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Les sensations et les représentations - Partie 2

Revue des sciences psychologiques. Psychologie, psychiatrie, psychologie sociale, méthodologie...

En 1913, par Tastevin J.

Parmi les tonalités que revêtent les sensations, il en est un groupe qui mérite une attention toute particulière: celui des tonalités affectives. Les tonalités des sensations étant des données immédiates de l'esprit, il est impossible de définir les tonalités affectives par des caractères intrinsèques. Tout ce que nous pouvons dire c'est que, au contraire des autres tonalités, elles ne nous sont pas indifférentes: il en est que nous recherchons et d'autres que nous nous efforçons d'éviter; nous qualifions les premières d'agréables, les autres de douloureuses, de pénibles, de désagréables.

Explorons maintenant les divers points excitables du corps, portons-y des excitants variés et examinons parmi les sensations obtenues celles qui ont des tonalités affectives.
Sur la surface cutanée nous obtenons quatre sortes de sensations:
1° Les sensations tactiles;
2° Les sensations douloureuses, dues à la production de lésions mécaniques dans la peau;
3° Les sensations déterminées par les excitants thermiques;
4° Les sensations prurigineuses.

Si, avec une épingle, on pique un point quelconque de la surface cutanée, on obtient tout d'abord, lorsque le contact est très léger, une sensation à tonalité nettement affective et très spéciale que nous étudierons dans un instant sous le nom de sensation prurigineuse; avec un contact plus accentué la sensation première disparaît et fait place à une sensation indifférente: la sensation tactile; enfin, lorsque l'épingle pénètre dans les tissus, une tonalité nouvelle apparaît, la sensation est douloureuse, son intensité croît très rapidement et en peu d'instants devient insupportable. Toutes les excitations qui meurtrissent la peau: broiement, section, pression intense, action des caustiques, etc., donnent des tonalités douloureuses analogues. Les excitations thermiques, c'est-à-dire l'élévation ou l'abaissement de la température d'un point de la surface cutanée, donnent lieu d'abord à des sensations de chaud ou de froid dont la tonalité est très peu affective, puis à des sensations douloureuses à tonalité particulière: les sensations de brûlure; à partir de ce moment un élément nouveau, l'altération de la peau, est intervenu dans l'excitation. Ainsi, si l'on plonge la main dans de l'eau à 33° environ (température de la main), on obtient une sensation purement indifférente; si la température s'élève jusque vers 40-45°, on éprouve une sensation de chaleur; puis, enfin, au-dessus de cette température, les tonalités chaleur et douleur se combinent pour donner la sensation de brûlure, laquelle s'accroît très vite et devient rapidement intolérable. Au-dessous de 33° on parcourt successivement les phases de froid et de brûlure, mais avec beaucoup plus de lenteur qu'au-dessus; ainsi ce n'est que vers 0 -5° que la sensation commence à devenir pénible, pour être extrêmement douloureuse vers -30°.

Les sensations prurigineuses sont produites à la surface de la peau par un contact très léger ou par un frôlement. L'excitabilité prurigineuse de la surface corporelle n'est pas partout la même; elle est très grande autour des orifices naturels de la tête (pavillon de l'oreille, lèvres, paupières, narines), sur les parois de ceux de ces orifices qui sont habituellement ouverts (fosses nasales, conduit auditif), à la plante des pieds et à la paume des mains. Sur le reste du corps elle est à peu près uniforme et très inférieure à celle des régions précédentes.

Frôlons avec un objet quelconque la surface cutanée de la lèvre inférieure, nous obtenons une sensation intense, très disproportionnée d'intensité avec l'excitation qui l'a produite et possédant une tonalité très spéciale, par conséquent indéfinissable et qu'il faut éprouver pour la connaître. Cette tonalité est nettement affective, mais il est assez difficile de dire si elle est douloureuse ou agréable; cependant lorsque la sensation est très forte, aux lèvres par exemple, elle est plutôt désagréable et des mouvements automatiques de frottement ou de mordillement tendent à se produire pour la faire cesser; lorsque la sensation est faible elle a une tonalité agréable.

Un caractère important des sensations prurigineuses est leur longue persistance après l'excitation. A la lèvre inférieure on peut éprouver des sensations perceptibles encore cinq minutes après la cessation de l'excitation, et pourtant celle-ci n'a été qu'un simple frôlement; mais si, pendant que dure la sensation, on frotte la peau à l'endroit excité, la sensation prurigineuse disparaît.

Par le frottement l'excitabilité prurigineuse de la peau est beaucoup diminuée et peut même momentanément disparaître: on s'en rend compte aisément en frôlant deux parties symétriques du visage, dont l'une a été préalablement frottée; sur cette dernière les sensations prurigineuses sont très atténuées et peuvent même être nulles.

Certaines modifications pathologiques dans l'état de la peau, accroissent beaucoup l'excitabilité prurigineuse et déterminent même des sensations spontanées de prurit; telles sont quelques affections cutanées, quelques maladies s'accompagnant d'altérations de la composition sanguine, enfin les changements produits dans la peau par les révulsifs (teinture d'iode, sinapismes).

Les sensations gustatives ont un faible caractère affectif, surtout lorsque l'excitation occupe une faible surface; à moins qu'il ne s'agisse d'un excitant capable de léser la muqueuse; mais alors la sensation est simplement douloureuse et n'a pas de caractère gustatif.

Comme les précédentes, les sensations olfactives n'ont jamais une tonalité affective très forte, elles ne sont qu'agréables, indifférentes ou désagréables; il n'y a pas d'odeurs douloureuses ou même vraiment pénibles. Il en est de même des sensations visuelles et des sensations auditives; il y a des sons mélodieux, des voix suaves, de belles couleurs, des voix désagréables; il n'y a pas de sensations auditives ou visuelles douloureuses. Cependant il est vrai qu'un corps éblouissant placé devant notre œil détermine de la douleur; il en est de même de l'audition d'un bruit très intense; mais, si l'on y fait attention, on remarquera que dans ces cas les éléments douloureux ne font pas partie des sensations visuelles ou auditives; qu'alors que celles-ci sont localisées sur l'objet extérieur, source de la lumière ou du son, les éléments douloureux font partie d'une deuxième sensation — ni lumineuse, ni auditive — localisée dans l'appareil sensoriel.

Les sensations qui viennent d'être examinées sont provoquées en excitant la surface extérieure corporelle. Mais notre corps a également une surface intérieure, constituée surtout par la paroi du tube digestif. Sur cette surface il n'est pas partout facile de porter des excitations. On peut cependant constater que, comme la peau, la muqueuse buccale est sensible aux excitants douloureux et thermiques (piqûre, section, brûlure): on peut introduire des liquides chauds ou froids dans l’œsophage, l'estomac, le rectum et observer qu'ils y déterminent des sensations de chaleur ou de froid, mais néanmoins d'une intensité plus faible que sur la peau.


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