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Les sensations et les représentations - Partie 4

Revue des sciences psychologiques. Psychologie, psychiatrie, psychologie sociale, méthodologie...

En 1913, par Tastevin J.

Les sensations visuelles constituent l'aspect fondamental sous lequel se présentent à nous les objets. A tout instant de notre vie habituelle les deux petites surfaces sensibles que sont nos rétines subissent l'irritation — coordonnée au préalable par les appareils visuels — des radiations lumineuses émises par les corps environnants; le résultat de l'excitation de ces surfaces rétiniennes est la production de sensations lumineuses multiples, apparaissant juxtaposées dans l'espace, constituant même un aspect de l'espace, en même temps qu'un aspect de l'univers matériel, et nous donnant des objets la forme et la couleur. Dans cet ensemble complexe de sensations qu'on appelle champ visuel et qui s'introduit dans chacun de nos états de conscience, des modifications fréquentes se produisent, parmi lesquelles se trouvent les phénomènes de déplacement. Ils sont de deux sortes: tantôt quelques objets se déplacent par rapport aux autres dans le champ, tantôt un objet spécial, distinct de tous les autres en ce qu'il est permanent dans le champ visuel, change de position parmi les corps environnants. Cet objet permanent dans le champ visuel et qui, à tout instant, y occupe la même place est ce même objet sur lequel se localisent toutes les sensations du deuxième groupe, c'est notre corps. Dans tout état de conscience, il introduit une partie de lui-même sous forme visuelle; d'autre part à tout instant les multiples éléments nerveux qui unissent aux centres sa surface et ses organes internes subissent des irritations légères, déterminant des sensations très nombreuses mais faibles; dès lors, dans tout état de conscience il introduit encore un ensemble de phénomènes sensitifs localisés dans l'intérieur de l'espace visuel qu'il circonscrit et à la surface de cet espace. Ainsi se forme un complexus de conscience permanent dans notre vie mentale et constitué par l'association étroite de l'image visuelle de notre corps et des diverses sensations cutanées ou profondes localisées aux divers points de l'espace circonscrit par cette image visuelle; ce complexus est la base de notre moi.

On a vu précédemment que les sensations visuelles et auditives avaient leur localisation sur les objets extérieurs et qu'elles se confondaient avec eux. Lorsque ces sensations ont une tonalité affective, un ton de plaisir ou de désagrément, cette tonalité nous apparaît comme un attribut de l'objet; c'est le cas d'une voix délicieuse ou d'une forme jolie; à cause de cela toutes ces sensations sont dites objectives.

Des phénomènes visuels ou auditifs, localisés à nos appareils sensoriels, peuvent se produire dans des états plus ou moins nettement pathologiques; tels sont les bourdonnements d'oreilles, les phosphènes ou les lueurs produites par la compression des globes oculaires; nous rapportons ces sensations à nous-mêmes et elles sont dites subjectives, c'est-à-dire rapportées au sujet, par opposition aux sensations objectives localisées sur des objets extérieurs.

Pour déterminer les sensations du deuxième groupe, l'objet excitant doit être mis, nous l'avons vu, en contact avec notre corps; aussi ces sensations sont-elles localisées à l'un ou à l'autre des deux objets en contact, à notre corps ou à l'objet extérieur. Ce qui fait le caractère objectif ou subjectif des sensations, c'est leur dépendance plus ou moins marquée de l'objet ou du sujet. La douleur produite par un instrument tranchant n'est jamais placée dans cet instrument, d'abord parce que la douleur existe encore après que le contact de l'objet a cessé et qu'elle est alors rapportée à la lésion cutanée persistante, parce qu'en outre cette douleur peut être produite par des objets très différents et qu'enfin, à l'état pathologique ou dans certaines émotions, elle se produit sans que nous apercevions un agent excitant à l'endroit où elle est ressentie. Pour les mêmes raisons nous rapportons à notre surface cutanée les sensations prurigineuses; ces dernières sont, avec les sensations douloureuses, les types les plus nets de sensations subjectives.

Les sensations de contact ont un caractère mixte; cependant elles sont plutôt des phénomènes objectifs et cela parce que leurs diverses modalités correspondent à des aspects visuels de la surface des corps; en sorte que ces sensations, étroitement associées à ces aspects placés dans l'objet, sont elles-mêmes, du moins jusqu'à un certain point, localisées dans cet objet.

Les sensations de chaud ou de froid sont objectives ou subjectives suivant que c'est un objet extérieur ou notre corps, par ses variations de température, qui est l'agent de l'excitant thermique. Enfin les odeurs et les saveurs sont mixtes, tandis que les sensations internes (sentiment de fatigue, etc.) sont subjectives.

Remémoration. — La remémoration est l'opération par laquelle une sensation réapparaît dans l'esprit sous une forme modifiée, sans l'intervention de l'excitation qui lui a d'abord donné naissance. Cette forme modifiée de la sensation porte le nom de représentation, ou plus communément celui de souvenir. Le phénomène de la remémoration implique évidemment qu'après avoir disparu des états de conscience, la sensation a laissé, dans la matière nerveuse, une trace dont d'ailleurs la nature nous échappe complètement; à cette trace nous donnerons le nom d'impression. On appellera mémoire la propriété qu'a la matière nerveuse de subir ces impressions et de les conserver.


II Les Représentations

Pour observer des représentations dans les conditions les meilleures, il faut en provoquer la production peu d'instants après que la sensation a disparu. Sans entrer dans le mécanisme précis du mode de formation de ces faits psychiques, on peut dire, en employant le langage courant, qu'il suffit, après avoir éprouvé une sensation, de vouloir y penser pour que le souvenir correspondant apparaisse aussitôt. Envisageons diverses sensations: la vue d'une petite surface colorée, l'audition d'un son, une saveur, une sensation de contact, etc.; lorsque la sensation a disparu, rappelons la par l'idée même de ce rappel. Le fait de conscience qui se produit alors nous apparaît aussitôt comme un aspect atténué de la sensation; cependant — et cela est capital — il n'est pas de sensation analogue, si faible soit-elle en intensité, avec laquelle nous pourrions le confondre. En l'absence de toute lumière, le souvenir d'un objet lumineux ne modifie en rien le champ visuel obscur et de même, dans un endroit silencieux, le souvenir d'un son n'altère en quoi que ce soit le silence environnant; l'on ne peut donc pus dire que la représentation est une sensation affaiblie. Malgré cela, l'intensité de la sensation est exprimée d'une certaine manière dans le souvenir; si faible que soit une sensation, elle pourra donner lieu à une représentation où la faible intensité réapparaîtra, bien que sous une forme spéciale. Dans les souvenirs d'un objet éclairé, d'une voix forte, d'une saveur amère, nous retrouvons l'intensité de coloration de l'objet, la force de la voix, le degré d'amertume de la saveur; seulement, ces intensités y revêtent un aspect particulier et irréductible. On peut exprimer ces faits en disant que, dans les représentations, l'intensité des sensations originelles existe à l'état de notion, à l'état cognitif.


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