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Mécanique des émotions - Partie 3

Revue de psychiatrie : médecine mentale, neurologie, psychologie

En 1901, par Sergi G.

De l'analyse de ces deux émotions, il résulte évidemment ce fait que la cause déterminante est, comme pour la douleur, un excès d'excitation; la différence entre ces deux faits consiste principalement en ceci que l'intensité de cet excès d'excitation est étroitement relatif aux conditions organiques du patient. Ces conditions, du reste, sont très variables par suite des influences héréditaires et individuelles, générales et spéciales, à différentes époques et à différents moments; l'habitude et l'éducation d'une part, l'état de nutrition du patient de l'autre, ont une large influence: je parlerai plus particulièrement de cela plus loin.

Ici, le lecteur a droit de faire une objection relativement à la mécanique des deux émotions et aux lois dont je les ai fait dépendre, c'est-à-dire à l'inertie et à la réaction: l'inertie et la réaction n'agissent-elles pas ensemble? dira-t-on. Ne se succèdent-elles pas dans les phénomènes du mouvement, de telle sorte que, à la force qui agit sur un corps en repos succède une réaction à la dite force? L'exemple de l'émotion de peur a montré seulement que l'inertie organique a été violemment secouée et qu'aucune réaction n'en est sortie; il est arrivé ce qui peut arriver à un corps heurté par un autre de beaucoup plus grand et qui est écrasé par l'excès d'énergie, de vitesse, et par la secousse; la forme paralytique de la terreur implique une absence de réaction comme dans ce dernier cas, je dis par conséquent que le phénomène a été produit par l'inertie violemment troublée. Dans le cas de la colère, le phénomène est phénomène de réaction, l'inertie a été vaincue par le choc correspondant à l'excès d'excitation et provoquant les phénomènes de résistance.

On peut avoir, par les excitations qui frappent l'inertie des états psychiques, des émotions agréables, surtout si ces excitations sont d'intensité modérée ou si elles assument successivement une intensité graduelle, de telle sorte que le passage de l'état antérieur à l'état qui succède ne soient point trop brusque ni violent. Si les excitations sont intenses, même si elles ont un caractère propre à les rendre agréables, elles peuvent produire des effets analogues et quelquefois égaux aux excitations douloureuses, et produire même la mort par arrêt du cœur. On sait, en effet, que la nouvelle imprévue d'un bien acquis et que l'on croyait perdu, a pu produire la mort subite ou bien un trouble mental semblable à celui qui peut se produire par douleur violente. Je me souviens d'un tonnelier qui fit un petit héritage d'un de ses parents: cela le troubla tant qu'il devint mélancolique et finit par se suicider en s'ouvrant la gorge au moyen d'un grand couteau qui servait à couper le bois des tonneaux.

Les excitations modérées ne produisent qu'une modification modérée de l’état du cœur, accélérant les battements, augmentant la circulation, dilatant aussi les vaisseaux superficiels modérément, et donnant de la vivacité à l'individu: le sentiment qui est la conséquence de l'ensemble de ces excitations suscitées par modification subite et rendues conscientes, est une émotion agréable et correspond à un changement organique par inertie. Beaucoup de ces émotions durent pendant quelques heures ou quelques jours par le simple fait de sortir de la vie habituelle. A l'enfant qui va à l'école tous les jours, un jour de congé, surtout s'il est annoncé lorsqu'il ne l'attendait point, donne une sensation agréable; une marche en campagne, une promenade nouvelle, la vue imprévue d'un paysage, une nouveauté de quelque genre que ce soit, provoquent des émotions agréables du même ordre, heurtent l'inertie des états psychiques en changeant les états organiques.

La réaction agréable provient alors de ce qu'il y a opposition entre les états antérieurs et postérieurs; cela se produit aussi lorsque les excitations augmentent en nombre et en intensité. Le passage de l'état douloureux plus ou moins grave au nouvel état provoqué est agréable lorsqu'il y a disparition temporaire ou permanente du premier: le second état se présente comme une réaction au premier. Le péril, proche ou lointain, qui nous trouble, donne une émotion douloureuse, l'éloignement de ce péril produit une réaction organique et, par conséquent, un sentiment analogue à ces effets organiques, c'est-à-dire un sentiment agréable. Ce sentiment peut-être très énergique, au point de se manifester extérieurement par des mouvements exagérés, provoqués par les ondes sanguines dans les vaisseaux périphériques dilatés, par la tension musculaire, par les contractions caractéristiques des muscles de la face, par l'aspect bien connu des yeux, etc. On a des effets de ce genre s'il y a une augmentation d'excitations, car, alors, tous les éléments de la vie organique sont comme dans un état d'érection qui donne un sentiment général complexe qui atteint son plus haut degré dans un sentiment agréable: la joie.

Comme dans la douleur, dans le plaisir émotionnel les excitations peuvent être des sensations qui se transforment en perception, c'est-à-dire en formes intellectuelles, et celles-ci, par ces associations psycho-organiques qui ont formé les centres émotionnels instinctifs ou organismes psychiques, excitent dans le centre émotionnel commun, dans le bulbe, ces centres particuliers qui règlent le cœur, la respiration, les vaisseaux, les sécrétions; selon l'intensité les excitations se diffusent dans différents centres voisins ou demeurent restreintes et limitées, produisant ainsi une plus ou moins grande quantité de changements organiques: ces changements, rendus conscients par les voies centrifuges se dévoilent dans les formes émotionnelles décrites.

On trouve donc aussi dans les émotions agréables ce que l'on a trouvé dans la cessation de la douleur physique, cessation d'états ou d'oscillations cérébrales douloureuses.

Nous avons vu que la périodicité était, comme dans les états physiques, une autre condition de la production des sentiments agréables ou douloureux. En effet, de même que l'on trouve des excitations périodiques de caractère physique pour des besoins physiques, de nutrition, de reproduction, sexuels, de mouvement, d'autres besoins acquis, de même il y a des excitations périodiques de caractère psychique, cérébraux ou centraux: beaucoup sont, nous le verrons, des besoins intellectuels ou esthétiques, beaucoup d'autres sont des habitudes acquises d'actions, de plaisir, et ainsi de suite. Dans ces conditions, leur satisfaction produit le plaisir, leur privation, la douleur. Revoir des amis à des époques déterminées et passer des heures agréables avec eux, c'est avoir des émotions agréables périodiques; l'empêchement de continuer de semblables actes produit une douleur plus ou moins intense suivant les habitudes, les conditions individuelles, le frein et le contrôle de la volonté, etc.

La cohésion est une autre loi que nous avons trouvée dans les phénomènes émotionnels; elle se rapporte à la composition des états de conscience considérés comme des éléments présentant un composé qui, à son tour, constitue une excitation et un motif à l'émotion. Beaucoup des émotions sociales dérivent de la cohésion; l'amour pour des personnes étrangères, à la famille, celui qui devient si intense dans la même famille, les relations amicales, plus éloignées aussi, dérivent de la cohésion des perceptions de personnes, des sentiments provoqués par la présence de ces dernières et de leurs actes; on peut affirmer que la sociabilité est un effet de la cohésion d'actes psychiques. Ces cohésions peuvent être plus ou moins compactes ou adhérentes dans leurs parties composantes; certains éléments sont comme les racines centrales autour desquelles adhèrent des états psychiques accessoires; les éléments peuvent en être augmentés par de nouvelles adhésions et de nouvelles relations, cela très largement et de manière à devenir la cause d'émotions variées et complexes.


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