Quand l'expérience émotionnelle biaise le jugement : la règle pic-fin

Les choix que nous faisons et les décisions que nous prenons sont souvent basés sur nos expériences passées. Par exemple, le souvenir d'une expérience désagréable, voire douloureuse (un examen médical, un divorce, etc...), risque d'influencer nos choix à venir afin d'éviter de renouveler une telle expérience. Et inversement, un souvenir agréable (une rencontre, un sport, etc...) nous incitera à revivre ce type d’événement.

De fait, si nos souvenirs sont biaisés, nos jugements et nos choix risquent de l'être également. Et c'est justement ce que des études scientifiques ont montré...


Nos jugements ne sont donc pas fiables?

Le système mental sur lequel repose la plupart de nos prises de décision semble effectivement présenter des failles. Plus précisément, on peut considérer que notre fonctionnement mental repose sur deux systèmes principaux:

  • Le système 1: il s'agit d'un système de pensée simplifié et donc très rapide, que l'on pourrait qualifier d'automatique. Nous l'utilisons pour prendre la plupart de nos décisions quotidiennes.
  • Le système 2: il s'agit d'un système de pensée rationnel et donc plus lent. Nous l'utilisons seulement pour effectuer des jugements, des calculs et des choix complexes.

Or, cette répartition des rôles entre le système 1 et le système 2 est parfois mise en défaut sans que nous en ayons conscience. En effet, dans de nombreuses situations, nous sommes persuadés de réfléchir et d'agir de façon rationnelle (c'est-à-dire en utilisant le système 2) alors qu'en réalité, nos décisions sont automatiques (c'est-à-dire basées sur le système 1).


Dans quel cas cette illusion du jugement survient-elle?

Une telle illusion se produit surtout lorsque le jugement est basé sur des souvenirs d'expériences émotionnelles. En effet, des études ont révélé qu'au cours d'une expérience douloureuse (par exemple, un examen médical), l'évaluation de la douleur totale ressentie au cours de l'examen est biaisée par deux principaux facteurs:

  • Le pic de souffrance, c'est-à-dire le pire moment de douleur subie.
  • La souffrance ressentie à la fin.

Nous nous souvenons surtout des pics de douleur et de l'intensité de souffrance ressentie à la fin d'une expérience plutôt que de la douleur totale. c'est la règle pic-fin.Ainsi, comme le montre le schéma ci-contre, un examen (A) dont la quantité de douleur totale est relativement faible, mais qui présente une forte intensité de douleur à la fin, sera jugé comme plus douloureux qu'un examen (B) dont la quantité de douleur totale est relativement importante, mais qui se termine par une quasi-absence de douleur.

Il en est de même pour les examens présentant ou non un pic de douleur: ils ne seront pas jugés en fonction de la quantité de douleur totale, mais en fonction de la présence ou non d'un pic de douleur.

Ce phénomène est appelé la règle pic-fin.

Ainsi, la plupart de nos décisions et de nos choix de vie sont influencés par cette règle. Et même s'il est très difficile, voire impossible d'éviter de telles erreurs de jugement, en être conscient et essayer d'être vigilant est déjà un premier pas.


Inspiré des travaux de Daniel Kahneman et de Christophe André.

◄ Précédent    Suivant ►

A lire également :

De la règle des mœurs
L'effet de cadrage ou l'influence du contexte sur nos décisions
La douleur : sensation ou émotion ?
La fin de l'écriture manuscrite ?
Le cauchemar de l'examen : le présage d'un succès ?

Utilisation des cookies

carnets2psycho souhaite utiliser des cookies.

Vous pourrez à tout moment modifier votre choix en cliquant sur Gestion des cookies en bas de chaque page.