La définition de Démence

La démence désigne un affaiblissement mental global qui frappe l'ensemble des facultés psychiques et altère progressivement, avec l'affectivité et l'activité volontaire du patient, ses conduites sociales. La démence se caractérise par une évolution irrémédiablement progressive de ce déficit. Généralement, elle est due à une atteinte cérébrale organique plus ou moins diffuse, de nature abiotrophique, vasculaire, infectieuse, traumatique, toxique ou tumorale.


L'histoire de la démence

Le concept de démence s'est peu à peu dégagé d'un cadre nosologique très large à partir du mot latin dementia, qui signifiait folie en général, tel qu'on le retrouve dans l'adjectif actuel démentiel. Il s'opposait à amentia (absence d'esprit), ayant un sens plus limité se rapportant à la déficience mentale congénitale.
Ce n'est qu'à partir du XIXe siècle que l'amentia se situe surtout comme une affection aiguë par rapport à l'état de démence, de folie générale chronique. La démence garde son sens très général dans le Code civil de 1808 (article 489) et surtout dans le Code pénal de 1810. C'est le fameux article 64 : « Il n'y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action criminelle. » Et ce sens très général persiste dans le cadre des procédures judiciaires actuelles, même s'il est de plus en plus discuté.
Pourtant, déjà avec Philippe Pinel, la démence est un terme réservé à « une débilité générale » qui « frappe les fonctions intellectuelles et affectives comme dans la vieillesse ». Jean-Étienne Esquirol lui donne une signification identique et l'oppose nettement à l'idiotie, qui est congénitale.
Puis s'y ajoutent les notions de chronicité et d'incurabilité. La causalité organique se précise avec la description par Antoine Bayle de lésions de méningite chronique dans la démence paralytique, qui devient la paralysie générale progressive. Mais elle n'est pas encore certaine.
Le cadre de la démence s'élargit brusquement avec la démence précoce de Emil Kraepelin, allant jusqu'à la démence infantile de Heller et même à la démence précocissime de Sanctis, recouvrant finalement presque tout le champ des psychoses chroniques chez l'adulte comme chez l'enfant. Ce n'est que progressivement que le concept de démence se limite, pour sortir de ce champ des psychoses et toucher les démences organiques.
Enfin, le terme de démence a été progressivement réservé aux états acquis d'affaiblissement mental global altérant les conduites sociales.


Les démences préséniles et séniles

Ces démences tardives se traduisant par une détérioration mentale progressive, survenant après la cinquantaine et en rapport avec des processus anatomiques d'abiotrophie ou de sclérose au niveau du tissu cérébral. Il peut s'agir soit d'une abiotrophie relativement précoce (c'est le cas des démences préséniles représentées par la maladie d'Alzheimer et celle de Pick), soit d'une abiotrophie plus tardive du tissu cérébral (c'est le cas de la démence sénile, qui est maintenant considérée comme une véritable maladie d'Alzheimer d'apparition retardée).
On peut y inclure la sclérose consécutive à une artériopathie cérébrale, produisant la démence à infarctus multiples. Dans ce cas, il n'y a démence que lorsque les lésions sont assez étendues et diffuses. Il en est de même de la presbyophrénie, dont la place se situe dans le cadre général de la démence sénile et, surtout, de la démence vasculaire à infarctus multiples.
La démence sénile proprement dite regroupe en fait la plupart des syndromes démentiels survenant après 65 ou 70 ans, dont les formes les plus pures ne seraient finalement que des maladies d'Alzheimer relativement tardives. Il reste cependant classique de la décrire, d'autant plus que son diagnostic recouvre encore la plupart des affaiblissements psychiques séniles. Aussi, le flou de ses limites anatomocliniques rend difficile une description précise de ses symptômes. S'accompagnant d'un affaiblissement psychique généralisé, la démence sénile noie ses signes dans un tableau démentiel global. C'est en particulier le cas des symptômes aphaso-apraxo-agnosiques, qui ne s'individualisent pas aussi nettement que dans la maladie d'Alzheimer.
Du point de vue anatomo-pathologique, la démence sénile se caractérise par une réduction pondérale du cerveau avec trois types de lésions:

  • Un processus d'atrophie neuronale avec dégénérescence granulo-pigmentaire et surcharge pigmentaire par chromatolyse du noyau. On note une nette diminution de la densité cellulaire. Aussi, ce processus est diffus.

  • La lésion intracellulaire d'Alzheimer: elle se retrouve avec une grande fréquence.

  • Les plaques séniles: on les observe dans la couche des petites cellules pyramidales. Il s'agit de plaques fortement argentaffines composées de fibrilles enchevelées à l'intérieur desquelles se trouve un amas de substances amorphes. C'est essentiellement une désintégration de cellules ganglionnaires.

La démence d'un point de vue clinique

Le début de la démence est généralement lent et insidieux. C'est un déficit progressif portant essentiellement sur les fonctions mnésiques et le caractère:

  • La mémoire de fixation: c'est est la première atteinte.

  • Les troubles caractériels: ils sont fonction d'une personnalité qui voit se limiter ses possibilités d'adaptation et qui, en conséquence, rétrécit le cadre de ses activités tant sur le plan affectif que sur le plan social (égoïsme, misonéisme, irritabilité).

  • Les troubles du jugement: ils se traduisent par de l'insouciance et par les premiers actes inconsidérés, dont les conséquences médico-légales peuvent être graves.

  • Les troubles de l'attention: ils se caractérisent par de brusques baisses de la vigilance et produisent une désorganisation de certaines conduites professionnelles, intellectuelles ou domestiques.

Dans certains cas, le début est plus psychotique avec apparition d'idées délirantes à thème de préjudice surtout, d'onirisme avec phénomènes hallucinatoires surtout nocturnes ou même d'agitation avec turbulence et agressivité vis-à-vis de l'entourage. Il faut insister sur les troubles du sommeil et de la vigilance, responsables de l'onirisme. Souvent, c'est un état dépressif, dit d'involution, avec affaiblissement psychique qui s'aggrave progressivement, pouvant faire discuter le diagnostic de pseudo-démence.
Enfin, l'évolution peut commencer brutalement à la suite d'une brusque décompensation ou d'une défaillance psychique. Elle a pour conséquence une impossibilité d'adaptation à une situation traumatisante ou, simplement, trop nouvelle (par exemple, un changement de cadre de vie, une hospitalisation). Cette réaction catastrophique se traduit par un état de confusion anxieuse grave avec désorientation temporo-spatiale complète et troubles neurovégétatifs parfois très graves. Par ailleurs, la défaillance psychique, une fois guérie, peut être suivie d'un retour à la normale, mais parfois elle précipite un processus démentiel jusque-là resté latent.


La démence à la période d'état

Ce processus atteint toutes les fonctions intellectuelles:

  • La perte de la mémoire: elle est abolie non seulement pour les faits récents (amnésie de fixation), mais progressivement pour les faits anciens (amnésie d'évocation). Cette amnésie prédomine d'abord sur les souvenirs les plus proches et progressivement touche les plus éloignés, respectant relativement les souvenirs ayant une forte charge affective. Le malade fait tout ce qu'il peut pour dissimuler ses troubles. Ainsi, il peut remplacer ses lacunes par des éléments confabulés, généralement assez pauvres.

  • La perte de la pensée opératoire: elle est responsable des troubles de l'association des idées. Celle-ci devient peu à peu purement formelle et incohérente. La défaillance de l'association productive ne permet plus au malade de combiner des phrases avec des mots donnés. L'enchaînement des petites histoires n'est plus compris. Très précocement, on a vu disparaître la possibilité des associations inverses, ou rétrogrades. Cette perte est spécialement évidente dans l'impossibilité de répéter une série même très courte de chiffres à l'envers, de compter de 20 à 1 ou de donner les mois de l'année ou les jours de la semaine dans l'ordre inverse.
    Aussi, l'association purement formelle est à l'origine de la persévération verbale, qui, lorsque les mots prononcés sont dénués de sens, devient de la verbigération, puis de l'écholalie, et enfin, de la palilalie.

  • Les troubles du langage: ils sont ainsi représentés par une sorte d'incontinence verbale, de bavardage et de radotage où prédominent les automatismes, la persévération et la répétition. Ces troubles du langage se caractérisent par des troubles de l'idéation, des troubles de l'orientation, et une perturbation des fonctions gnosiques.

  • Les troubles du sommeil: ils sont alors très fréquents. Ils se caractérisent par une turbulence, une agitation et quelques fois des crises hallucinatoires nocturnes. Celles-ci sont parfois accompagnées d'éléments délirants sans vraie systématisation ni extension progressive (idées de ruine, de préjudice, impression que l'entourage, les héritiers veulent sa disparition). Les troubles du sommeil sont bientôt noyés dans l'affaiblissement démentiel.

  • Les troubles de l'affectivité: l'affectivité paraît être très émoussée. Cependant, une sensibilité affective persiste longtemps. Elle permet au malade, malgré cette déchéance et l'impossibilité de toute identification précise, de sentir encore l'atmosphère sociale et morale. Là est l'origine de certaines détresses à la suite de l'internement du dément sénile que l'on croyait devenu parfaitement indifférent.

L'évolution de la démence

L'évolution de la démence se fait progressivement, en deux à cinq ans, vers un état de démence profonde avec apparition du grasping reflex et de comportements archaïques (oral reflex, boulimie, etc...). Le gâtisme et l'apragmatisme complets s'installent. Le malade, devenu grabataire, meurt, comme dans les autres démences, à la suite de complications de décubitus (escarres de plus en plus étendues, pneumopathies infectieuses) ou, dans un état de cachexie avancée, d'un collapsus cardio-vasculaire terminal.
Par ailleurs, on peut décrire un processus d'alzheimérisation progressive qui se retrouve dans beaucoup de démences tardives et qui passe par quatre stades évolutifs successifs:

  • Un affaiblissement psychique: il est simple, purement névrotique, sans déficit fonctionnel spécifique.

  • Une atteinte de la mémoire: elle s'accompagne d'un syndrome mnésique plus ou moins important, de déficits opératoires et de déficits de l'organisation spatiale avec un début d'apraxie constructive.

  • Le syndrome en foyer: il se caractérise un syndrome amnésique marqué, des troubles neurologiques (préhension forcée, hypertonie d'opposition), une aphasie, un début d'apraxie idéatoire et idéomotrice, une apraxie constructive totale.

  • Une alzheimérisation avancée: c'est le stade à partir duquel les fonctions instrumentales sont définitivement abolies.

La prise en charge et le traitement

Il faut souligner l'intérêt d'un maintien à domicile du malade aussi longtemps qu'une certaine autonomie le permet. C'est seulement lorsque la dépendance devient complète, et que le dément ne reconnaît plus son domicile, qu'une mesure d'hospitalisation peut s'envisager.
Quant à la protection judiciaire, on peut la proposer dès que les troubles du jugement ne permettent plus au malade de contrôler les actes de la vie civile. Il faut cependant faire preuve de tact pour imposer la mesure de tutelle, qui devient indispensable au bout de deux à trois ans d'évolution.
Par ailleurs, l'action thérapeutique, à un niveau relationnel, entraîne souvent une meilleure tolérance des déments et parfois des améliorations étonnantes. C'est pourquoi le concept de démence réduit à celui d'un déficit intellectuel d'origine organique n'est pas concevable au niveau de la prise en charge quotidienne de ces états démentiels de la sénilité. Et l'irréversibilité de la démence peut apparaître comme une notion démobilisatrice dans la mesure où elle risquerait d'entretenir un pessimisme conduisant à l'abstention thérapeutique et à des mesures de simple gardiennage.


La démence précoce

Il s'agit d'une maladie mentale chronique qui apparaît à la fin de l'adolescence ou au début de l'âge adulte. Elle se caractérisée par des troubles graves de l'intelligence et de l'affectivité, paraissant évoluer vers un déficit intellectuel progressif.
La notion de démence précoce a été introduite par le psychiatre allemand Emil Kraepelin, qui y distinguait trois grandes formes:

  • la forme catatonique
  • la forme hénéphrénique
  • la forme paranoïde

En 1908, cette psychose chronique a pris le nom de schizophrénie, avec Eugen Bleuler.

Autres termes psychologiques :

Presbyophrénie
Kraepelin
Barrage
Vésanie
Idiotie

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