémisses: ils produisent des généralisations, les seconds des particularisations. Ils sont orientés plutôt vers la découverte de règles et de lois, vers la construction de connaissances.

  • Les raisonnements dont les conclusions sont plus spécifiques: ils produisent des particularisations. Ils sont utilisés dans la déduction et dans l'application de connaissances générales à des contenus particuliers.

Du point de vue de la validité, on peut distinguer les inférences proprement dites et les déductions:

  • Les déductions sont des inférences dont la validité est garantie par le fait qu'elles sont produites en suivant des règles bien précises qui sont celles définies par la logique.

  • Les inférences, au sens large, englobent les déductions, qui sont des inférences qui n'ajoutent pas d'information mais qui dégagent les implications des énoncés tenus pour vrais. Les inférences au sens strict ajoutent de l'information, que ce soit par généralisation, par remontée de la chaîne causale ou par spécification.

Par ailleurs, on s'est beaucoup préoccupé de la validité des raisonnements. En effet, c'est la base de la démonstration scientifique et de l'argumentation. Depuis l'Antiquité, l'effort des logiciens a été de définir des règles de déduction et de délimiter leur domaine de validité. Cet effort se poursuit aujourd'hui pour définir des règles valides dans d'autres domaines que celui de la logique classique, où il y a deux valeurs de vérité et où l'univers auquel s'applique le discours est considéré comme stable. La validité n'est pas nécessairement la qualité première d'un raisonnement. En effet, il arrive que dans certains cas on ne puisse plus rien déduire de valide des informations que l'on possède. Une autre qualité importante d'un raisonnement, c'est d'être productif, c'est-à-dire de permettre de former des hypothèses, d'orienter la recherche ou l'action vers des voies dont la validité n'est pas assurée mais qui ont de meilleures chances de rapprocher de la solution que de ne rien faire ou de faire n'importe quoi. C'est ainsi que se développent des logiques dites non monotones, dans lesquelles un énoncé déduit conformément aux règles peut être remis en cause par une information ou une déduction nouvelle.


Le raisonnement inductif

Une première catégorie de raisonnement est constituée par le raisonnement inductif. Celui-ci comporte deux types d'activités:

  • La formation et l'évaluation d'hypothèses: elles ont été étudiées principalement à partir de situations qui consistent à identifier une règle de classification. Les stimulus sont construits à partir d'un certain nombre d'attributs (la taille, la forme, la couleur, etc...) qui en général ont chacun deux valeurs possibles (grand ou petit, carré ou rond, etc.). Pour chaque attribut, le stimulus a une valeur (grand, rond, bleu, etc.).
    L'expérimentateur définit une règle de classification. Celle-ci est en général unidimensionnelle, c'est-à-dire qu'elle appartiennent à la classe les objets ayant une valeur donnée d'un attribut donné, par exemple les ronds ou les bleus. Dans la procédure courante, on montre un stimulus à chaque essai, et on indique au sujet si l'objet appartient ou non à la classe. Le sujet doit identifier la classe qui est telle que tous les objets qui ont la valeur correspondant à cette classe sont accompagnés de l'information OUI et que tous les objets qui n'ont pas cette valeur sont accompagnés de l'information NON.
    Les résultats montrent qu'un facteur très important dans la réussite de cette tâche est le fait que l'information soit positive ou négative. Les contre-exemples (information NON) apportent logiquement autant d'information que les exemples. Si un stimulus est jaune et si l'information est NON, bleu est une hypothèse compatible avec cette information si bleu est l'autre valeur possible de la couleur. On peut faire la même inférence si le stimulus est bleu et si l'information est OUI. En fait, dès 6-7 ans, les enfants rejettent pratiquement toujours une hypothèse incompatible avec l'information présentée quand celle-ci est positive (par exemple, l'hypothèse bleu, si le stimulus est jaune et si l'on a OUI). En revanche, jusqu'à 10 ans, ils conservent fréquemment une hypothèse infirmée par une information négative (par exemple, l'hypothèse jaune, si le stimulus est jaune et si l'information est NON).
    La raison est vraisemblablement que les jeunes enfants ne savent pas former une hypothèse à partir d'une information négative, alors qu'ils savent le faire à partir d'une information positive. Le premier essai du problème peut servir à étudier la difficulté de former une hypothèse, puisque au départ du problème il n'y a pas d'hypothèse privilégiée. Dans le cas où le stimulus est un exemple de la classe, les enfants, dès 6-7 ans, adoptent pratiquement toujours une hypothèse compatible avec l'information qui leur a été fournie. Il n'en va pas de même lorsque l'information est négative. En effet, avant 10 ans, ils choisissent une hypothèse compatible avec l'information fournie dans les deux tiers des cas seulement. Il n'y a donc pas symétrie entre le traitement de l'exemple et celui du contre-exemple. Jusqu'à 10 ans, l'exemple est privilégié pour former une hypothèse et pour reconnaître qu'elle est invalide. Chez l'adulte, il n'y a pas de différence au niveau de la réussite, mais cette asymétrie se marque par des temps de réponse plus longs quand il s'agit de traiter de l'information négative. Il faut dans ce cas en effet raisonner sur le complément. Ainsi, à partir du constat que l'objet est jaune par exemple et que l'information est NON, il faut inférer que la valeur complémentaire de jaune pour la couleur est bleu et que bleu est une hypothèse plausible puisque jaune est exclu.
  • La recherche d'information pour tester des hypothèses: dans le raisonnement inductif, il ne s'agit pas seulement de former et d'évaluer des hypothèses à partir de l'information que l'on reçoit, il faut également rechercher l'information utile pour tester la validité d'une hypothèse. Cela correspond aux situations d'expérimentation. Avant l'apparition de stratégies systématiques, telles que faire varier un attribut en maintenant les autres constants, une stratégie plus primitive a été mise en évidence chez les enfants pour les situations simples, mais aussi chez les adultes dans les situations complexes. Cette stratégie consiste à rechercher une situation telle que, si l'hypothèse que l'on cherche à tester est correcte, elle soit confirmée par une information positive plutôt que par une information négative. Par exemple, pour tester si bleu est l'hypothèse correcte, les enfants de fin d'école élémentaire choisissent dans la plupart des cas un objet bleu plutôt qu'un objet jaune.

Ces résultats corroborent l'idée que l'exemple apparaît plus convaincant que le contre-exemple et relèvent de la même interprétation que celle invoquée pour expliquer la plus grande facilité de traitement de l'information positive. Chercher, en vue de vérifier une hypothèse, une situation où la modalité correspondant à l'hypothèse est présente, revient à rechercher des cas où, si l'hypothèse est vraie, elle puisse être confirmée positivement, c'est-à-dire par un cas qui est un exemple de la classe. Cela explique le phénomène que l'on a décrit sous le nom de biais de confirmation. Il consiste à rechercher des situations où, si l'hypothèse que l'on cherche à vérifier est vraie, elle soit confirmée par une information positive. L'alternative serait de rechercher des situations telles que l'hypothèse, si elle est vraie, soit confirmée par une information négative. Cette façon de faire peut conduire à des illusions de confirmation: on maintient une hypothèse qui est en fait inexacte, bien qu'ayant reçu beaucoup de confirmations positives.


La déduction

Une deuxième catégorie de raisonnement est la déduction, dont le prototype est le syllogisme. Les syllogismes qui ont été le plus étudiés sont les syllogismes conditionnels, fondés sur la relation d'implication, et les syllogismes catégoriques, fondés sur la relation d'inclusion.
Toutes les études ont montré que les sujets, y compris les adultes de niveau universitaire, font beaucoup d'erreurs lorsqu'on leur demande de faire des déductions sur des énoncés arbitraires qui n'ont pas de contenu référentiel et qui de ce fait ne peuvent être rattachés à un domaine de l'expérience. En revanche, quand les énoncés se réfèrent à des situations dont les individus ont une expérience directe ou qui peuvent être rattachées à des situations connues, les performances sont nettement meilleures. Cela montre que les personnes non spécialistes de logique manient très peu de règles de déduction au niveau purement formel, c'est-à-dire en l'absence de tout contenu. En revanche, elles possèdent des schémas pragmatiques de raisonnement, applicables à des classes bien délimitées de situations. Ainsi, ce sont ces schémas qui guident leurs déductions, plutôt que des règles générales de déduction du type de celles que l'on enseigne en logique.
Un exemple typique de la difficulté de manipulation des règles formelles de déduction est le raisonnement par exclusion. Il consiste à conclure à la vérité d'un énoncé en démontrant la fausseté de toutes les autres alternatives possibles. De nombreux casse-tête logiques reposent sur ce type de raisonnement. Il y a beaucoup de difficulté à comprendre et à admettre des preuves qui consistent à démontrer une proposition en montrant que sa négation conduit à des contradictions. C'est, par exemple, le cas du raisonnement par l'absurde abondamment utilisé en mathématiques et très mal compris par les élèves.


L'acquisition des connaissances

Il y a deux principales formes d'acquisition des connaissances:

  • L'apprentissage par la découverte à partir de situations d'exploration et de résolution de problèmes: les connaissances sont construites progressivement à partir du contexte particulier de la tâche : ce sont donc des connaissances spécifiques et qui sont organisées non pas à partir d'une logique interne, mais à partir des problèmes rencontrés. Ce sont par là des connaissances orientées vers l'utilisation et la mise en oeuvre dans des contextes spécifiques.

  • L'apprentissage par l'instruction: les connaissances sont présentées de façon générale et sont organisées à partir d'une logique propre qui est celle de la cohérence entre les informations et de l'intégration aux connaissances déjà possédées.

En outre, il y a deux dimensions qui distinguent l'apprentissage par la découverte et l'apprentissage par l'instruction:

  • La dimension particulier-général: elle concerne le choix du degré de généralité auquel exposer les concepts et les relations. Un haut degré de généralité présente l'avantage d'être économique et de rattacher plus facilement les connaissances à faire acquérir aux connaissances existantes. Mais il faut que celui qui apprend soit capable de produire spontanément une représentation concrète des énoncés généraux pour être à même de comprendre. Les exemples tentent de remédier à cette difficulté dans la mesure où ils particularisent l'énoncé. Toutefois un exposé général, accompagné ou non d'exemples, suit le plus souvent une logique qui est celle de l'organisation interne des connaissances.

  • La dimension logique interne d'organisation-logique d'utilisation: les exemples ne sont que des illustrations. Ce ne sont pas des applications des connaissances à la résolution de problèmes spécifiques.

La difficulté d'un apprentissage par l'instruction est que les connaissances semblent mémorisées mais ne sont pas mises en oeuvre dans les contextes où elles seraient utiles. On a souvent fait la remarque que les élèves n'utilisent pas les connaissances abstraites qu'ils possèdent. Cela est imputé au fait qu'elles ne sont pas assimilées. La difficulté est en réalité de transformer en procédures applicables à des problèmes concrets des connaissances qui sont organisées en mémoire selon une logique de cohérence interne et non en fonction des types de problèmes qu'elles peuvent permettre de résoudre.
La démarche inverse est réalisée dans l'apprentissage par l'action et la découverte. On cherche la solution de problèmes spécifiques et, à partir de là, on construit par des procédures inductives, des connaissances sur la situation qui sont structurées par les problèmes à résoudre. De ces connaissances, on peut déduire des procédures plus générales, valables pour des classes de situations, et à partir de l'analyse de ces procédures peuvent être construites des propriétés relationnelles de ces situations. Celles-ci permettent de déduire les procédures et par là expliquent leur bien-fondé. Le savoir procédural est construit d'abord, le savoir relationnel ensuite. L'efficacité des acquisitions de connaissances réside dans la combinaison judicieuse de ces deux modes d'apprentissage.
Pour ces deux formes d'apprentissage, deux facteurs sont essentiels:

  • Le rattachement aux connaissances antérieures.
  • La nécessité des élaborations, c'est-à-dire de la production d'inférences pour former des hypothèses à partir des observations ou pour établir des relations entre les différentes informations du texte.

Il y a beaucoup de différences entre les sujets concernant la production spontanée d'inférences soit dans la compréhension de textes, soit dans l'analyse des résultats de l'action. On a montré que des incitations à la production d'inférences améliorent les acquisitions, surtout chez les sujets de niveau plus faible.


L'élaboration des décisions

Les décisions se placent à deux niveaux:

  • Le choix des objectifs et des tâches à réaliser, en fonction des valeurs, des motivations et des situations.
  • Le choix des actions à effectuer, en fonction de la tâche choisie. Ici, l'élaboration des décisions d'action est analysée pour le choix des objectifs.


Les tâches d'exécution ou de résolution de problème mettent en jeu beaucoup de raisonnements qui sont à visée pragmatique, mais qui relèvent des mêmes processus que ceux décrits précédemment. Dans ces tâches, on ne demande pas explicitement de faire des inférences ou des déductions, mais la réalisation de la tâche exige ce genre d'activité. Ces raisonnements interviennent tant dans la compréhension de la situation que dans l'élaboration des décisions d'action. La compréhension de la situation est un élément fondamental de l'activité de résolution de problème. Cela est vrai tant des problèmes de type casse-tête que des problèmes qui se rencontrent dans la vie professionnelle, notamment la détection et la réparation de pannes, le diagnostic et la récupération d'incidents de fonctionnement dans les systèmes.
Les inférences qui interviennent dans la compréhension sont celles qui sont à l'oeuvre dans les raisonnements à visée épistémique. Il s'agit de la formation d'hypothèses à partir de la connaissance des relations causales, de l'évaluation des hypothèses à partir des observations qui sont faites sans qu'elles soient provoquées, de la recherche de situations adéquates pour tester les hypothèses, de la vérification de la cohérence de l'interprétation par rapport à l'ensemble des éléments d'information disponibles.
Les raisonnements qui interviennent dans l'élaboration des décisions d'action relèvent de la planification de l'action. La planification se situe à deux niveaux:

  • Un niveau général et schématique: il concerne l'organisation générale de la tâche, le découpage en sous-buts et l'ordonnancement des sous-buts (à ce niveau ne sont pas considérés les détails de l'exécution).

  • Le niveau de la réalisation des sous-buts: il concerne spécifiquement l'exécution. Il consiste à déduire les actions à réaliser à partir des procédures disponibles, à réaliser un ordonnancement des actions qui soit compatible avec les contraintes définies dans la procédure et avec d'autres contraintes d'optimalité qui sont introduites au moment de l'exécution, telles que le regroupement des actions qui ont des prérequis communs ou qui minimisent les déplacements.

La planification peut se faire par une démarche régressive qui part du but et essaie de définir des étapes intermédiaires permettant d'atteindre le but. Elle peut se faire aussi de façon prospective. Dans ce cas, le plan est construit à partir de l'examen de ce que l'on peut faire dans la situation pour se rapprocher du but et en anticipant les effets des actions. Quand un premier plan a été construit, il est mis en oeuvre et il est réaménagé par corrections successives à partir des informations obtenues au cours de sa mise en oeuvre.
Il y a souvent des va-et-vient entre la démarche descendante et la démarche ascendante. En effet, un plan général est ébauché à un niveau schématique et sa mise en oeuvre fait apparaître des contraintes qui n'avaient pas été prises en compte au niveau général où il avait été élaboré. On a appelé planification opportuniste cette démarche qui se caractérise par des allers et retours constants entre différents niveaux d'abstraction. Le choix d'un bon niveau d'abstraction est affaire de compromis et d'ajustement. Il n'est pas judicieux de considérer d'emblée le détail de l'exécution, car l'élaboration du plan est extrêmement lourde et coûteuse et la considération de plans alternatifs pratiquement impossible. Par contre, si l'on se place à un niveau trop abstrait, on néglige trop de contraintes d'exécution, de sorte qu'on est souvent amené à repenser complètement l'organisation du plan. Le choix du bon niveau est crucial et demande un haut niveau d'expertise.

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