Des salles de shoot pour les toxicomanes

La mise en place, dans les prochains mois, de salles d'injection pour les toxicomanes marginalisés fait actuellement débat. On peut résumer ces tensions par la confrontation de deux visions opposées face à la lutte contre la toxicomanie: l'une met l'accent sur la nécessité de maintenir une image négative et répulsive des drogues et se place dans un cadre prohibitionniste; tandis que l'autre se focalise surtout sur la réduction des risques liés à l'usage de drogues et se place dans une logique de soin.


Se focaliser sur la réduction des risques est-elle forcément la meilleure approche?

A vrai dire, cela fait plus de 40 ans que la démarche à adopter pour lutter efficacement contre la toxicomanie fait débat. En effet, une première offensive a été lancée en 1970 par l'adoption d'une loi interdisant l'usage de substances illicites sous peine d'un an d'emprisonnement. Et il faut bien admettre que cette déclaration de guerre à la drogue, et dans le même temps aux drogués, n'a pas apporté de résultats probants. Au contraire, cette position a surtout marginalisé encore davantage les toxicomanes et aggravé la situation des plus précaires.
C'est pourquoi, un changement de position s'est effectué en 1987. Cette fois, une démarche ancrée davantage dans une logique de réduction des risques est adoptée, avec la mise en vente libre des seringues. Ainsi, même si cette disposition n'a pas diminué la consommation de drogue (en l’occurrence d'héroïne), elle ne l'a pas non plus augmentée. En revanche, cette mesure a permis de réduire considérablement les risques de contamination par le virus du sida et de l'hépatite C.

De fait, afin de lutter encore davantage contre les dommages liés à l'injection de drogues, des centres de consommation supervisés pour les toxicomanes désinsérés et marginalisés sont aujourd'hui envisagés. Plus précisément, il s'agit de salles d'injection dont l'objectif est d'éviter les overdoses, les septicémies, les abcès, etc... et d'apporter un minimum de dignité et de considération aux usagers les plus dépendants.


Ces salles de shoot sont-elles vraiment appropriées, tant pour les toxicomanes que pour la population environnante?

Les salles d'injection pour toxicomanes existent déjà dans de nombreux pays d'Europe: les Pays bas, la Suisse, l'Espagne, la Norvège et l'Allemagne.On peut se demander en effet si ces centres ne seraient pas susceptibles "d'inciter" la consommation d'héroïne en améliorant le confort des toxicomanes, mais également de favoriser les délits liés à cette consommation, réduisant ainsi la sécurité des lieux environnants et donc des riverains...

Tout d'abord, il est important de préciser que ces salles s'adressent surtout à des usagers réguliers et dépendants à l'héroïne, c'est-à-dire à une minorité de la population de toxicomanes, le plus souvent en situation précaire et désespérée.
Ensuite, les résultats obtenus dans les pays proposant déjà de tels centres (notamment la Suisse, l'Allemagne, le Canada, l'Espagne et l'Australie) révèlent que ces dispositifs ne favorisent pas l'usage de drogue et n'augmentent pas le nombre de délits liés à cet usage. Au contraire, il semble que ces lieux encouragent de nombreux héroïnomanes à tenter de sortir de leur dépendance. En effet, le respect et l'estime de soi qu'apportent ces centres aux toxicomanes marginalisés tendent à susciter une volonté, ou du moins un espoir de changement chez ces derniers.
Enfin, loin de développer des nuisances à proximité des salles d'injection, ces dispositifs permettent au contraire de réduire les lieux "sauvages" de consommation, les "scènes ouvertes" sur des shoots par des usagers totalement démunis, ne disposant même plus d'espace privé pour se livrer à de tels actes.


Inspiré des travaux de Marc Valleur.

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