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Le rôle de l'écorce cérébrale en général - Partie 2

Revue de psychiatrie : médecine mentale, neurologie, psychologie

En 1899, par Soury J.

Dans l'espèce de vaste gouffre qui sépare des Reptiles les Prototheria, les hémisphères de l’ornithorynque présentent maints traits d'une ressemblance étroite avec les reptiles, permettant d'entrevoir un certain nombre de caractères de transition. L'énorme développement des nerfs de la cinquième paire frappe tout d'abord chez les monotrèmes, nerfs reliés périphériquement avec de nombreux organes des sens spécialisés, déjà décrits par Wilson et P. Martin. Les proportions considérables du noyau sensitif du trijumeau entraînent l'apparition d'un renflement énorme de la face ventrale du pont et de la moelle. La substantia gelatinosa de Rolando est aussi extraordinairement développée dans la moelle cervicale et dans le reste de ce centre nerveux. Et ce fait explique à Smith la grosseur du faisceau qui se termine dans le thalamus opticus du côté opposé, ainsi que les grandes dimensions de ce ganglion, « dont l'extension latérale réduit le corpus striatum en arrière à une simple couche de substance grise ».

Le bulbe olfactif consiste en une petite masse grise ellipsoïde située en avant des hémisphères qui le recouvrent en partie. La morphologie générale du bulbe est, chez l'Ornithorhynque, semblable à celles des reptiles, celle de l'Echidné ressemble à celle des mammifères. Sur le trajet du pédoncule olfactif se trouve un tubercule de substance grise, le tuberculum olfactorium, puis, en arrière, s'étend le gyrus piriformis dont l'extrémité se termine en se tournant en haut sur la paroi interne de l'hémisphère, derrière l'hippocampe : le lobe piriforme est donc limité en avant par la scissure de l'hippocampe, en arrière par la fissura rhinalis (c'est la partie du lobe piriforme qui est l'homologue du gyrus hippocampi (uncinatus)), latéralement par la fissura ectorhinalis qui le sépare du pallium. Entre le tuberculum olfactorium et le lobe piriforme est une « area depressa », à la base du cerveau, qui correspond à l'espace perforé antérieur. Chez l'Echidné et dans tous les autres mammifères, l'area depressa est en continuité directe avec le lobe piriforme derrière La fissura endorhinalis.

L'« aire précommissurale » varie de développement avec l'appareil olfactif : cette aire forme une sorte de station de branchement entre le bulbe olfactif et l'hippocampe.

L'extrême développement du thalamus réduit, on l'a dit, le corps strié à une étroite bande grise qui se continue en avant avec le lobe piriforme par l'intermédiaire du nucleus amygdalae. Le corps strié est divisé en noyaux caudé et lenticulaire par une capsule interne qui est tout à fait rudimentaire chez l'ornithorhynque et l'échidné, tandis que les marsupiaux,avec un pallium beaucoup moins développé, possèdent des capsules internes plus larges et mieux développées, fait significatif sur lequel Elliot Smith a appelé l'nttention, car il offre un caractère de transition entre le système pédonculaire des reptiles et la capsule interne des mammifères supérieurs.

Après le proto-neurone olfactif qui, de la muqueuse olfactive, va se terminer dans les glomérules olfactifs du bulbe olfactif, Smith énumère trois racines ou « tractus » dont les fibres issues des cellules mitrales du bulbe olfactif, et formant les « radiations olfactives » d'Edinger, s'arborisent ainsi en arrière : 1° le tractus latéral dans la couche moléculaire du lobe piriforme ; 2° le tractus interne sur la paroi interne des hémisphères, dans l'aire précommissurale; 3° le tractus intermédiaire dans la couche superficielle du cortex du turberculum olfactorium.

Les fibres issues de toute l'étendue du pallium, du lobe piriforme et du nucleus amygdalæ, des pédoncules olfactifs et du tuberculum olfactorium se rassemblent sous forme d'une large voie nerveuse qui passe par le corps strié pour traverser la ligne médiane et constituer la commissura ventralis. Les fibres issues du reste des hémisphères — hippocampe et aire précommissurale — forment la commissura dorsalis. La disposition des fibres de cette commissure est un peu mieux ordonnée chez l'échidné que chez l'ornithorhynque au point d'entre-croisement sur la ligne médiane.

Chez tous les vertébrés, à l'exception peut-être des Acrâniens et des Cyclostomes, le monde a toujours été représenté dans la conscience par les mêmes qualités idéales d'étendue, de clarté ou d'obscurité, d'odeur et de saveur, peut-être de son : seules, certaines de ces qualités l'ont tantôt emporté sur d'autres en force et en éclat, tantôt ont fléchi et rétrocédé, laissant passer l'empire à de mieux adaptées aux conditions anciennes ou nouvelles d'existence dans les eaux, sur la terre ou dans l'air. Il ne s'agissait toujours, par l'effet de l'adaptation, de la sélection et de la concurrence des êtres vivants, que de différenciations organiques, de compensations fonctionnelles, de division du travail physiologique d'un organe, l'encéphale, qui tantôt a conçu le monde sous la catégorie des images mentales de l'olfaction, plus tard, sous celle de la vision, puis de l'audition, ou sous toutes ces catégories à la fois, mais toujours à des degrés divers, selon que telle ou telle espèce de sensations, de perceptions et d'images, et partant d'organes correspondants du système nerveux, a tour à tour prédominé et conquis une hégémonie passagère.

Avant toute démonstration physiologique de l'existence, sur l'écorce du cerveau, de localisations fonctionnelles, l'anatomie comparée suffisait déjà seule, Broca et Meynert l'ont bien fait voir, pour établir la diversité, l'hétérogénéité, je ne dis pas seulement des principaux organes de l'encéphale, mais des différentes provinces de sensibilité générale ou spéciale constituant le manteau des hémisphères. Meynert signale trois faits des plus significatifs : 1° les différences considérables de volume que présente le lobe olfactif dans la série des vertébrés, depuis les poissons et les mammifères terrestres dont les principales fonctions de la vie de relation dépendent de l'olfaction, jusqu'aux oiseaux, aux carnassiers amphibies, aux singes et à l'homme, chez lesquels cet organe a dégénéré au point de disparaître chez les cétacés ; 2° les différences correspondantes existant dans le développement relatif des circonvolutions en rapport avec cette fonction, chez l'homme et chez les animaux osmatiques (gyrus fornicatus ou lobe du corps calleux, circonvolutions de l'hippocampe, formation de la corne d'Ammon) ; 3° le développement tout à fait prépondérant, chez l'homme, entre tous les territoires du manteau, des régions d'enceinte de la fosse de Sylvius et du fond de cette scissure, où se trouve l'insula, régions en rapport avec la faculté du langage articulé.

Les diverses régions de l'écorce du cerveau des mammifères atteignent donc un développement différent, et, après Meynert et Broca, Edinger a opposé le territoire olfactif des animaux macrosmatiques à celui des cétacés, des singes et de l'homme.

Et pourtant, quoiqu'ils ne possèdent encore qu'un bulbe et une lobe olfactif sans écorce cérébrale, les Poissons osseux ne laissent pas de percevoir les odeurs, et tout pisciculteur sait que, après le sens de la vue, dont ils se servent surtout, ces vertébrés sont très souvent guidés dans leurs actions par le sens de l'odorat. Quand, chez les amphibiens et surtout les reptiles apparaît une nouvelle formation, l'écorce du manteau cérébral, cette écorce n'est presque uniquement en rapport qu'avec le lobe olfactif, et l'on sait le développement énorme qu'a pris l'écorce olfactive chez les mammifères macrosmatiques. On connaît, d'autre part, l'involution régressive de cette même écorce chez les mammifères aquatiques (dauphins, baleines), chez les singes et chez l'homme, évolutions et involutions corticales strictement parallèles à celle du bulbe, du nerf et du lobe olfactif. Quelle peut être la nature des sensations et des perceptions olfactives chez les poissons ? S'ils reconnaissent les odeurs, s'ils possèdent une mémoire olfactive, ils doivent avoir des représentations de cette nature, et des images olfactives doivent entrer pour une part prédominante dans les processus d'association qui sont, chez les poissons comme chez l'homme, toute l'intelligence. Malheureusement, à part quelques observations bien faites, telles que celles de Möbius, il n'existe pas plus d'expériences méthodiques sur ce sujet chez les poissons que chez les reptiles, qui d'ailleurs offrent déjà des conditions anatomiques de la vie mentale bien supérieures, puisqu'ils possèdent une véritable écorce cérébrale.


Relations de l'écorce cérébrale avec les ganglions cérébraux cher les vertébrés inférieurs.

En dehors même des points spéciaux de physiologie des fonctions sensitives et sensorielles du manteau cérébral, quel est, considéré dans l'ensemble de ses fonctions, le rôle de l'écorce du cerveau ? C'est un second problème non moins vaste assurément que le premier. « Je crois que les faits que nous enseigne l'anatomie comparée du cerveau antérieur, a écrit Edinger, sont bien propres à jeter de la lumière sur le rôle de l'écorce cérébrale et à nous donner la raison de la contradiction, si souvent admise, entre les résultats de l'excitation et ceux des extirpations totales de l'écorce. Une grande classe d'animaux — les Poissons osseux — manque complètement d'écorce cérébrale et des faisceaux de projection qui en descendent. Chez ces vertébrés, le cerveau commence, sit venia verbo, par le ganglion de la base, le corps strié. Les ganglions du thalamus sont relativement petits, et ce n'est qu'à partir du cerveau moyen qu'on trouve des cellules et des faisceaux de fibres considérables. » Rabl-Rückhard, au cours de ses belles recherches embryologiques, a montré que les lobes antérieurs des poissons osseux (téléostéens) sont uniquement représentés par les ganglions de la base (corps striés) du cerveau antérieur.

Le manteau, ou pallium, c'est-à-dire la substance grise et blanche de l'écorce du cerveau antérieur ou télencéphale des vertébrés, n'est représenté, chez les Poissons osseux, que par une mince couche de cellules épithéliales étendue comme une voûte au-dessus d'une cavité encéphalique et formant le toit de cette cavité, ou ventricule du cerveau antérieur des poissons osseux, correspondant aux deux ventricules latéraux du cerveau des mammifères. Une commissure transversale ou interlobaire relie entre eux les lobes antérieurs. A chaque lobe antérieur aboutissent, en avant, les fibres du nerf olfactif. Les cellules épithéliales constituant la voûte du cerveau antérieur des poissons osseux sont de véritables cellules épendymaires, semblables à celles des cavités médullaires et encéphaliques des oiseaux et des mammifères, cellules longues, dont le prolongement nucléé est au voisinage immédiat de la cavité ventriculaire, le prolongement périphérique à la surface périphérique du cerveau ou du centre nerveux, s'il existe ; ces cellules occupent donc tout l'espace intermédiaire (Ramon y Cajai, Van Gehuschten, etc.). Les lobes antérieurs du cerveau des poissons osseux sont les ganglions d'origine du faisceau basal du cerveau antérieur (Edinger) ou pédoncule cérébral. D'après Van Gehuschten, le faisceau basal d'Edinger est formé essentiellement non d'une, mais de deux espèces de fibres nerveuses : 1° fibres descendantes à conduction centrifuge, motrices, qui, des lobes antérieurs de ces cerveaux, vont se terminer dans une région inférieure de l'axe cérébro-spinal ; 2* fibres ascendantes à conduction centripète, sensitives, qui s'arborisent dans les lobes antérieurs, et dont les cellules d'origine doivent se trouver dans des centres nerveux inférieurs. Van Gehuschten peut ainsi considérer ce faisceau basal comme formé à la fois de faisceaux sensitifs et moteurs, et rapprocher ceux-ci du faisceau sensitif et des voies des pyramides des vertébrés supérieurs. La commissure interlobaire du cerveau antérieur de ces poissons serait formée par l'entrecroisement partiel d'une grande partie des fibres centrales de ce faisceau sensitif (Van Gehuschten), non par des fibres commissurales analogues à celles du corps calleux et de la commissurale antérieure du cerveau des mammifères, lesquelles ont leurs cellules d'origine dans un lobe et se terminent dans l'autre. Ici une partie des fibres du faisceau sensitif se termine par des arborisations libres dans le lobe correspondant, une autre dans le lobe opposé en passant par la commissure interlobaire.

Mais les prolongements cylindraxiles des cellules nerveuses des lobes antérieurs ne passent point par cette commissure. La commissure, interlobaire du cerveau antérieur des poissons osseux, commissure double, paraît donc être constituée par un entrecroisement partiel des fibres sensitives centrales. Van Gehuschten a pu suivre jusqu'à une certaine distance les fibres du pédoncule cérébral ou faisceau basal du cerveau antérieur des Téléostéens. Les fibres centrifuges motrices de ce faisceau ont bien leurs cellules d'origine, nous le répétons, dans les lobes antérieurs, dont ces neurones forment la matière principale, surtout dans les régions voisines de la paroi ventriculaire. Une fois descendus dans le faisceau basal, ces fibres se dirigent en arrière et se terminent, pour une partie d'entre elles au moins, dans l'infundibulum ; on ignore encore où s'arborisent les autres fibres centrifuges du faisceau basal. Quant aux fibres centripètes, ascendantes, sentives, de ce faisceau, dont les ramifications cylindraxiles se terminent librement dans les prolongements protoplasmiques des cellules motrices des lobes antérieurs, un grand nombre d'entre elles représentent les prolongements cellulifuges de neurones situés dans la partie antérieure de l'infundibulum : « Ces cellules d'origine ont conservé, tout comme les cellules épendymaires, leur rapport avec la cavité centrale. Ce sont des cellules bipolaires dont un des prolongements, court et irrégulier, se termine à la surface libre de la cavité ventriculaire, tandis que l'autre prolongement, après avoir émis quelques branches collatérales, se terminant dans le voisinage de la cellule, se continue directement avec le prolongement cylindraxile. Celui-ci pénètre donc dans le faisceau basal pour aller se terminer entre les cellules constitutives des lobes antérieurs du cerveau. »

A propos de l'étude de ce faisceau des poissons osseux, Van Gehuschten a fait une remarque d'une très grande portée générale : « Les fibres ascendantes ou sensitives du faisceau basal viennent se terminer dans le voisinage immédiat des cellules motrices des lobes antérieurs, de telle sorte qu'entre les branches terminales des fibres sensitives et les cellules d'origine des fibres motrices le contact est immédiat, sans interposition d'un troisième élément nerveux. Cette disposition est absolument identique à celle que l'on observe chez les mammifères et chez l'homme, au moins dans certaines régions de l'axe nerveux : telle la substance grise de la moelle, où les collatérales sensitivo-motrices des fibres du cordon postérieur viennent en contact avec les cellules radiculaires ; telles les éminences antérieures des tubercules quadrijumeaux, où les fibres optiques et les fibres acoustiques se terminent dans le voisinage des cellules d'origine du faisceau réflexe de Held ; telle encore la couche corticale grise de la zone motrice du cerveau où, d'après Flechsig et Hösel, les fibres sensitives viennent se mettre en contact avec les cellules d'origine des fibres de la voie pyramidale. » La partie interne de chaque lobe antérieur du cerveau des Téléostéens, correspondant aux deux tiers de l'épaisseur et limitant la cavité ventriculaire, est exclusivement formée de cellules épendymaires et de cellules nerveuses multipolaires à vastes prolongements protoplasmiques; la partie externe, d'apparence plus claire sur les coupes, est constituée par des cellules nerveuses éparses entre les faisceaux de fibres ascendantes du pédoncule cérébral. Les prolongements cylindraxiles des cellules nerveuses des lobes antérieurs, fibres constitutives de la voie centrifuge du faisceau basal, sortent soit des corps cellulaires, soit des prolongements protoplasmiques de ces neurones. Sans nier qu'il en existe dans les lobes antérieurs du cerveau de ces vertébrés, sur les coupes d'une quarantaine de lobes traités par la méthode de Golgi, Van Gehuschten n'a jamais rencontré ces cellules nerveuses à cylindraxe court, ou cellules de Golgi, signalées par Bellongi dans ces mêmes régions, et qui, sous le nom de cellules d'association, prennent une part si grande, selon Von Monakow, comme d'après Flechsig, aux fonctions supérieures de l'innervation centrale, c'est-à-dire de l'intelligence.

Le corps strié de l'encéphale des mammifères, l'homologue du ganglion basal des vertébrés inférieurs, et dont le développement est encore considérable, demeure l'une des parties les plus énigmatiques du cerveau antérieur. Dans son étude sur le système nerveux des téléostéens, Van Gehuschten avait montré (1893) que, chez la truite, le faisceau basal est formé de fibres descendantes ou motrices et de fibres ascendantes ou sensitives. Les fibres motrices ont leurs cellules d'origine dans le ganglion basal et se terminent en partie dans la région de l'infundibulum. Les fibres sensitives s'arborisent dans le ganglion basal, où elles entrent en connexion avec les dendrites des cellules d'origine des fibres descendantes ; une partie de ces fibres ascendantes passe par la commissure antérieure pour se terminer entre les cellules constitutives du ganglion basal du côté opposé. Edinger avait également trouvé, dans le cerveau antérieur, des reptiles, que des fibrilles nerveuses, ramifications ultimes des fibres ascendantes ou sensitives, s'entrelacent, dans le ganglion basal, aux prolongements protoplasmiques des cellules multipolaires dont les axones constituent les cylindraxes des fibres descendantes du faisceau basal. Mais ce savant n'avait pas pu poursuivre assez loin les prolongements nerveux de ces cellules pour découvrir leur destination. Chez les batraciens, où la structure et les connexions du ganglion basal sont encore moins bien connues, toutes les fibres du faisceau basal se termineraient, selon Edinger, dans les ganglions du thalamus et du métathalamus : il existerait un faisceau strio-thalamique dont les fibres relieraient le télencéphale au diencéphale ; le télencéphale des batraciens serait dépourvu de toute connexion directe avec les parties inférieures du névraxe.


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