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Physiologie et pathologie de la volonté - Partie 2

Revue encyclopédique

En 1899, par Le Dantec F.

Nous pouvons maintenant comprendre la valeur des différentes opérations que les auteurs distinguent dans une volition en se servant des documents objectifs et subjectifs à la fois: excitation, perception, association d'idées, détermination, exécution. Excitation se comprend sans peine; perception se rapporte à la situation topographique du point où l'excitation détermine les premières sensations conscientes (énergie spécifique); à partir de ce point, le courant suit une marche tortueuse, plus ou moins complexe, et crée des résidus nouveaux ou en éveille d'anciens (association d'idées), pour arriver enfin à un ou plusieurs points des centres dont la situation topographique définit la détermination à laquelle s'arrête la volition parce que c'est en ces points qu'elle quitte les centres conscients pour se propager dans une voie purement mécanique d'exécution ou d'inhibition. Nous avons l'illusion qu'une faculté spéciale de notre individu, la volonté a le pouvoir de diriger les chemins suivis depuis la perception jusqu'à la détermination; autrement dit, nous attribuons à notre volonté à peu près toute la partie consciente de nos volitions. Son domaine sera donc d'autant plus étendu que les chemins possibles dans notre cerveau à partir de la perception seront plus nombreux et plus variés. L'étendue de notre volonté est une propriété qui nous est personnelle, c'est un caractère de notre individualité. Comme tous les caractères individuels, la volonté variera donc en étendue d'un individu à un autre; elle pourra varier dans un même individu avec l'âge (évolution de la volonté) ou sous l'influence de causes morbides (pathologie de la volonté).

Passons rapidement en revue les différentes variétés de volontés normales ou pathologiques:
Les caractères individuels sont morphologiques ou physiologiques; on met à part de ces derniers les caractères psychologiques qui n'en sont qu'un cas particulier. De même que les autres caractères individuels, les derniers oscillent, dans une espèce donnée, autour d'un type moyen que l'on appelle le type normal de l'espèce. Le pigment est plus ou moins répandu chez les hommes: il y a des individus moyens qui sont châtains, d'autres extrêmes sont très blonds ou très bruns. Ce ne sont que des différences de quantité. J'ai essayé d'établir ailleurs que tous les caractères individuels sont des caractères quantitatifs. De même pour la volonté: il y aura des types à volonté étendue, d'autres à volonté restreinte. De plus, ces variations quantitatives de la volonté pourront porter sur les différentes parties de la volition; on devrait restreindre aux parties variables de la volition la volonté propre; le plus souvent les auteurs y introduisent aussi l'excitation. Il y aura donc des types chez lesquels l'excitation sera plus ou moins forte, d'autres chez lesquels la perception sera plus ou moins nette, l'association des idées plus ou moins compliquée, la détermination plus ou moins précise et énergique, etc... On voit ainsi qu'il y aura une très grande variété de types de volonté, de même qu'il y a une grande variété de types de physionomie.

Les types extrêmes, trop éloignés du type moyen, seront des monstres, des cas tératologiques. Les plus nettement caractérisés d'entre eux sont les idiots, les imbéciles, chez lesquels l'association d'idées est presque nulle; chez ces êtres, il n'y a pour ainsi dire pas de volition; le système nerveux est, de bonne heure, à peu près adulte; une excitation donnée conduit fatalement à une exécution déterminée; il n'y a pas de volonté. Naturellement, il y a beaucoup d'intermédiaires entre ce cas extrême et le type moyen. Les impulsifs sont des êtres chez lesquels certaines excitations qui, chez les individus moyens, éveillent une association d'idées avant d'amener l'exécution produisent au contraire fatalement cette exécution. Un être peut être impulsif pour une certaine catégorie d'excitations et type moyen pour les autres; il peut même quelquefois être amené, après coup, par une association d'idées ultérieure, à corriger l'acte impulsif fatal précédemment accompli, etc... Il y a des milliers de gradations.

A l'autre extrémité de l'échelle, nous trouvons au contraire les abouliques; quelques-uns le sont par défaut d'excitation; ce ne sont pas des abouliques vrais; un aboulique est celui chez lequel la volition, partie d'une excitation déterminée, n'arrive jamais jusqu'à l'exécution. Il n'y a pas d'abouliques absolus, car leur mort serait fatale, mais il y en a chez lesquels l'influx, parti d'une excitation donnée, se disperse dans un trop grand nombre de directions et aboutit soit à un grand nombre de déterminations contradictoires (irrésolus), soit à une détermination unique non suivie d'exécution. Ces derniers sont les plus curieux. Le cas de Coleridge est célèbre et cité partout. Il y a d'autres cas tératologiques; je ne puis les passer en revue ici.

En dehors de ces cas tératologiques, il y a pour la volonté, comme pour les autres caractères physiologiques de l'individu, des états pathologiques momentanés; ces états pathologiques seront différents, naturellement, suivant qu'ils résulteront de la diminution ou de l'augmentation de telle ou telle partie de la volition: (excitation, perception) anesthésie, (association d'idées) idée fixe, (détermination) irrésolution, (exécution) aboulie pathologique ou au contraire impulsion irrésistible, etc... Le plus souvent, ces états pathologiques sont le résultat d'intoxications: alcool, opium, poisons résultant de la maturité génitale (puberté, menstrues), de la grossesse, des dyspepsies, etc...

On considère aussi quelquefois comme devant s'étudier avec les maladies de la volonté les phénomènes de suggestion qui arrivent à remplacer la volonté d'un individu par celle d'un autre; je ne sais pas jusqu'à quel point cela est logique; l'homme agit toujours sous l'influence des conditions extérieures; dans les cas de suggestion, il arrive seulement qu'un individu étranger joue, dans les conditions extérieures du suggestionné, un rôle prépondérant; on arriverait dans cette voie à considérer que la volonté de l'élève est anéantie par celle du maître dont il suit les préceptes.

Je n'ai pu qu'indiquer brièvement l'intérêt d'une question troublante qui touche à celle de la responsabilité criminelle. Ce qu'il faut retenir, c'est que la volonté, comme tous les caractères individuels, est le produit partie de l'hérédité, partie de l'éducation et que, pour les types moyens au moins, l'éducation peut corriger l'hérédité; quand cette correction n'a pas eu lieu dans la mesure du possible, la responsabilité de l'individu est diminuée, mais celle de l'éducateur est augmentée d'autant, et l'on est en droit de lui reprocher une dangereuse et coupable négligence.


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